Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Descartes (René), (suite)

Le projet philosophique cartésien.

• Il est certainement, à l'origine, d'ordre éthique : l'invention méthodique des sciences et le désir de se rendre par elles « comme maître et possesseur de la nature » se fondent sur une exigence d'amélioration de la vie humaine. Le développement d'une médecine et d'une morale rationnelles sont les fruits attendus d'une réforme philosophique qui commence en profondeur, avec le déracinement des préjugés sensualistes d'une « enfance abusive » (Gouhier) et la recherche d'une première vérité absolument certaine. Celle-ci est obtenue au terme d'une mise en doute radicale de toutes les opinions reçues, même les plus vraisemblables. Le « je pense, je suis », seule vérité dont on ne puisse douter, offre au philosophe un point d'appui en même temps qu'un modèle d'évidence pour la constitution d'une philosophie rationnelle entièrement déductive, démontrant tour à tour l'existence de Dieu, la distinction réelle de l'âme et du corps, l'identification de la substance matérielle à la seule étendue géométrique, condition d'une physique mathématisée et mécaniste.

Le cartésianisme.

• La doctrine de Descartes irrigue la pensée française et européenne au XVIIe siècle. Sa physique, sa théorie du ciel fondée sur l'hypothèse des tourbillons, et son approche du problème de l'union en l'homme de l'âme et du corps font certes l'objet, très tôt, de vives contestations, y compris chez ceux qui s'en réclament explicitement, tel Malebranche. Mais l'idéal d'une science de la nature unifiée qui trouve dans le sujet pensant son véritable fondement imprime une marque durable à la philosophie, inaugurant l'idéalisme et le rationalisme modernes.

Reste qu'aujourd'hui la fortune de Descartes dépasse l'aire de la seule philosophie : du billet de 100 francs à l'adjectif dérivé, il participe d'une mythologie quotidienne qui l'associe étroitement aux Français - « cartésiens comme des bœufs », disait Marcel Aymé - dans l'imaginaire des nations.

Deschanel (Paul),

homme politique (Schaerbeek, Belgique, 1855 - Paris 1922) ; président de la République de février à septembre 1920.

Fils d'Émile Deschanel, sénateur exilé sous le Second Empire, Paul Deschanel reçoit une formation de juriste. D'abord sous-préfet à Dreux, Brest et Meaux, il est élu député d'Eure-et-Loir en 1885, et le restera jusqu'en 1920. Vice-président de la Chambre en 1896, il entreprend, l'année suivante, une campagne en faveur des « républicains sans épithète ». Président de la Chambre de 1898 à 1902, il s'oppose fréquemment à Jaurès, défendant, face au socialiste, une République « progressiste ». Candidat malheureux à la présidence de la Chambre en 1902, puis à la magistrature suprême en 1906, il sera de nouveau à la tête de la Chambre de 1912 à 1920. Le 16 février 1920, une majorité de parlementaires se prononce pour son élection à la présidence de la République, face à Georges Clemenceau, accusé de « dictature ». Élu le lendemain, Paul Deschanel occupera fort peu de temps l'Élysée. De santé mentale fragile, il doit remettre sa démission en septembre 1920. Élu sénateur d'Eure-et-Loir en janvier 1921, il meurt en avril de l'année suivante.

Chef d'État fugitif, républicain centriste, modéré, mais convaincu, homme d'arbitrages plus que de responsabilités, Paul Deschanel a suivi un parcours qui, selon Nicolas Roussellier, « fait figure de modèle d'une promotion honorifique comme seule la République parlementaire pouvait en assurer la réussite et la légitimité ».

Désert (assemblées du),

réunions tenues par les protestants pour célébrer leur culte, après la révocation de l'édit de Nantes en 1685.

L'expression rappelle la traversée du désert par les Hébreux, et les « solitudes sacrées » dans lesquelles ces réunions se déroulent renforcent cette image. En effet, aux « nouveaux convertis », restés protestants de cœur, le culte familial discret ne peut suffire, notamment pour les baptêmes et les mariages, engagements pris devant la communauté. Privés de pasteurs, de temples, d'état civil, ils se réunissent, dès 1685, en des lieux retirés, parfois même dans des grottes. Garrigues et combes languedociennes se prêtent particulièrement à ces rassemblements, dont toutes les régions protestantes (Dauphiné, Poitou, Normandie) offrent néanmoins des exemples. Hommes, femmes et enfants y écoutent des prédicateurs « improvisés », parfois des « prophètes », dont l'enthousiasme prépare la révolte des camisards. Après la défaite de ces derniers, Antoine Court, jeune « prédicant » du Vivarais, convoque, le 27 août 1715, le premier synode (assemblée de délégués des églises) du Désert. Il rejette la violence, restaure l'autorité des consistoires et l'unité de foi. Des pasteurs reviennent de l'étranger, et des Languedociens sont envoyés à Lausanne pour se former.

Ces églises clandestines mais bien encadrées confortent les « nouveaux convertis » dans leur refus des pratiques catholiques, ce qui les désigne aux autorités. Un « premier Désert » (1685-1760) affronte une répression constante. Dans les années 1720, les arrestations redoublent, les hommes sont condamnés aux galères et les femmes sont enfermées, notamment dans la tour de Constance à Aigues-Mortes. Des pasteurs sont exécutés. Le clergé catholique pousse à la sévérité, mais, de peur d'une révolte ouverte, le pouvoir reste prudent - sauf de 1748 à 1756, lorsque la paix extérieure lui laisse les mains libres.

À des réformés privés de personnalité juridique, les assemblées du Désert conservent une identité collective. En perpétuant un désordre civil - les mariés « au Désert » sont considérés comme des concubins, et les baptisés sont parfois rebaptisés de force par les curés -, en s'en tenant à une résistance non violente, elles posent un cas de conscience aux autorités éclairées. À partir de 1760, la surveillance se relâche sur le « second Désert ». Les assemblées ne se cachent plus. Contrairement aux parlements de Rouen, de Grenoble ou de Toulouse, qui demeurent intransigeants, les ministres du roi Louis XVI, Turgot en tête, se montrent mieux disposés. En 1787, l'édit de Tolérance met fin à la fiction d'une France toute catholique en restituant un état civil aux protestants. Mais c'est la Révolution qui rétablit la liberté de culte.