Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Préréforme (la),

vocable qui désigne un ensemble de courants réformateurs au sein de l'Église de France, antérieurement à l'apparition du luthéranisme.

La Préréforme se confond avec le mouvement humaniste qui s'épanouit entre 1490 et 1520. À la confluence du mysticisme rhénan (devotio moderna) et de l'humanisme italien, l'humanisme français est fondamentalement chrétien : proche de l'érasmisme, soucieux d'un retour à la lettre et à l'esprit de la Bible, il s'insurge contre une pratique religieuse où prévalent la liturgie et les œuvres extérieures de dévotion. Illustré par des hommes tels que Jean Standonck, principal du collège de Montaigu, le théologien Guillaume Fichet, l'éditeur Josse Bade, l'antiquaire Symphorien Champier, ou les philologues François Vatable et Guillaume Budé, il est dominé par la figure de l'exégète et traducteur Lefèvre d'Étaples.

Ces « bibliens » accordent une grande importance à la philologie sacrée et à la diffusion de l'Évangile. Sans remettre en cause les principaux dogmes, ni l'autorité de l'Église, ils prônent une épuration et une simplification de la foi, une rénovation des études, et un engagement pastoral du clergé. Ces préoccupations, partagées par les souverains et les princes - Louis XII, François Ier et sa sœur Marguerite de Navarre - trouvent un écho auprès de certains évêques, tels que René de Prie à Bayeux, Jacques de Silly à Sées, Louis Pinelle et Guillaume Briçonnet à Meaux. L'illustration la plus éclatante et la plus significative de la Préréforme française est sans nul doute fournie par l'action du « groupe de Meaux » (1516-1523). Ce cercle spirituel, dont Lefèvre d'Étaples est la figure la plus marquante, illustre l'aboutissement de la Préréforme en même temps qu'il en sanctionne l'échec : prise entre le conservatisme de la majorité des clercs et la réforme radicale lancée par Luther, la voie de la rénovation interne prônée par Lefèvre d'Étaples s'attire l'hostilité des deux camps, et aboutit à une impasse.

Presbourg (traité de),

traité signé entre Napoléon et l'empereur d'Autriche François II, le 26 décembre 1805.

La bataille d'Austerlitz (2 décembre 1805) a marqué le triomphe de l'armée française sur les forces austro-russes. Tandis que le tsar se retire par étapes, François II demande à Napoléon un armistice, qui débouche sur la paix de Presbourg. L'Autriche renonce à ses possessions en Italie et à leurs prolongements le long de l'Adriatique : elle cède à la France la Vénétie, l'Istrie (sauf Trieste) et la Dalmatie, territoires qu'elle avait acquis en 1797, lors de la paix de Campoformio. Elle doit également donner des compensations aux alliés allemands de la France - la Bavière reçoit le Tyrol, le Vorarlberg et le Trentin ; le Wurtemberg obtient la Souabe - et verser une indemnité de guerre considérable. Ces conditions très dures ont été exigées par Napoléon, malgré les conseils de modération de Talleyrand. Ce dernier, favorable à un équilibre européen fondé sur l'axe Paris-Vienne, redoute de voir la France déborder de ses frontières naturelles et devoir ainsi livrer des guerres interminables.

Le traité de Presbourg prépare le Grand Empire, avec ses royaumes vassaux et ses glacis protecteurs : il annonce une précaire hégémonie française en Allemagne et en Italie. Surtout, il porte un coup fatal au Saint Empire romain germanique, dont la ruine est consommée avec la création de la Confédération du Rhin (1806) par Napoléon, qui s'en déclare le protecteur. Le royaume d'Italie, directement administré par la France - Napoléon en est le roi, et Eugène de Beauharnais, le vice-roi - est augmenté des ex-possessions autrichiennes dans la Péninsule, tandis que Joseph Bonaparte est nommé roi de Naples, à la place de Ferdinand IV de Bourbon, qui a eu l'imprudence de se joindre à la troisième coalition.

président du Conseil,

sous la IIIe et la IVe Républiques, titre conféré au chef du gouvernement. Le terme est pourtant impropre car le Conseil des ministres est en réalité présidé par le chef de l'État.

Les lois constitutionnelles de la IIIe République (votées en 1875) ne font nulle mention d'un président du Conseil - dont le titre apparaît officiellement dans le décret du 9 novembre 1876 nommant Dufaure : théoriquement, les ministres, nommés par le président de la République, sont égaux entre eux et solidairement responsables devant les Chambres. Toutefois, ce dispositif est complété par des coutumes constitutionnelles : en effet, à partir de 1879, le président de la République se borne à désigner un président du Conseil, qui, lui-même, se charge de former le ministère, avant d'être investi par la Chambre des députés, devant laquelle son gouvernement est responsable. Primus inter pares, parlant au nom du cabinet qu'il constitue en accord avec sa majorité parlementaire (selon l'usage, le chef de l'État est néanmoins consulté pour le choix du ministre des Affaires étrangères), il est d'abord un homme de conciliation, qui a exercé lui-même parfois la présidence de la Chambre des députés (on en dénombre huit cas). Avec la Première Guerr e mondiale, puis les difficultés financières ou politiques, son pouvoir tend à augmenter. Ainsi, en août 1914, Viviani est le premier président du Conseil à ne pas prendre en charge de portefeuille particulier, pour mieux se consacrer à sa mission de coordination de l'action gouvernementale (Poincaré en 1928-1929, Doumergue en 1934, Flandin en 1934-1935, Blum en 1936-1937 et Chautemps en 1937-1938 feront de même). L'appel à une très forte personnalité pour assumer cette fonction en période de crise (un « sauveur », tels Clemenceau en 1917 ou Poincaré en 1926) révèle également son importance. Enfin, le chef du gouvernement dispose progressivement de moyens élargis : création d'un sous-secrétariat d'État à la présidence du Conseil (1917), puis de services propres à la présidence du Conseil, installés à Matignon (1935) ; recours de plus en plus fréquent aux décrets-lois dans les années 1930.

Afin de remédier à l'instabilité ministérielle de la IIIe République, les constituants de la IVe (1946) prévoient d'accroître l'autorité du président du Conseil, dont la fonction est désormais inscrite dans la Constitution. Nommant à presque tous les emplois civils et militaires, dirigeant la Défense nationale, seul habilité à poser la question de confiance, le président du Conseil est le véritable chef de l'exécutif. Il reste désigné par le président de la République, puis est investi, seul, par l'Assemblée nationale (afin de former librement son cabinet). Mais le premier président du Conseil de la IVe République, Ramadier, en requérant un deuxième vote de confiance sur la composition de son ministère, crée un précédent, et limite de fait le pouvoir de ses successeurs. Cette « double investiture » oblige le chef du gouvernement à procéder à des tractations avec les forces politiques, d'autant que l'« arme » de la dissolution est si difficilement utilisable qu'elle ne constitue pas un réel moyen de pression sur l'Assemblée nationale. L'instabilité ministérielle, encore plus importante que sous la IIIe République, est donc une des faiblesses du régime. Pour y remédier, Pierre Mendès France fait voter une réforme qui supprime la « double investiture » (1954), et Félix Gaillard propose d'introduire le système de la « défiance constructive » (janvier 1958). Mais, quelques mois plus tard, avec l'instauration de la Ve République, le titre de président du Conseil disparaît, en même temps que le régime mis en place après la guerre.