Rif (guerre du),
rébellion des tribus marocaines de la région montagneuse du Rif contre les protectorats espagnol et français dans les années 1920.
Depuis le traité de Fès (1912), le Maroc est divisé en trois ensembles : un protectorat espagnol (au nord) ; un protectorat français (la plus grande partie du pays), mis en place par Lyautey, résident général au Maroc de 1912 à 1925 ; une zone internationale (Tanger). Situé dans la partie espagnole, le Rif, chaîne montagneuse peuplée de tribus berbères rivales, est une région peu accessible mais bientôt convoitée par les compagnies européennes pour ses richesses minérales. Ce sont ces convoitises qui suscitent un soulèvement contre les deux puissances coloniales. Il est mené par Abd el-Krim, de la tribu des Béni Ouriaghel, l'une des plus puissantes du Rif. Le chef nationaliste, né en 1882, concilie une formation traditionnelle de lettré arabe et une bonne connaissance des milieux administratifs coloniaux, acquise comme responsable des « affaires indigènes ». Quittant l'administration en 1919, il se fixe à Ajdir et contribue à soulever les populations locales contre l'occupant espagnol. La répression, menée par le général Silvestre, pousse alors les tribus hésitantes dans la rébellion. L'ensemble du pays rifain passe à la dissidence et Abd el-Krim inflige à l'armée espagnole la sévère défaite d'Anoual (21-26 juillet 1921). Le chef marocain proclame alors l'indépendance de la République du Rif, dont il prend la présidence, et dote ce nouvel État d'institutions modernes. Il mène hors des frontières une propagande habile et reçoit divers soutiens : ceux du mouvement panislamiste, de la IIIe Internationale (Komintern) et du Parti communiste français, qui dénoncent l'impérialisme occidental, mais aussi des Britanniques, intéressés par les richesses minières des montagnes. En 1924, les Espagnols, usés par une guérilla incessante, se replient vers le littoral. En avril 1925, Abd el-Krim lance une offensive contre le Maroc français. Quelques mois plus tard, Paris dépêche sur place le maréchal Pétain. Ce dernier, avec l'accord du dictateur espagnol Primo de Rivera, rassemble des forces franco-espagnoles de plus de 300 000 hommes, appuyées par les blindés et l'aviation, qui pilonnent les villages et les vallées. Le 27 mai 1926, encerclé près de Targuist, Abd el-Krim se soumet et est exilé. Cependant, les escarmouches se poursuivent jusqu'en 1928.
La guerre du Rif n'est pas seulement un épisode violent de la conquête française du Maroc. Elle préfigure aussi les conflits anticoloniaux ultérieurs : en effet, par son but (l'indépendance) et ses méthodes (technique de la guérilla, mise en condition des populations, propagande), cette lutte apparaît comme un modèle des guerres de décolonisation, et inspirera, à ce titre, nombre de mouvements nationalistes.
Riom (procès de),
procès politique intenté par le régime de Vichy à certains dignitaires de la IIIe République.
Dès 1940, le maréchal Pétain impose l'idée, à des cercles vichyssois réticents, d'un procès de la défaite qui serait en même temps celui de la République. La liste des prévenus fut limitée à trois hommes politiques - Léon Blum, Édouard Daladier et Guy La Chambre - et à deux militaires - les généraux Gamelin, ancien généralissime, et Jacomet, intendant général des armées en 1940. Dès octobre 1941, avant même que le procès ne s'ouvre, les accusés sont déclarés coupables et condamnés à la détention à perpétuité par le Maréchal.
Le choix des prévenus (censé imputer la responsabilité de la défaite au seul Front populaire), l'illégalité grossière de la procédure et la publicité que Vichy entend donner aux débats démontrent le caractère politique de l'entreprise. Une autre ambiguïté plane sur le procès : si les Allemands autorisent cette parodie de justice, c'est dans le but d'établir, non pas les responsabilités françaises dans la défaite, mais celles de la France dans le déclenchement de la guerre. Après une longue et difficile instruction, le procès finit par s'ouvrir le 19 février 1942, ses débats étant présidés par le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation. À la barre, les accusés s'emploient à retourner l'accusation. Daladier se fait le défenseur implacable de la République, tandis que Blum, aidé par son avocat Félix Gouin, défend le bilan militaire du Front populaire et démontre la propre responsabilité de Pétain, ministre de la Guerre en 1934 et longtemps vice-président du Conseil supérieur de la guerre, dans l'impréparation du pays et le choix de la stratégie défensive. Le 11 avril 1942, cinq jours avant le retour au pouvoir de Laval, sur la double pression des Allemands et des milieux ultracollaborateurs, les débats sont suspendus « pour supplément d'information ». Suivis, malgré la censure, par la presse internationale, abondamment commentés par la presse clandestine, raillés par les Français libres, ils ont contribué à discréditer le régime de Vichy et offert aux partis politiques l'occasion d'un retour en grâce inespéré.
Rivarol (Antoine Rivaroli, dit le comte de),
essayiste et polémiste virtuose, hostile à la Révolution dès juillet 1789 (Bagnols-sur-Cèze, Languedoc, 1753 - Berlin 1801).
D'origine lombarde, aîné d'une famille de seize enfants dont le père, cultivé, exerça divers métiers (aubergiste, maître d'école...), c'est un jeune homme doué qui, après un passage par le petit séminaire, gagne Paris en 1777. Sa brillante conversation, jointe à un physique séduisant, provoquent l'engouement des salons. Il acquiert la célébrité en 1784 avec une traduction de l'Enfer de Dante et, surtout, avec son Discours sur l'universalité de la langue française, couronné par l'Académie de Berlin et récompensé d'une pension par Louis XVI. Plus philosophiques, les Lettres à M. Necker sur la religion et sur la morale (1788) attestent aussi le talent du pamphlétaire. Ses portraits satiriques du Petit Almanach de nos grands hommes (1788), puis du Petit Dictionnaire des grands hommes de la Révolution (1790), ridiculisent nombre de gens de lettres et d'acteurs de la Révolution. Ne voyant dans cette dernière que tromperie démagogique, Rivarol défend l'ordre social dans les colonnes du Journal politique national (1789-1790) puis dans celles des Actes des Apôtres (1790-1791), et exhorte le roi à l'action. L'émigration le conduit à Bruxelles (juin 1792), Londres (1794), Hambourg (1796), Berlin enfin (1800). Il a ébauché un Nouveau Dictionnaire de la langue française, dont le Prospectus et le Discours préliminaire sont imprimés (1797), et entamé un Traité sur la nature du corps politique, lorsqu'il est emporté par une pleurésie.