Versailles (traité de) [28 juin 1919], (suite)
Le sort inquiétant de l'Allemagne.
• Enfin, troisième et dernier paradoxe : l'Allemagne, bien que châtiée le plus durement, n'est pas démembrée. Cependant, toute reconstitution de sa puissance militaire lui est interdite et elle doit accepter d'importantes amputations territoriales : perte des colonies, restitution de l'Alsace-Lorraine à la France, attribution de la Posnanie et de la Prusse occidentale à la Pologne, établissement du corridor de Dantzig séparant la Prusse orientale du reste de l'Allemagne... En outre - clause particulièrement insupportable -, l'article 231 du traité la rend responsable de la guerre, ce qui implique des réparations morales et financières. Aussi, les Allemands protestent-ils avec énergie : pour la majorité d'entre eux, le traité de Versailles est un diktat, qui ravit à leur pays son statut de grande puissance. De plus, nombre d'Allemands ont l'impression de n'avoir pas été vaincus sur le champ de bataille, mais du fait des agissements de « traîtres intérieurs » : socialistes, juifs, ou les deux. L'association des thèmes du « coup de couteau dans le dos » et du « diktat » aura de très graves conséquences dans le futur.
Clemenceau déclarait le 28 septembre 1919, dans son discours de ratification du traité : « Il ne faut pas oublier que ce traité si complexe vaudra par ce que vous vaudrez vous-mêmes. Il sera ce que vous le ferez... Ce que vous allez voter aujourd'hui, ce n'est pas même un commencement, c'est le commencement d'un commencement. » Le traité de Versailles a bien donné naissance à une paix mort-née et à la Seconde Guerre mondiale. Et l'on peut considérer que l'Europe a connu, entre 1914 et 1945, une « guerre de trente ans ». Après 1989 et le démantèlement de l'empire soviétique, qui s'était en partie appuyé sur les « créations » de Versailles en Europe centrale et orientale, il ne reste strictement rien de ce traité.