anarchisme, (suite)
Le rayonnement d'avant 1914.
• Le proudhonisme influence le mouvement ouvrier sous le Second Empire et sous la Commune. Mais, c'est en novembre 1871, avec la création de la Fédération jurassienne de James Guillaume, que les anarchistes commencent vraiment à se structurer en France, dans le cadre plus général d'une lutte contre les marxistes au sein de la Ire Internationale. Lors du congrès fondateur de Marseille (1879), différents groupes anarchistes s'affilient pourtant à la Fédération du parti des travailleurs socialistes de France. Mais ils la quittent très vite, et certains, inspirés par Malatesta et Kropotkine, se lancent dans l'action violente. Celle-ci culmine, en 1892-1894, lors d'une vague d'attentats (Ravachol, Vaillant, Caserio) contre les symboles de la république bourgeoise, puis dégénère dans les sombres exploits de la bande à Bonnot (1911-1913). Mais la plupart se tournent vers des activités plus pacifiques : l'éducation (la Ruche, de Sébastien Faure), le journalisme (le Libertaire, les Temps nouveaux pour les collectivistes ; l'Anarchie pour les individualistes), la propagande néomalthusienne (Paul Robin) ou l'action syndicale (Fédération des bourses du travail, de Fernand Pelloutier ; CGT, dont Émile Pouget devient secrétaire adjoint en 1900). Au demeurant, la Charte d'Amiens (1906) montre la force du syndicalisme révolutionnaire à la veille de la Grande Guerre. C'est pourquoi le regroupement de toutes les mouvances anarchistes dans la Fédération communiste révolutionnaire anarchiste (FCRA) en 1913 laisse augurer un bel avenir.
Une baisse d'influence.
• Mais le premier conflit mondial oppose violemment les adversaires et les partisans de l'« union sacrée » (Sébastien Faure contre Jean Grave), ce qui aboutit à des scissions mal cicatrisées par la réconciliation partielle de novembre 1920 (Union anarchiste). En outre, l'audience des libertaires dans les syndicats faiblit irrémédiablement, malgré une alliance tactique avec les communistes au sein de la CGT en 1919-1920. En 1922, les amis de Pierre Besnard, le secrétaire des Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR), doivent quitter la CGT-U procommuniste ; en 1926, le lancement de la CGT-SR (« SR » pour « syndicaliste révolutionnaire ») est un fiasco. La séparation des « synthésistes » (S. Faure) et des « communistes libertaires » en 1927 disperse un peu plus les forces. L'unité retrouvée après le 6 février 1934 est éphémère, tout comme le Front révolutionnaire qui entend concurrencer le Front populaire. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le pacifisme dévoyé de quelques-uns et l'attentisme de la plupart provoquent de nouveaux déchirements.
Après la guerre, les militants essaient de s'organiser sur d'autres bases. Mais la création, en 1944, de la Fédération anarchiste (FA), transformée, en 1953, en Fédération communiste libertaire (FCL), plus centralisée et plus ouverte aux influences marxistes, ne permet pas de reprise notable. Sur le terrain syndical, la fondation, en 1946, de la Confédération nationale du travail (CNT) ne produit pas non plus les effets escomptés. Au cours des années soixante, ce sont de petites formations - comme le Groupe rouge et noir, ou bien le Mouvement du 22 mars, de Daniel Cohn-Bendit - qui se font entendre. Depuis, le mouvement reste divisé. Le groupe le plus important, la Fédération anarchiste, ne compte que quelques milliers d'adhérents. L'audience d'artistes ou de penseurs exprimant la révolte individuelle et la recherche d'une fraternité consentie reste cependant réelle, quoique diffuse.