Paris (suite)
Dotée d'un poids démographique essentiel, la capitale est soumise au pouvoir politique, qui considère qu'elle ne peut échapper à son contrôle. Pendant des siècles, elle s'est développée au-delà des enceintes. C'est seulement en 1932 que le législateur a défini la Région parisienne. Aujourd'hui, Paris et son agglomération sont souvent confondus. La capitale stricto sensu ne rassemblait en 1990 que 2,15 millions d'habitants, mais l'agglomération en comptait 9,3 millions. À ce titre, elle était considérée comme la seizième agglomération mondiale, loin derrière celle de Tokyo, classée au premier rang avec 24 millions d'habitants.
Naissance et développement de Lutèce
À l'origine petite bourgade peuplée de mariniers et de pêcheurs celtes de la tribu des Parisii, le site de Lutèce, au centre du Bassin parisien, sur les bords de la Seine, bénéficie de la présence de nombreuses îles, qui peuvent à la fois favoriser le franchissement du fleuve et servir de refuges en cas d'agressions ; les collines - Montmartre, Belleville -, qui culminent à plus de 100 mètres d'altitude, ont l'avantage d'échapper aux risques d'inondations. On sait peu de chose de l'occupation de ce territoire antérieurement au IIIe siècle avant J.-C., même si les fouilles effectuées en 1991 sur le site de Bercy ont attesté l'existence de relations avec les villes méditerranéennes dès le VIIe siècle avant J.-C. Jules César a bien compris l'importance stratégique de l'oppidum gaulois de taille modeste - de 8 à 9 hectares - qui contrôle l'île de la Cité et commande le franchissement de la Seine : en 52 avant J.-C., il demande à Labiénus, son lieutenant, de s'en emparer. L'incendie de l'île de la Cité par les Gaulois ne suffit pas à empêcher la victoire romaine.
La ville gallo-romaine est organisée selon une double logique : fermée et fortifiée dans l'île, ouverte et monumentale sur les pentes douces de la montagne Sainte-Geneviève, sur la rive gauche de la Seine. Elle se structure autour du cardo - les rues Saint-Jacques et Saint-Martin actuelles - et du forum novum, beaucoup plus vaste que le forum vetus, situé sur l'île de la Cité. Outre des arènes - en fait, un amphithéâtre à scène -, trois thermes sont construits, ainsi qu'un théâtre. La superficie de Lutèce s'accroît alors - elle atteint 52 hectares - en même temps que sa prospérité. La corporation des nautes, qui assurent les transports sur le fleuve, joue un rôle important : en témoignent le fameux pilier des nautes élevé sous le règne de Tibère (14-37 après J.-C.) et le fait que leur emblème, la proue d'un navire, est sculpté sur une console des thermes de Cluny. Pour autant, cette cité qui compte peut-être 6 000 habitants au milieu du IIIe siècle est alors une ville aux dimensions fort modestes, rattachée à la province romaine de la Lyonnaise. À la même époque, Lyon aurait compté 30 000 habitants, Reims ou Autun 15 000.
Le milieu du IIIe siècle constitue une période charnière dans l'histoire de la ville : le christianisme s'implante sur les bords de la Seine, et les invasions barbares provoquent l'abandon de la rive gauche et le repli sur l'île de la Cité. Au même moment, la dénomination des villes se transforme. Alors que, dans la tradition toponymique romaine, les noms des villes sont empruntés aux noms communs désignant des lieux géographiques, et non pas aux noms des peuples, les invasions engendrent un mouvement inverse : Lutèce redevient la ville des Parisii.
L'émergence d'une capitale
Après sa conversion au catholicisme et ses victoires sur les Alamans et les Wisigoths, Clovis choisit Paris pour capitale au début du VIe siècle - un statut que la ville conservera pendant un siècle malgré les déchirements des successeurs du roi mérovingien. Jusqu'au Xe siècle, la royauté itinérante des descendants de Clovis, le choix d'Aix-la-Chapelle comme capitale par Charlemagne et les invasions normandes affaiblissent le pouvoir d'une ville qui, cependant, compte sans doute quelque 20 000 habitants au début du IXe siècle, soit une taille équivalente à celle de Tours ou de Reims.
Au milieu du Xe siècle, la constitution du duché de France, entre Seine et Loire, ne fait pas encore de Paris la capitale des Capétiens puisque les successeurs d'Hugues Capet, élu roi des Francs (rex Francorum) en 987, partagent encore leur résidence entre Senlis, Étampes, Orléans et Paris. Il faut attendre les règnes de Louis VI (1108/1137) et de Louis VII (1137/1180) pour que Paris prenne définitivement le pas sur Orléans et pour que l'abbaye de Saint-Denis devienne sépulture royale. Mais c'est Philippe Auguste qui donne à Paris les véritables fondements de sa suprématie, et fixe les conditions de son développement urbain : le Trésor royal est conservé au Temple, et le Palais de la Cité abrite les archives de la monarchie. Plus important encore : avant de partir en croisade, le roi, mettant à profit un financement accordé par les bourgeois de Paris, ordonne l'édification d'une muraille longue de 2 800 mètres qui enserre, sur la rive droite, quelque 170 hectares (1190-1209). Au même moment commence la construction du Louvre, forteresse avancée en direction de la Normandie, alors possession du roi d'Angleterre. De 1209 à 1213, Philippe Auguste fait dresser, à ses frais, un rempart sur la rive gauche, long de quelque 2 600 mètres. La muraille de Philippe Auguste, dont l'un des objectifs est de favoriser la densification du peuplement intramuros, n'empêche pas le développement, de part et d'autre du rempart, d'une ville dont la superficie atteint désormais 273 hectares. La construction de fortifications sera ensuite poursuivie, notamment sous Charles V, afin de compléter l'enceinte : de 1358 à 1383, la rive droite est enserrée par une nouvelle muraille et l'édification de la Bastille renforce les défenses orientales de la ville.
Sous le règne de Louis IX (1226/1270), la ville connaît un essor extraordinaire. Elle est l'un des premiers centres textiles de l'Europe d'alors. Témoignage de cette puissance économique, le Livre des métiers d'Étienne Boileau (1268) y dénombre plus d'une centaine de métiers organisés. La ville abrite peut-être 200 000 habitants à ce moment. Résidence privilégiée du roi, elle attire les grands féodaux, qui s'y font construire des hôtels ; et, surtout, l'administration royale s'y sédentarise. Sur la rive gauche se sont installés, dès le XIIe siècle, des clercs et des étudiants - soucieux d'échapper au contrôle de l'évêque -, après avoir quitté l'île de la Cité où se trouvait à l'origine l'Université. Pendant un siècle (du milieu du XIIIe au milieu du XIVe siècle), de nombreux collèges sont fondés autour de la place Maubert. En 1257 est créé le collège de Sorbon et, vers 1300, quatorze collèges de ce type fonctionnent.