Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Clovis Ier, (suite)

Unifier la Gaule.

• La politique conquérante de Clovis paraît animée par une seule ambition : l'unité de la Gaule sous l'autorité des Francs, au détriment des pouvoirs qui s'y sont substitués à l'Empire, eux aussi de nature essentiellement militaire, qu'ils soient entre les mains de Romains ou de Barbares. Ainsi, malgré quelques échecs - à l'occasion d'une première campagne contre les Wisigoths d'Aquitaine, en 498 ( ?), ou encore, à la même époque, contre les Bretons d'Armorique, ou, enfin, vers 500, contre les Burgondes du Sud-Est -, le règne de Clovis est émaillé de grandes victoires qui placent sous son autorité des peuples et des régions entières. Le succès remporté, près de Soissons (en 486 ?), contre la grande armée romaine de Gaule du Nord commandée par Syagrius, le maître de la milice, lui permet d'étendre sa domination jusqu'à la Loire. En battant les Alamans - peut-être dès 496 ; en tout cas, en 506 -, il s'empare du bassin du haut Rhin, et prend pied dans le sud-ouest de la Germanie transrhénane. En 507, sa victoire contre les Wisigoths - le roi Alaric II, adepte de la religion arienne, périt sur le champ de bataille de Vouillé, près de Poitiers - lui livre toute l'Aquitaine, de la Loire aux Pyrénées, et lui vaut la reconnaissance d'Anastase, l'empereur d'Orient, qui lui confère, par une ambassade, le titre de consul honoraire. Enfin, ayant soumis les autres chefs francs, spécialement les rois de Cologne, Clovis peut réaliser l'unité de son peuple et contrôler toute la Gaule du Nord-Est.

Le baptême de Clovis.

• On a souvent cherché à subordonner au baptême de Clovis ses derniers succès - en particulier ceux remportés contre les Wisigoths ariens, qui lui ont apporté une Aquitaine fortement romanisée et christianisée. En réalité, les circonstances de cet événement restent obscures, et on n'a aucune certitude quant à sa date. L'œuvre de persuasion de l'évêque Remi - conseiller écouté depuis le début du règne - et de la reine Clotilde - princesse burgonde élevée dans le christianisme, et épousée par Clovis vers 493 - s'est vraisemblablement révélée efficace. Mais la décision de conversion est-elle prise lors d'une bataille livrée contre les Alamans dans la quinzième année du règne, comme l'affirme Grégoire de Tours ? L'évocation explicite du précédent de Constantin, lui aussi converti à l'occasion d'une bataille, jette la suspicion sur le récit de l'évêque de Tours. En revanche, il paraît tout à fait plausible que Clovis ait fait le vœu public de se faire baptiser lors d'une visite au tombeau de saint Martin, à Tours, comme l'assure l'évêque Nicetius de Trèves dans une lettre postérieure d'un demi-siècle. Cela invite les historiens à situer le baptême dans les mois qui suivirent le ou les passages connus de Clovis dans la cité tourangelle : en 498 ou 499 (après l'échec de la première expédition aquitaine), voire en 508 (après la victoire sur les Wisigoths, hypothèse récemment proposée contre toute tradition historiographique). Seule certitude : le baptême fut célébré « le jour de la Nativité de notre Rédempteur » (Redemptoris nostri nativitas), soit un 25 décembre, comme l'écrit dans sa lettre de congratulations l'évêque Avitus de Vienne.

La lettre d'Avitus, malheureusement non datée, est le seul document strictement contemporain de l'événement, car Avitus dit regretter de ne pouvoir se joindre aux autres évêques attendus pour la cérémonie, comme Clovis l'y a invité. Cette information s'avère capitale : elle montre que Clovis a voulu faire connaître sa décision aux évêques de la Gaule du Sud, qui, à l'instar d'Avitus, sont placés sous l'autorité d'une autre royauté (en l'occurrence, la royauté burgonde, qui, à cette date, sous le règne de Gondebaud, est arienne, tout comme la royauté wisigothique). De sa conversion au christianisme - dont l'historien a d'autant moins le droit de mettre en doute la sincérité qu'elle est un acte courageux qui risque fort de déstabiliser la position du roi face à son propre peuple -, Clovis fait, semble-t-il, un acte de propagande susceptible d'attirer, plus encore que par le passé, la bienveillance du corps épiscopal de la Gaule entière. Difficile d'imaginer qu'un tel geste n'ait contribué en rien à la réussite de sa politique de conquête et de pacification : les quelques contingents francs laissés en Aquitaine ou en Alémanie, dont la présence est suggérée par l'archéologie funéraire (ici, à Bâle-Bernerring ; là, à Herpes ou Biron), n'auraient sans doute pas suffi à lui assurer le contrôle des régions soumises.

Le renforcement de l'autorité royale.

• Dans l'ensemble des régions conquises, Clovis se veut un roi efficace, pacificateur et législateur. À la fin de son règne, il choisit d'installer la capitale à Paris, petite cité de Gaule du Nord. Celle-ci a été, au IVe siècle, un lieu de séjour privilégié des empereurs Julien et Valentinien Ier, et elle présente l'avantage de se situer à mi-chemin entre le bassin de l'Escaut, d'où est partie la fortune de Clovis, et la vallée de la Loire, frontière d'une Aquitaine considérée comme un territoire colonial. Surtout, peut-être, c'est à Paris, sur une colline de la rive gauche, qu'a été inhumée (vers 502 ?) sainte Geneviève, à laquelle Clovis et Clotilde portent une véritable dévotion. Ils font élever sur sa tombe une église dédiée aux saints apôtres Pierre et Paul, à l'ombre de laquelle ils souhaitent être enterrés. Quand on sait que Constantin avait fait de l'église des Saints-Apôtres, fondée par lui à Constantinople, son mausolée familial, on doit reconnaître dans l'entreprise de Clovis l'expression d'une politique délibérée : le roi franc prend au sérieux le titre consulaire qu'il a reçu et qui vaut, à ses yeux, délégation de l'autorité impériale ; et il veut conférer une sacralité nouvelle à sa personne, à sa famille et à son autorité.

Mais, avant de mourir (le 27 novembre 511), Clovis entend que la loi coutumière de son peuple soit fixée par écrit (c'est le Pactus legis salicae, première mouture de la loi salique) et, surtout, que les rapports entre le pouvoir royal et les églises soient clairement définis. C'est pourquoi, en juillet 511, il convoque, à Orléans, un concile, au terme duquel il est décidé qu'aucun laïc ne pourra devenir clerc sans l'autorisation royale. Sachant que la grande majorité du corps épiscopal est alors recrutée parmi les laïcs, on entrevoit ici la première tentative de contrôle de la royauté franque sur l'épiscopat, considéré comme un relais de son autorité. Les collaborateurs d'hier sont en passe de devenir les subordonnés de demain.