Albret (maison d'),
famille gasconne issue d'Amanieu Ier, sire d'Albret vers 1050. Elle compte des hommes de guerre, des cardinaux, des rois de Navarre.
À partir du XIVe siècle, la maison d'Albret mène une politique efficace d'expansion territoriale, agrandissant ainsi le domaine d'origine, qui se composait de la seigneurie d'Albret, du comté de Dreux, des vicomtés de Tartas et de Gaure. En 1470, Alain le Grand, sire d'Albret (1440-1522), épouse Françoise de Châtillon-Blois-Penthièvre et obtient le comté de Périgord, le vicomté de Limoges et la terre d'Avesnes. En épousant Catherine de Foix (1484), Jean III d'Albret ajoute à son domaine le vicomté de Béarn, les comtés de Foix et de Bigorre et, surtout, le royaume de Navarre. Enfin, par l'union d'Henri d'Albret et de Marguerite d'Angoulême (1527), le comté d'Armagnac devient l'une des possessions de la famille, qui détient dès lors tout le sud-ouest de la France, c'est-à-dire le dernier grand fief du royaume. C'est sous Jeanne d'Albret, épouse d'Antoine de Bourbon, que le royaume de Navarre acquiert des frontières stables et se fonde sur une nouvelle religion d'État : le protestantisme. Le fils de la souveraine, Henri III d'Albret, futur Henri IV, épouse en 1572 Marguerite de Valois et accède au trône de France (1589). En 1607, le roi réunit ses territoires de Navarre au royaume : la dernière grande enclave seigneuriale en France disparaît.
Alcuin,
en latin Albinus Flaccus, clerc anglo-saxon (York, vers 735 - Tours 804).
Fils d'une famille de notables anglais, Alcuin est l'élève, puis le maître, de l'école de la cathédrale d'York, l'un des principaux foyers culturels de l'époque. Lorsqu'il rencontre Charlemagne, en 781, il est déjà un maître écouté, dont on admire la piété et la sagesse. Cette réputation conduit le roi à l'inviter à la cour d'Aix-la-Chapelle, dont il devient le « directeur des études ». Dans l'Académie palatine, cercle de lettrés rassemblés au palais, où chacun prend le nom d'un auteur de l'Antiquité, Alcuin est « Flaccus », prénom du poète Horace. Ami et conseiller influent de Charlemagne, il met en œuvre la renaissance intellectuelle connue sous le nom de renaissance carolingienne. En 796, Charlemagne le nomme abbé de la prestigieuse abbaye de Saint-Martin de Tours, où, jusqu'à la fin de sa vie, il accomplit la partie de son œuvre qui passera à la postérité.
La renaissance carolingienne et l'œuvre d'Alcuin revêtent d'abord un sens religieux. Tous les efforts accomplis tendent vers une meilleure compréhension des Écritures, Ancien et Nouveau Testaments. À la demande de Charlemagne, Alcuin rétablit, entre 797 et 800, le texte de la Vulgate, version en latin, complète et unique, de la Bible, qui fait dès lors autorité en Occident pour plusieurs siècles. Pour transmettre sans erreur les textes recopiés par les moines, il favorise l'emploi de la minuscule caroline, écriture lisible qui introduit la séparation des mots par des espaces. Pour améliorer la compréhension des textes par les clercs, il se fait grammairien et donne en exemple les œuvres des auteurs classiques ; c'est en partie grâce à lui que nous sont parvenus les écrits de César ou de Cicéron. Surtout, il crée des ateliers de copie dans les monastères, afin de remédier à la pénurie de manuscrits. Grammairien, théologien, mais d'abord pédagogue, il fonde nombre d'écoles.
Alcuin et les lettrés de son temps ont redonné à l'Occident l'élan, les moyens et le goût des études, mais il ne leur appartenait pas de faire œuvre créatrice, si bien que la portée intellectuelle de la renaissance carolingienne reste un sujet controversé pour les historiens.
Alembert (Jean Le Rond d'),
mathématicien et philosophe (Paris 1717 - id. 1783).
Fils naturel de la chanoinesse de Tencin et du chevalier Destouches, il est abandonné à sa naissance, près de Notre-Dame, devant la chapelle Saint-Jean-Le-Rond, dont il prend le nom. Il bénéficie pourtant d'une rente qui lui permet de suivre des études. Surmontant son handicap social, il s'impose rapidement comme mathématicien, reconnu par les institutions culturelles de l'Ancien Régime. Successivement adjoint à l'Académie des sciences (1741), puis associé (1746) et, enfin, membre titulaire (1756), il est aussi élu à l'Académie française et dans nombre d'académies étrangères. Ses premiers ouvrages traitent de mathématiques et de physique : mémoires sur le calcul intégral (1739) et sur la réfraction des corps solides (1741), Traité de dynamique, où est énoncé ce qu'on connaît désormais comme le principe de d'Alembert (1743), Traité de l'équilibre du mouvement des fluides (1744), Réflexions sur la cause générale des vents (1746), Recherches sur les cordes vibrantes (1747) et sur la précession des équinoxes (1749), Essai sur la résistance des fluides (1752), Recherches sur différents points importants du système du monde (1754-1756).
Parallèlement à ces travaux strictement scientifiques, il prend avec Diderot la tête de l'entreprise encyclopédique et rédige un Discours préliminaire qui constitue à la fois une histoire des progrès de l'esprit humain et un manifeste de la philosophie nouvelle. Pour l'Encyclopédie, il compose plusieurs articles qui le placent au centre des polémiques idéologiques, que ce soit l'article « Collège », qui dénonce l'ordre des Jésuites, ou l'article « Genève », qui critique l'interdiction des spectacles dans la république calviniste et auquel Rousseau répond par la Lettre sur les spectacles (1758). Après la crise de 1757, où le privilège de l'Encyclopédie est mis en cause, il laisse à Diderot la responsabilité de l'entreprise et se tourne vers des combats plus feutrés, plus institutionnels, pour assurer une majorité philosophique à l'Académie française, dont il devient secrétaire perpétuel en 1772. Avec l'Essai sur la société des gens de lettres avec les grands (1753), il théorise cette place de l'intellectuel dans la mondanité. Il est alors une figure familière des salons parisiens, un correspondant privilégié de Voltaire et des souverains acquis à la philosophie, tels que Frédéric II ou Catherine II. Mais il élude les invitations auxquelles répondent, à la même époque, Voltaire partant pour Berlin ou Diderot pour Saint-Pétersbourg, préférant rester auprès de Mlle de Lespinasse, à qui le lie une amitié amoureuse. Il publie des Mélanges de littérature, d'histoire et de philosophie (1753), ainsi qu'un Essai sur les éléments de philosophie (1759), qui marquent la diversité de ses intérêts et sa place éminente dans le mouvement des Lumières. Il perpétue également le genre de l'éloge académique, dont le modèle avait été fourni par Fontenelle.