ministre de Louis XIV (Paris 1641 - Versailles 1691).
Fils de Michel Le Tellier, secrétaire d'État à la Guerre depuis 1643, issu de la noblesse de robe, François est assuré de succéder à son père ; mais cet héritier, élevé chez les jésuites, n'en acquiert pas moins une formation « sur le tas », comme c'est souvent le cas au XVIIe siècle : reçu conseiller au parlement de Metz en 1658, il s'initie aux affaires de la guerre sous la direction de son père. Ami d'un roi de trois ans son aîné, marié avec une riche héritière, Anne de Souvré, il joue, en l'absence de son père, le rôle de secrétaire d'État à la Guerre. Continuant l'œuvre paternelle, et malgré les critiques de Turenne et des généraux furieux qu'il s'appuie sur des civils - les intendants d'armée -, Louvois achève de transformer l'armée en une troupe disciplinée et en une administration efficace. À ses yeux, « il ne suffit pas d'avoir beaucoup d'hommes. Il faut qu'ils soient bien faits, bien vêtus, bien armés ». Louvois institue les officiers-inspecteurs, introduit les premiers registres signalétiques de soldats, lutte contre la désertion. Les dépôts de vivres et les étapes sont multipliés ; les baïonnettes et les fusils font leur apparition ; l'uniforme est généralisé ; l'hôtel des Invalides est créé. L'avancement des officiers est réglé sur le principe d'ancienneté suivant l'« ordre du tableau » (1675). Des compagnies de cadets sont instaurées, pour former les cadres. Pour résoudre le problème des effectifs, la milice est instituée en 1688. Surintendant des Postes depuis 1668, Louvois y déploie la même activité de rationalisation. Après la mort de son rival Colbert (1683), il hérite, de surcroît, de la surintendance des Bâtiments, Arts et Manufactures, et contrôle désormais la moitié du Budget royal. Entré au Conseil d'en haut en 1672, Louvois y joue le rôle d'un ministre de la Guerre. Il inspire la politique des « réunions », encourage les bombardements d'intimidation (Gênes, 1684), ne recule ni devant le sac du Palatinat (1689) ni devant la révocation de l'édit de Nantes. Il est aussi soucieux de donner à la France des frontières sûres, impulsant l'œuvre de Vauban.
« Altier, brutal, grossier », selon les mots de Saint-Simon, mais grand travailleur, prodigue envers ses amis, rude envers ses ennemis, Louvois ne fut pas le mauvais génie du règne, mais l'exécutant d'une politique voulue par le roi. Son pragmatisme sans remords fit de la France une puissance militaire capable de tenir tête à l'Europe.