réaction nobiliaire, (suite)
Or, le pouvoir est d'autant moins disposé à se priver des officiers qu'il y trouve politiquement et financièrement son compte. En revanche, il a tout intérêt à enrayer l'hémorragie des rôles de taille et de franc-fief et à contrôler les voies d'anoblissement, ne serait-ce que pour les fiscaliser à sa guise. Lancée par l'ordonnance d'Orléans (1560), l'offensive royale contre les usurpateurs de noblesse est tour à tour complétée par l'ordonnance de Blois (1579), interdisant l'anoblissement par les fiefs, et par les édits sur les tailles de 1583, de 1600 et de 1634. Mais c'est seulement sous Louis XIV que l'État parvient à traduire dans les faits sa volonté de ramener les faux nobles dans les rangs du tiers état, au moyen des recherches diligentées dans toutes les provinces du royaume. Pour autant, cette politique ne comble pas les vœux des zélateurs de la pureté séminale de la noblesse, qui affectent de ne voir dans les anoblis de la robe et de la finance qu'une « vile bourgeoisie » (Saint-Simon).
La conquête de l'exclusivisme nobiliaire.
• Les prétentions du second ordre à monopoliser les hautes fonctions de la monarchie - ainsi que celles de l'Église qui sont au choix du roi - ne se relâchent pas au long du XVIIIe siècle. L'exclusivisme nobiliaire est de règle non seulement au parlement de Bretagne, où il est codifié dès 1678, mais aussi à ceux de Paris, Grenoble, Aix, Toulouse et Besançon, où la proportion de roturiers varie de 10 à 25 %. Quand bien même les autres cours restent plus ouvertes aux hommes nouveaux, il s'ensuit une diminution des anoblissements effectifs par charge, qui participe étroitement de l'exaspération des frustrations roturières.
Mais l'exclusivisme nobiliaire ne revêt pas un caractère moins marqué dans l'armée : confrontée à la concurrence des courtisans, de la noblesse provinciale aisée et de riches roturiers (en nombre croissant depuis la fin du règne de Louis XIV), toute une noblesse désargentée se voit exclue de la profession militaire, en raison de la vénalité des grades. Accusée d'inutilité sociale, elle devient, dans les années 1750, l'enjeu d'un important débat sur son rôle dans une société où la richesse et l'instruction le disputent de plus en plus à l'hérédité. Or, avant même que la défaite de Rossbach (1757) pose au grand jour la question de la compétence des officiers nobles, Louis XV a tenté de concilier naissance et talent, en instituant, en 1751, une École militaire, accessible aux gentilshommes de quatre degrés et aux fils de chevaliers de Saint-Louis. Les déconvenues de la guerre de Sept Ans accélèrent la « renobilisation » des cadres de l'armée : dès 1758, une instruction ministérielle favorise l'avancement des officiers bien nés aux dépens des roturiers ; en 1776, le comte de Saint-Germain organise l'extinction progressive de la vénalité des grades et crée douze collèges militaires, où six cents nobles réputés pauvres sont instruits aux frais du roi. Mais, à cette lutte entre les ordres, s'ajoute une compétition sans merci au sein du second : en dressant une barrière généalogique de quatre degrés de noblesse pour accéder à l'épaulette, le règlement adopté par le comte de Ségur le 22 mai 1781 consacre, en même temps que le plan de « castification » du corps des officiers, la volonté nobiliaire d'indexer la hiérarchie de l'ordre sur le seul critère de l'ancienneté.