Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
F

Ferry (Jules François Camille), (suite)

L'ascension de l'homme d'État.

• Haï par le Paris de la Commune, Ferry, tout comme Gambetta, a analysé les raisons de l'échec des républicains de 1848. Avant même les élections du 8 février 1871, qui donnent à la France une majorité monarchiste, il pense que la République ne s'enracinera dans les campagnes qu'en y installant des écoles où régneront la raison et la morale laïque, et non plus la religion. « Lorsqu'il m'échut ce suprême honneur de représenter une portion de la population parisienne dans la Chambre des députés, je me suis fait un serment : entre toutes les nécessités du temps présent, entre tous les problèmes, j'en choisirai un auquel je consacrerai tout ce que j'ai d'intelligence, tout ce que j'ai d'âme, de cœur, de puissance physique et morale, c'est le problème de l'éducation du peuple. » Mais ce serment prononcé en 1870, Ferry doit attendre neuf années avant de le mettre à exécution. Neuf années au cours desquelles il apporte une contribution éminente à la consolidation institutionnelle et aux progrès électoraux du régime républicain. Son mariage, célébré le 24 octobre 1875, n'apparaît pas seulement comme un événement heureux dans sa vie privée mais aussi comme un tournant dans sa carrière politique : il trouve en Eugénie Risler une compagne exemplaire et, du fait de ses liens avec la famille Kestner, dynastie d'industriels alsaciens, un attachement plus intime à la « province perdue ». Au lendemain du 16 mai 1877, il devine que la tentative de Mac-Mahon arrive trop tard. « On nous présente la dissolution comme une menace : nous l'acceptons comme une délivrance », déclare-t-il aux électeurs de Saint-Dié. De fait, réélu triomphalement le 14 octobre, il préside, dans la nouvelle Chambre, le groupe le plus important, et il reçoit enfin, à 47 ans, dans le gouvernement formé le 4 février 1879, le portefeuille de l'Instruction publique.

Une œuvre d'importance.

• Ferry domine la vie politique de 1879 à 1885. Cinq ans ministre de l'Instruction publique, il est aussi président du Conseil pendant un peu plus de trois ans, de septembre 1880 à novembre 1881, puis de février 1883 au 30 mars 1885. Cela peut sembler court aujourd'hui. En vérité, il eut les moyens de prouver, pendant une période brève mais décisive, que « la République doit être un gouvernement ».

L'ampleur de son œuvre en matière scolaire est connue. C'est à lui que la France doit la promulgation des lois sur les écoles normales primaires (9 août 1879), sur le Conseil supérieur de l'Instruction publique (27 février 1880), sur l'enseignement secondaire des jeunes filles (21 décembre 1880), sur la gratuité (16 juin 1881), l'obligation et la laïcité (28 mars 1882) de l'enseignement primaire, pour n'en citer que les principales. Soucieux d'inscrire dans les mœurs, en même temps que « l'égalité d'éducation », la liberté de conscience, c'est-à-dire de transférer dans la sphère privée les croyances religieuses, Ferry conçoit l'école comme un instrument de civilisation, d'unification nationale et de pacification sociale. Il entend, à la fois, refermer la « boîte de Pandore » de la Révolution et rendre à la patrie son rang. Héritier proclamé des constituants de 1789, et non des jacobins de 1793, il se veut aussi le restaurateur de la « Grande Nation ». C'est pourquoi la France humiliée par la défaite de 1871 doit, à ses yeux, reprendre son expansion coloniale en Tunisie, à Madagascar, en Indochine. Mais sa politique coloniale, combattue avec passion dans son propre camp, ne cesse de l'affaiblir, jusqu'à l'hallali sonné par Clemenceau le 30 mars 1885. Ferry n'a jamais été plus admirable homme d'État qu'en ce jour où il a gardé le silence face à ses interpellateurs, pour ne pas trahir le secret des négociations avec la Chine, qui allaient aboutir à la cession du Tonkin à la France. Amer succès pour celui que l'on ne surnommait plus que « le Tonkinois », à qui l'on reprochait d'avoir trahi la cause de « la revanche », et qui demandera de reposer « en face de cette ligne bleue des Vosges, d'où monte jusqu'à mon cœur fidèle la plainte touchante des vaincus ».

Jules Ferry meurt le 17 mars 1893, sans avoir pu accéder à la présidence de la République, au terme d'un dernier combat perdu. Provisoirement perdu, si l'on veut voir, avec Odile Rudelle, dans les institutions de la Ve République une interprétation fidèle et efficace de ses ultima verba. Ferry doit-il être aujourd'hui rangé à droite, comme le voudraient ceux qui se plaisent à opposer à l'esprit républicain les aspirations démocratiques ? La distinction est, pour le moins, anachronique, si l'on consent à se rappeler que, dans tous les débats sur les lois scolaires, Ferry a eu avec lui la gauche - républicaine - et contre lui la droite - qui ne l'était pas. Si tous les républicains se considèrent à présent comme ses héritiers, c'est d'abord, ainsi que le souligne Maurice Agulhon, parce que la nature du régime a cessé d'être contestée, ce qui constitue en soi, pour l'homme que ses adversaires qualifiaient d'« opportuniste », la plus sûre des victoires.

Fesch (Joseph),

cardinal (Ajaccio, Corse, 1763 - Rome 1839).

Demi-frère de Letizia Ramolino, mère de Napoléon Ier, Joseph Fesch doit toute sa carrière à son neveu. Ordonné prêtre en 1785, il prête le serment constitutionnel pendant la Révolution, mais abandonne prudemment la prêtrise sous la Terreur, devenant attaché aux fournitures de l'armée des Alpes, puis de celle d'Italie sous le Directoire. Sous le Consulat, il reprend ses fonctions ecclésiastiques, à la suite du concordat de 1801. Bonaparte, Premier consul, le fait nommer en 1803 archevêque de Lyon, primat des Gaules, puis cardinal, et l'envoie en ambassade à Rome, où il obtient la venue du pape à Paris pour le sacre de l'Empereur. C'est lui qui, la veille de la cérémonie, bénit l'union de Joséphine de Beauharnais et de Napoléon, mariés civilement en mars 1796 ; il célébrera aussi, en 1810, le second mariage avec Marie-Louise.

Voyant en son oncle un allié utile, Napoléon Ier le couvre d'honneurs et l'élève au rang de grand dignitaire de l'Empire. Fait sénateur et grand aumônier de l'Empereur en 1805, Fesch se montre cependant principalement soucieux de s'attirer les bonnes grâces du pape, non sans encourir les foudres de Napoléon, notamment lors de la crise religieuse et du concile national de 1811 relatif à l'institution des évêques. Présidant le concile, Fesch y ménage partisans et adversaires de Pie VII, mais n'hésite pas à s'opposer à Napoléon. Réfugié à Rome en 1814, membre de la Chambre des pairs durant les Cent-Jours, il quitte définitivement la France après Waterloo.