Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
T

Tautavel,

commune des Pyrénées-Orientales où ont été découverts, dans la grotte dite « de la Caune de l'Arago », des restes humains datant du paléolithique inférieur.

Dans cette grotte, qui mesure environ 35 mètres de long et 10 de large, des sédiments se sont accumulés sur une dizaine de mètres d'épaisseur (entre 400 000 et 100 000 ans environ avant notre ère), et ont été scellés par un plancher de stalagmites. Animaux et humains ont fréquenté ce site à diverses reprises. C'est dans les niveaux moyens (sols F et G) que plusieurs dizaines de fragments humains dispersés ont été recueillis, les plus complets étant la partie avant d'un crâne et deux mandibules. Ils correspondent à des formes évoluées d'Homo erectus, déjà très proches de l'homme de Néanderthal, qu'on peut donc qualifier d'« anténéanderthaliennes », voire de « néanderthaliennes archaïques », et qui ont vécu entre 300 000 et 200 000 ans avant notre ère. Ils comptent parmi les plus anciens vestiges humains découverts en France, et néanmoins parmi les moins incomplets. L'outillage en pierre qui les accompagne est rudimentaire et taillé dans du quartz. On l'attribue au groupe tayacien, contemporain de l'acheuléen et plutôt caractéristique des régions méditerranéennes. La grotte n'a pas livré d'aménagements particuliers liés à l'habitat, ni de traces de feu ou de foyers. Les ossements animaux appartiennent notamment à diverses variétés de rhinocéros, de canidés, d'ours et d'équidés. À l'occupation tayacienne ont succédé des niveaux acheuléens évolués.

Teilhard de Chardin (Pierre),

théologien, paléontologue et philosophe (château de Sarcenat, Orcines, Puy-de-Dôme, 1881 - New York 1955).

Entré dans l'ordre des jésuites (1899), ordonné prêtre (1911), il sert comme brancardier pendant la Première Guerre mondiale, puis soutient une thèse sur les Mammifères de l'éocène inférieur en France (1922) et enseigne la paléontologie et la géologie à l'Institut catholique de Paris. Membre de nombreuses expéditions scientifiques en Extrême-Orient, il exhume, avec le Père Licent, les vestiges d'un homme paléolithique (civilisation des Ordos) en Chine du Nord (1923) et participe à la découvert du sinanthrope, près de Pékin (1929). Après la Seconde Guerre mondiale, il dirige des recherches en Afrique australe, dans le cadre d'une institution établie à New York.

La théologie de Teilhard de Chardin est fondée sur une conception mystique de l'évolutionnisme, qui voit dans le triomphe du Christ l'aboutissement d'un processus de spiritualisation de la matière. L'originalité de sa pensée, qui se veut héritière de saint Paul mais peut paraître proche d'une forme de panthéisme (« À la foi confuse en un monde un et infaillible, je m'abandonne où qu'elle me conduise », Comment je crois, posthume, 1969), rencontre la suspicion de l'Église : Teilhard de Chardin se voit refuser en 1947 l'imprimatur pour son ouvrage le Phénomène humain, et ses textes philosophiques ne seront publiés qu'après sa mort. L'édition posthume de son œuvre et de ses Lettres intimes ont révélé la douleur avec laquelle il a vécu son « martyre du silence » et la promulgation de l'encyclique de Pie XII, Humani generis (1950), qui déclarait « inacceptables » les « hypothèses » scientifiques s'opposant « directement ou indirectement à la doctrine révélée par Dieu ». Ses livres ont néanmoins exercé une profonde influence sur de nombreux penseurs et savants catholiques.

Temple (prison du),

donjon d'un ancien prieuré fortifié appartenant à l'ordre des templiers, où furent emprisonnés Louis XVI et sa famille.

Fondé au XIIe siècle, le prieuré du Temple est attribué, à la disparition de l'ordre des templiers (1312), à l'ordre des hospitaliers (appelé « ordre de Malte » à partir de 1530). Son enclos abrite, au XVIIIe siècle, le palais du grand prieur, reconstruit en 1667 par Pierre Delisle-Mansart contre le gros donjon carré, de quinze mètres de côté, lui-même édifié vers 1265. L'expropriation des ordres religieux en novembre 1789 livre de nouveaux bâtiments, devenus biens nationaux, aux besoins pénitentiaires. Ainsi, la famille royale, déchue le 10 août 1792, entre au Temple le 13 août 1792, sur ordre de la Commune insurrectionnelle de Paris. Elle est bientôt détenue dans les deux derniers étages d'un donjon ceinturé d'une nouvelle muraille, cependant qu'au premier étage et au rez-de-chaussée logent les gardes nationaux et les commissaires de la Commune. C'est depuis ce lieu que Louis XVI est conduit à l'échafaud, le 21 janvier 1793 (il en sera de même pour sa sœur, Mme Élisabeth, en mai 1794). La reine Marie-Antoinette est transférée à la Conciergerie en août 1793 ; sa fille, Mme Royale, est échangée en septembre 1795 contre des révolutionnaires prisonniers des rois européens en guerre contre la France. Quant au dauphin (« Louis XVII »), confié en juillet 1793 aux Simon, un couple d'artisans de l'enclos du Temple, il est tenu isolé de janvier 1794 jusqu'à sa mort en juin 1795, à l'âge de 10 ans.

La tour du Temple sert encore de prison à Pichegru, Moreau et Cadoudal. Mais Napoléon Ier la fait démolir en 1808 afin d'éviter qu'elle ne devienne un lieu de pèlerinage royaliste. Une loi de 1854 prévoit d'ériger un monument commémoratif de la mort de Louis XVI, mais, finalement, seul le square du Temple est aménagé en 1855, sur l'emplacement du palais du grand prieur, qui a été rasé en 1853 ; Mme Royale y a planté un saule pleureur.

templiers,

membres d'un ordre religieux militaire fondé à Jérusalem en 1119.

La première croisade, qui aboutit en 1099 à la prise de Jérusalem, était à la fois un pèlerinage méritoire, une guerre de reconquête sacralisée et une expédition à caractère eschatologique. Après la délivrance du Saint-Sépulcre, la plupart des croisés rentrent chez eux, puisque le but est atteint et que le retour du Christ sur Terre semble éloigné. Pour défendre les nouveaux États latins d'Outremer et protéger les nombreux pèlerins, un Champenois, Hugues de Payns, regroupe autour de lui quelques chevaliers désireux de prolonger jusqu'à leur mort leur vœu de croisé. Ils forment la communauté des « pauvres chevaliers du Christ », bientôt appelés « templiers » car le roi Baudouin de Jérusalem leur a donné une partie de son palais, situé dans la mosquée Al-Aqsa, que l'on croit être l'ancien temple de Salomon. Ainsi naît le premier des ordres religieux militaires, synthèse de deux notions opposées, le monachisme et la chevalerie. Sa règle est adoptée au concile de Troyes en 1129.