Descartes (René), (suite)
Le projet philosophique cartésien.
• Il est certainement, à l'origine, d'ordre éthique : l'invention méthodique des sciences et le désir de se rendre par elles « comme maître et possesseur de la nature » se fondent sur une exigence d'amélioration de la vie humaine. Le développement d'une médecine et d'une morale rationnelles sont les fruits attendus d'une réforme philosophique qui commence en profondeur, avec le déracinement des préjugés sensualistes d'une « enfance abusive » (Gouhier) et la recherche d'une première vérité absolument certaine. Celle-ci est obtenue au terme d'une mise en doute radicale de toutes les opinions reçues, même les plus vraisemblables. Le « je pense, je suis », seule vérité dont on ne puisse douter, offre au philosophe un point d'appui en même temps qu'un modèle d'évidence pour la constitution d'une philosophie rationnelle entièrement déductive, démontrant tour à tour l'existence de Dieu, la distinction réelle de l'âme et du corps, l'identification de la substance matérielle à la seule étendue géométrique, condition d'une physique mathématisée et mécaniste.
Le cartésianisme.
• La doctrine de Descartes irrigue la pensée française et européenne au XVIIe siècle. Sa physique, sa théorie du ciel fondée sur l'hypothèse des tourbillons, et son approche du problème de l'union en l'homme de l'âme et du corps font certes l'objet, très tôt, de vives contestations, y compris chez ceux qui s'en réclament explicitement, tel Malebranche. Mais l'idéal d'une science de la nature unifiée qui trouve dans le sujet pensant son véritable fondement imprime une marque durable à la philosophie, inaugurant l'idéalisme et le rationalisme modernes.
Reste qu'aujourd'hui la fortune de Descartes dépasse l'aire de la seule philosophie : du billet de 100 francs à l'adjectif dérivé, il participe d'une mythologie quotidienne qui l'associe étroitement aux Français - « cartésiens comme des bœufs », disait Marcel Aymé - dans l'imaginaire des nations.