anticléricalisme, (suite)
L'anticléricalisme se renouvelle dans ses sources doctrinales (Vie de Jésus, de Renan, 1863 ; traductions du théologien Strauss, de Darwin et de Feuerbach ; dictionnaires de Littré et de Larousse) comme dans ses forces vives (franc-maçonnerie ; Ligue de l'enseignement). En 1868, à la tribune du Sénat, Sainte-Beuve exalte le « grand diocèse » des dissidents de tous ordres. En 1871, la Commune de Paris fait fermer les églises et fusiller l'archevêque, Mgr Darboy. Dans les années 1871-1877 (l'Ordre moral), une ligne de partage s'établit entre monarchistes et catholi-ques d'une part, républicains et anticléricaux de l'autre : « Le cléricalisme, voilà l'ennemi ! », s'écrie Gambetta le 4 mai 1877. La victoire des républicains entraîne, dans les années 1880, l'avènement des lois laïques (école gratuite, laïque et obligatoire ; suppression des prières publiques ; interdiction des processions ; introduction du divorce). L'anticléricalisme triomphe dans l'État comme dans le monde intellectuel. Tandis que la morale néokantienne des instituteurs laïcs se substitue à « la morale des jésuites » (Paul Bert, 1879), les mouvements plus radicaux de la libre pensée, avec leurs rites civils et leurs banquets du vendredi saint, se développent. La dissolution des congrégations religieuses, la rupture des relations diplomatiques avec le Saint-Siège (1904) et la loi de séparation du 9 décembre 1905 marquent le point d'aboutissement de l'anticléricalisme du XIXe siècle : désormais, la République « ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte ».
Des enjeux décalés.
• L'anticléricalisme du XXe siècle demeure vigoureux, tant dans la réflexion (l'Union rationaliste en 1930) et la presse (la Calotte d'André Lorulot, 1906 ; le Canard enchaîné, 1916), que dans le syndicalisme enseignant (l'École libératrice), mais il n'occupe plus une place centrale dans le débat politique. Après la Première Guerre mondiale, l'Église et l'État décident de favoriser la pacification religieuse et font chacun des concessions (maintien du concordat en Alsace-Lorraine, approbation des associations diocésaines, rétablissement des relations diplomatiques avec le Vatican). L'anticléricalisme regagne cependant du terrain avec la victoire du Bloc des gauches (1924), mais Édouard Herriot doit faire marche arrière. Pendant le Front populaire, la politique de la « main tendue » de Thorez aux catholiques tout comme le refus des radicaux d'accorder le droit de vote aux femmes isolent les anticléricaux des nouvelles luttes sociales.
Après 1945, l'anticléricalisme est principalement centré sur la question scolaire, comme l'illustrent le combat contre les lois Barangé (1951) et Debré (1959), l'adoption de la loi Savary (1984) ou la défense, paradoxale, de la loi Falloux (1994). Enfin, le maintien du concordat en Alsace-Lorraine, le financement public des bâtiments religieux (cathédrale d'Évry, mosquées) ou le rituel « concordataire » des funérailles de présidents de la Ve République à Notre-Dame peuvent constituer d'autres motifs de lutte.