Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Choiseul (Étienne François, duc de), (suite)

Douze ans ministre, Choiseul dirige de fait le gouvernement et doit assumer la tâche difficile d'achever la guerre de Sept Ans (1756-1763), alors que la marine française accumule les déboires face aux escadres anglaises ainsi qu'aux colonies (perte provisoire de la Martinique et de la Guadeloupe ; perte définitive du Canada). Pour renforcer la position de la France face à l'Angleterre, il négocie le « pacte de famille » avec les Bourbons d'Italie et d'Espagne. Soucieux de revanche, après la signature du désastreux traité de Paris (1763), il s'efforce de redonner au pays une flotte puissante, obtenant des villes, provinces et parlements le don de sommes d'argent élevées qui lui permettent de relancer la construction de vaisseaux, préparant par là la victorieuse guerre d'Amérique. Choiseul est également à l'origine de l'annexion de la Corse, cédée par la République de Gênes en 1768. Même s'il a subi deux échecs en matière de colonisation - aux Malouines et à Kourou, en Guyane -, il méritait mieux que l'exil à Chanteloup, où son esprit brillant, favorable à l'Encyclopédie, attira une cour choisie en son magnifique château, dont ne subsiste plus aujourd'hui que la curieuse pagode qu'il y fit ériger.

choléra.

Apparu en Inde en 1817, le choléra atteint l'Europe via la Russie en 1829. En France, les deux plus fortes épidémies se déclenchent en 1832 et en 1854.

Dès 1820, le voyageur Moreau de Jonnès rend compte de cette maladie pestilentielle, contagieuse par les déplacements humains, et préconise le traitement par réhydratation. La Faculté accepte ses théories, et le gouvernement met en place des mesures sanitaires (lazarets, quarantaine). Mais, en 1832, le docteur Jachnichen assure que le choléra est une maladie endémique qui se transmet par voie aérienne, après évaporation d'eau infectée. Deux clans s'opposent alors : celui des « contagionnistes » et celui des « aéristes », lequel gagne à sa conception la faculté de médecine, puis le gouvernement. Dès lors, les mesures de prévention n'ont plus lieu d'être, et le commerce international peut reprendre sans entraves. Cependant, le 26 mars 1832, on dénombre quatre victimes à Paris ; le 1er avril, toute la ville est contaminée, « empoisonnée ». La révolte gronde, mais est vite réprimée. On pense mourir de la « peur bleue », ou d'une sorte de peste ; aussi les maisons infectées sont-elles marquées d'une croix blanche. Les plus aisés s'enfuient en province, tandis que les plus impécunieux achètent des lithographies de « bénédiction des maisons », ou se bardent de médailles miraculeuses (1 500 sont fabriquées en 1832, 100 millions dix ans plus tard). La presse diffuse les caricatures de Daumier (le Charivari), Steinlen (l'Assiette au beurre) ou Le Petit (le Grelot), qui représentent les symptômes cholériques de façon réaliste et le choléra lui-même sous forme d'un squelette verdâtre (1830), d'un animalcule (1870) ou d'un microbe « grossi 125 000 fois » (1885). La réclame vante le « sudatorium » ou le costume aux herbes, et incite les malades à venir à l'hôpital - où Broussais pratique des saignées, refroidit le corps avec de la glace, pendant que Magendie réchauffe ses patients au punch et leur insuffle de l'air. Les herbes, brûlées ou fumées, le camphre, le chlore - utilisé pour désinfecter rues, casernes, prisons et hôpitaux -, puis le phénol, sont employés en prévention. Des mesures prises et contrôlées par des conseils de santé publique insistent sur l'hygiène : deux douches par mois, poules et lapins interdits en appartement, voies d'eau domestiques et fontaines multipliées par quatre en neuf ans. La population s'affolant, le secret médical est alors institué, en 1854, afin de dissimuler l'ampleur de l'épidémie (les chiffres officiels sont : 102 000 morts en 1832 ; 143 000 en 1854). Dès la découverte du bacille virgule et après que Koch a administré la preuve de son mode de contagion en 1884, on asperge de phénol les voyageurs et leurs bagages ; les quarantaines sont rétablies avec efficacité dès 1887. Le choléra devient alors pour les xénophobes, en une période marquée par l'affaire Dreyfus, l'alliance franco-russe et l'expansion coloniale, une métaphore de l'étranger, qu'il soit juif, sujet du tsar, ou « indigène ».

chouannerie,

ensemble des insurrections et des mouvements contre-révolutionnaires de l'ouest de la France.

Le mot vient d'un sobriquet attribué à un certain Jean Cottereau, dit Jean Chouan, qui imitait le cri du chat-huant pour rassembler une bande se livrant à la contrebande du sel avant 1789, entre Bretagne et Mayenne, et qui devint l'un des fers de lance de la Contre-Révolution après 1792. Le terme de chouannerie est étendu à l'ensemble des mouvements contre-révolutionnaires de l'Ouest breton, angevin et normand à partir de 1794. Par analogie, il englobe les insurrections de la Vendée à la fin du XIXe siècle.

Une insurrection rurale.

• L'origine de l'insurrection chouanne remonte à 1791, lorsque les ruraux s'opposent aux mesures religieuses (Constitution civile du clergé) et économiques (biens nationaux) adoptées lors de la Révolution. Des rébellions éclatent à Vannes, à Quimper et au sud de la Loire. Au cours de l'été 1792, des heurts plus graves se produisent dans plusieurs localités, en liaison avec la conspiration de La Rouerie, notamment à Saint-Ouen-des-Toits, près de Laval, où Jean Chouan et ses « gars » entrent dans la clandestinité. En mars 1793, dans tout l'Ouest, les jeunes opposés à la levée des 300 000 hommes décidée par la Convention prennent le parti de ces rebelles, et se révoltent en de très nombreux endroits. L'absence de coordination des ruraux insurgés et leur médiocre armement ne leur permettent pas de résister à la répression menée efficacement par les troupes de ligne stationnées au nord de la Loire. En revanche, au sud, les insurgés victorieux s'érigent en armées catholiques dans ce qui est appelé la Vendée par les révolutionnaires.

Au nord du fleuve, l'ordre est donc rétabli par la force, au printemps 1793, et les insurrections sont matées. Le mécontentement renaît au moment du passage des vendéens, lors de la « virée de Galerne », en novembre. Celle-ci permet aux opposants de se soulever pour de bon et de constituer des foyers de résistance permanents. Dans les forêts qui servent de bases aux expéditions contre les révolutionnaires, les chouans forment des bandes autour des meneurs de la première heure - des vendéens restés sur place -, auxquels se joignent des nobles contre-révolutionnaires et d'anciens fédéralistes, tel Puisaye, tentés par l'aventure.