Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Terray (Joseph Marie, dit l'abbé), (suite)

Terray fait ouvrir des écoles d'agriculture, protège les entreprises industrielles innovantes, vient à bout de la liquidation de la Compagnie des Indes, réorganise les institutions de charité. Ses nombreuses initiatives, qui consolident l'État, accroissent aussi sa fortune personnelle et lui attirent de nombreux ennemis. Très impopulaire, il est victime du virage libéral opéré à l'avènement de Louis XVI : il est remplacé par Turgot le 24 août 1774.

Terreur,

nom donné à la période de la Révolution française correspondant à l'application légale d'une violence d'État dirigée contre les ennemis ou les opposants du pouvoir révolutionnaire.

La Terreur jette une ombre sur l'histoire de la Révolution. Qu'un régime ait pu légaliser une telle violence quelque quatre années après la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne manque pas d'étonner et de choquer, d'autant que, depuis, d'autres régimes n'ont pas hésité à adopter aussi des politiques « terroristes ». Le souvenir de la Terreur est resté longtemps très présent et nourrit jusqu'à aujourd'hui des luttes civiles et politiques, rendant parfois difficilement compréhensible l'histoire même de la Révolution.

Une période précise.

• Au sens strict, la Terreur est mise à l'ordre du jour par la Convention, le 5 septembre 1793, au moment où les sans-culottes exercent la plus grande pression sur la direction montagnarde. Leur exigence : le gouvernement doit être « révolutionnaire jusqu'à la paix ». Le mot même de « terreur » sous-entend que les opposants sont considérés comme des « êtres nuisibles au devenir même de l'humanité ». Son emploi vise aussi à donner une ligne politique cohérente à des mesures diverses, plus ou moins anciennes, qui ont été prises pour faire face aux menaces intérieures et extérieures. Concrètement, tous les domaines d'activité sont contrôlés : arrestation des suspects - sans doute près de 500 000 personnes entre la fin de 1793 et le printemps 1794 -, création d'une armée révolutionnaire et de comités de surveillance, réquisition des grains et lutte contre les accapareurs...

Ces décisions, liées originellement aux circonstances de la fin de l'été 1793 (défaites face aux Anglais à Toulon, face aux Autrichiens au Quesnoy, face aux Espagnols à Truillas, notamment), sont cependant renforcées par la suite, alors que la Convention remporte des victoires militaires (ainsi à Wattignies, face aux Autrichiens, le 16 octobre). Au printemps 1794, l'organisation de la Terreur est même centralisée à Paris, sous la surveillance directe du Comité de salut public, répondant à l'obsession du complot et à la pratique systématique de l'exclusion des opposants. La « Grande Terreur » est alors en place dans la capitale, atteignant son paroxysme lors de l'institution de la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794), qui modifie le fonctionnement du Tribunal révolutionnaire : nulle preuve objective n'est requise pour appliquer l'unique peine prévue - la mort - en cas de reconnaissance d'une culpabilité ; la défense ne peut plus se faire entendre ; tout est fondé sur l'intime conviction du juge. C'est contre cette spirale d'arbitraire et contre le pouvoir exorbitant accordé à Robespierre et à ses proches que les conventionnels engagent la procédure de mise en accusation de Robespierre, qui est arrêté le 9 thermidor. Par la suite, ils imputeront toutes les décisions de la Terreur aux seuls robespierristes.

Une orientation et des pratiques antérieures à la période elle-même.

• Pourtant, il est possible de penser que les principes de la Terreur étaient déjà à l'œuvre dès août-septembre 1792 : réaction provoquée par la peur devant des ennemis eux-mêmes considérés comme « terrifiants », recours à la violence jugée indispensable, volonté de purifier la société, sont autant de traits qui expliquent la prise des Tuileries le 10 août, la création d'un tribunal extraordinaire (tribunal dit « du 17 août », chargé de juger les « contre-révolutionnaires », en l'occurrence les défenseurs du roi), la traque de suspects (nobles et prêtres réfractaires), et surtout les massacres de septembre, perpétrés essentiellement dans les prisons parisiennes. Par la suite, des lois contribuent peu à peu à l'édification d'un système de répression : le 10 mars 1793, le Tribunal révolutionnaire est créé (cette juridiction d'exception est, à l'encontre du principe de séparation des pouvoirs, directement liée au gouvernement) ; le 19 mars suivant, la peine de mort est requise pour tous les rebelles pris les armes à la main ou porteurs d'une cocarde blanche (les insurgés bretons étant les premiers visés) puis, le 23 avril, pour les prêtres réfractaires rentrés clandestinement en France. L'escalade se poursuit lorsqu'au printemps 1793 les rivalités entre girondins et sans-culottes débouchent sur l'éviction des premiers, au moment du coup d'État des 31 mai-2 juin, inscrivant le pouvoir politique dans les rapports de force.

En outre, les représentants en mission dans les départements créent de très nombreuses juridictions extraordinaires, chargées de réprimer tous les contre-révolutionnaires ; ces instances fonctionnent souvent en parallèle avec les commissions militaires mises en place dans le cadre de la répression menée par les armées : la province connaît ainsi ce que les historiens désignent du nom de « première Terreur », qui est conduite au gré des représentants en mission et des généraux, à l'automne et au début de l'hiver 1793. Cette première Terreur est une réaction de peur, suscitée par l'entrée en France des armées contre-révolutionnaires, par les guerres civiles déclenchées à la suite des insurrections fédéralistes et vendéennes. Elle est aussi le fruit des rivalités entre révolutionnaires, les différents groupes utilisant leurs succès en province pour affirmer leurs positions : les révolutionnaires locaux s'organisent en sociétés populaires, mènent une répression contre les « accapareurs », les « aristocrates » et les « fanatiques », et participent souvent à la campagne de déchristianisation. Fouché à Lyon et dans la Nièvre, Tallien à Bordeaux, Carrier à Nantes, se signalent particulièrement par la violence qu'ils exercent directement ou qu'ils laissent commettre pendant ces quelques mois.