Lesseps (Ferdinand Marie, vicomte de),
diplomate et administrateur (Versailles 1805 - La Chênaie, Indre-et-Loire, 1894).
Diplomate de carrière, Ferdinand de Lesseps occupe dans les années 1830 divers postes en Orient. En Égypte, il se distingue par son dévouement lors de l'épidémie de peste. En 1848, il est consul général à Barcelone quand survient en France la révolution. Révoqué, puis rappelé par le gouvernement provisoire, il est chargé en 1849 d'une mission délicate en Italie : il négocie un accord dans le conflit entre le pape et les républicains menés par Mazzini. Mais Louis Napoléon Bonaparte, qui veut écraser la République romaine, le désavoue. Mis en disponibilité et retiré dans l'Indre, il mûrit le projet de l'ingénieur Le Père de relier par un canal la Méditerranée à la mer Rouge. En 1854, il fait approuver l'idée par son ami Saïd Pacha, khédive d'Égypte, détermine le tracé et obtient la concession de l'ouvrage malgré une vive opposition anglaise. Les travaux débutent le 25 avril 1859. Malgré de multiples obstacles - mort de Saïd, menées britanniques, déséquilibres financiers -, le canal est inauguré officiellement à Suez, le 17 novembre 1869.
À l'apogée de sa gloire, Lesseps veut rééditer son exploit. Il lance le projet de percement d'un canal à Panamá, entre les océans Pacifique et Atlantique. Mais, négligeant les difficultés techniques et climatiques, il en bâcle le montage financier. L'échec est patent dès 1889 : les travaux piétinent, tandis que les déficits accumulés et la ruine des petits épargnants aboutissent au scandale et à la mise en liquidation de la Compagnie du Panamá, à laquelle banquiers et politiques ont marchandé leur soutien. Frappé par ce désastre, Lesseps perd la raison et meurt en 1894.
Visionnaire saint-simonien plus qu'homme d'affaires, Lesseps a rapidement oublié ce que son premier succès avait d'exceptionnel pour ne croire qu'en la force de sa volonté face aux obstacles, qui se révélèrent bien plus nombreux en Amérique qu'en Égypte. On a ainsi pu dire, à juste titre mais non sans paradoxe, qu'il avait échoué à Panamá parce qu'il avait réussi à Suez.
L'Estoile (Pierre Le Taison de),
mémorialiste (Paris 1546 - id. 1611).
Grand officier de la couronne, Pierre de L'Estoile représente cette noblesse de robe gallicane et royaliste confrontée aux troubles religieux de la seconde moitié du XVIe siècle. Ses Registres-journaux, ou Mémoires-journaux, composés de 1574 à 1610, sont un précieux témoignage sur l'agitation parisienne pendant les règnes d'Henri III et d'Henri IV.
Issu d'une vieille famille d'officiers, Pierre de L'Estoile hérite du scepticisme de son précepteur, l'hébraïsant et réformé Mathieu Béroald. Après ses classes de droit à Bourges, il achète une charge d'audiencier à la chancellerie en 1569, et s'installe définitivement dans la capitale. Lié aux plus grands robins tels que les de Thou, il partage leur mépris religieux et social vis-à-vis de la Ligue. De même, il n'admet pas les ingérences pontificales et espagnoles. Certes, il demeure catholique, mais éprouve quelque sympathie pour les réformés. Malgré son attentisme, il est inquiété, en 1589, par les Seize (comité de ligueurs favorable aux Guises) et emprisonné quelques jours à la Conciergerie pour son appartenance au parti des « Politiques ».
Le grand œuvre de Pierre de L'Estoile est son cabinet de curiosités et, surtout, ses Registres-journaux, pour la rédaction desquels il résilie sa charge en 1601 et se ruinera. Son journal est composé d'un in-folio, « Les figures et drolleries de la Ligue », regroupant plus de mille cinq cents pasquils, et d'un livre de raison où, souligne Montaigne, il se présente « tout nu » dans son temps. À cet effet, il n'hésite pas à aller dans les rues recopier les placards ligueurs ou à retranscrire les sermons enflammés. Mais il reste écrivain. Il recompose son journal, quitte à bouleverser l'ordre chronologique, et cherche toujours le pittoresque. Il innove par un procédé de collage de pièces justificatives encadrées par un commentaire critique.
Leszczynski (Stanislas),
roi de Pologne sous le nom de Stanislas Ier (Lwów 1677 - Lunéville 1766).
Son nom évoque la Pologne, dont il fut roi de 1704 à 1714, puis de 1733 à 1734 ; la Lorraine, dont il fut duc de 1738 à 1766 ; Nancy, où il créa la place Stanislas (1750-1755) avec l'architecte Héré et le ferronnier Lamour ; Lunéville ; enfin, Louis XV, à qui il donna sa fille en mariage et la Lorraine en héritage, dernier agrandissement du royaume avant l'annexion de la Corse (1768). Véritable personnage de roman, il eut quatre fois un sceptre, mais connut l'exil, l'indigence, la prison, et dut parfois s'enfuir sous des déguisements divers.
Gentilhomme de haute noblesse polonaise, il est palatin de Posnanie lorsque Charles XII de Suède écrase les Russes à Narva (1700), chasse de son trône - électif - de Pologne Auguste II, battu à Kliszow en 1703, et l'impose à la tête du royaume. Son destin est désormais lié au roi de Suède ; or, en 1709, les 70 000 soldats de Pierre le Grand écrasent à Poltava 30 000 Suédois. Charles XII se réfugie chez les Turcs. Stanislas l'y rejoint. Mais le sultan songe à les livrer au tsar (1713). Assiégés dans Bendery, ils résistent. Mais, battu, Charles XII fuit tandis que Stanislas reste seul prisonnier des Ottomans. Libéré, ce dernier abandonne son trône. Mais Charles XII, de retour en Suède, lui donne sa principauté des Deux-Ponts (1715), qu'il doit cependant céder après la mort mystérieuse de son protecteur (1718). Nouvel exil : Wissembourg où le Régent l'installe. Là, grâce au duc de Bourbon et à l'influence de Mme de Prie, il devient le beau-père de Louis XV. L'espoir renaît. 1733 : Auguste II meurt. Stanislas, déguisé, traverse les États allemands. En septembre, il est réélu roi de Pologne. La Russie lui oppose alors Auguste III et l'enferme dans Dantzig (aujourd'hui Gdansk). À Brest, Louis XV arme une escadre. Plélo, ambassadeur de France à Copenhague, l'attend. L'escadre arrive, mais les officiers n'agissent point. Plélo peste : « Gens timides ! Irrésolus. Envoyez-nous Duguay-Trouin. Son nom seul vaut une escadre ». Mais le Malouin ne reçoit point l'ordre d'appareiller ! Dantzig tombe. Plélo y est tué (1734). Stanislas fuit. Au traité de Vienne (1738), cependant, il reçoit la souveraineté nominale sur les duchés de Bar et de Lorraine. Il s'y impose alors de 1738 à 1766 comme mécène et bibliophile.