Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
J

Joffre (Joseph),

maréchal de France (Rivesaltes 1852 - Paris 1931).

Polytechnicien de formation, il opte pour l'arme du génie et effectue une partie de sa carrière aux colonies. Ayant pris part à la guerre de 1870-1871, il séjourne ensuite au Tonkin et à Madagascar, où il sert sous les ordres de Gallieni.

Devenu chef d'état-major général de l'armée en 1911, il prépare à ce titre le plan de bataille français, qui se traduit par un échec stratégique retentissant en août 1914. S'il perd la bataille des frontières, il remporte néanmoins celle de la Marne, sauvant la France du désastre. Mais la tactique du « grignotage », qu'il applique sur le front occidental en 1915, échoue, au prix de pertes considérables. Confronté à la bataille de Verdun, en 1916, le commandant en chef ne peut mener la bataille de la Somme de la manière dont il l'entend et se retrouve dans une impasse. En conflit avec une partie de la classe politique, jaloux de son autorité, souvent décrit comme un satrape, Joffre est contraint à la démission sous la pression du président du Conseil, Aristide Briand, en décembre 1916, et fait maréchal de France.

Esprit curieux et ouvert, contrairement à la légende, Joffre joue un rôle important dans le développement de nouveaux moyens de combat tels que l'aéroplane et l'artillerie lourde. Auréolé d'un grand prestige, il est envoyé en mission aux États-Unis en vue de préparer l'arrivée des troupes américaines sur le front occidental, à partir de 1917.

Joinville (Jean, sire de),

biographe de Saint Louis (Joinville, Haute-Marne, 1224 - id. 1317).

Sénéchal de Champagne, maître d'un domaine qui peut armer neuf chevaliers et sept cents « gents d'armes », écuyer tranchant à la cour dès 1241, Joinville suit le roi Louis IX à la croisade de 1248. Il est emprisonné avec lui, et ne rentre en France qu'en 1254. Il refuse de se joindre à l'expédition de Tunis, qui sera fatale à son maître, en 1270. Mais il lui consacre le reste de sa vie : comparution dans l'enquête qui aboutit à la canonisation du roi et, surtout, rédaction, entre 1305 et 1309, de la Vie de Saint Louis. L'ouvrage se compose de deux parties inégales. La première indique, en une sorte de court prologue édifiant, comment Louis IX « se gouverna [...] selon Dieu et selon l'Église, et au profit de son règne » ; elle s'inscrit dans la continuité des écrits liés à la canonisation. La seconde est une biographie du roi, qui évoque ses grands faits d'armes. Dans cette œuvre, entreprise à la demande de l'épouse de Philippe le Bel pour l'éducation du futur Louis X le Hutin, Joinville ne se départit pas d'une attitude moralisatrice. Son récit (écrit d'un seul jet ? rédigé à partir d'une hypothétique relation de la croisade entreprise dès 1272 ?), plein de digressions voire de redites, ne se soucie guère d'une chronologie stricte, comme si sa composition reflétait son vrai sujet : le commerce informel d'un roi et de son intime. La Vie de Saint Louis, où l'on chercherait en vain de véritables analyses politiques, mais qui contribue à la diffusion des images d'Épinal sur Saint Louis, est aussi l'histoire d'une amitié, et, à ce titre, un document précieux sur la mentalité d'un noble et sur la montée de la subjectivité littéraire à la fin du XIIIe siècle.

Joliot-Curie (Irène et Frédéric),

physiciens (Irène, Paris 1897 - id. 1956 ; Frédéric, Paris 1900 - id. 1958).

Après des études à l'École de physique et de chimie industrielle de Paris, où il suit l'enseignement de Paul Langevin, Frédéric Joliot rejoint en 1925 l'Institut du radium dirigé par Marie Curie ; il y rencontre la fille de celle-ci, Irène, qu'il épouse en 1926. Le couple poursuit alors ses recherches sur la radioactivité, et les expérimentations qu'ils mènent servent les progrès de la physique théorique : c'est ainsi que sir James Chadwick, en utilisant les conclusions d'une de leurs expériences, découvre le neutron (1932) ; de même, ils concourent à la mise en évidence du positron et préparent les travaux de Hahn et Strassmann sur la fission nucléaire. La découverte de la radioactivité artificielle leur vaut, en 1935, le prix Nobel de chimie.

Tandis qu'Irène poursuit ses recherches à l'Institut du radium et enseigne à la Sorbonne, Frédéric partage son temps entre son cours au Collège de France et la direction de son laboratoire : entouré de Lew Kowarski, Hans von Halban et Pontecorvo, il met en évidence en 1939 la réaction en chaîne dans la fission de l'uranium, prélude à l'utilisation de l'énergie nucléaire. Il dépose les brevets afférents avant que la guerre disperse l'équipe : la plupart de ses membres gagnent Londres, tandis que Joliot continue ses travaux au Collège de France, sous l'œil des Allemands, tout en participant à la Résistance. À la Libération, le gouvernement lui confie la direction du CNRS, puis le nomme haut-commissaire au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) avec mission d'organiser le nouvel établissement de recherche. Ayant reconstitué son équipe, le couple relance ses travaux sur l'énergie nucléaire et, le 15 décembre 1948, réalise au fort de Châtillon la première production d'électricité à l'aide d'une pile atomique (baptisée Zoé). En 1950, Joliot met en œuvre la construction du centre de Saclay, où se poursuivront les études nucléaires à partir de 1952.

Engagé dans les rangs du Parti communiste et président du Mouvement de la paix, Joliot se prononce alors publiquement, en pleine guerre froide, contre la construction de l'arme nucléaire, ce qui lui vaut d'être aussitôt révoqué de son poste au CEA par le gouvernement. Peu de temps après, il est le premier signataire de l'appel de Stockholm, demandant l'interdiction de la bombe atomique.

Tandis qu'Irène assure désormais la direction de l'Institut du radium, Frédéric reprend ses recherches au laboratoire de synthèse atomique. Il y a adjoint depuis 1938 un laboratoire de biologie où, avec Antoine Lacassagne, le couple étudie en parallèle l'utilisation thérapeutique des rayonnements et leurs effets cancérigènes à forte dose. C'est des conséquences de cette exposition prolongée qu'Irène meurt prématurément en 1956. Son mari ne lui survit guère, s'éteignant en 1958.