Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

Saint-Sulpice (Compagnie de),

société de prêtres séculiers fondée en 1641 par Jean-Jacques Olier.

Afin de les préparer à leur charge d'âmes, Olier oblige les élèves de son séminaire de Saint-Sulpice à participer à la gestion de cette grande paroisse parisienne ; par ailleurs, maîtres et séminaristes sont astreints à une vie commune qui fait de l'Église leur famille. Selon la constitution de la Compagnie, approuvée par Rome en 1664, les membres ne prononcent pas de vœux particuliers ; ils gardent la propriété de leurs biens individuels. En accord avec le souhait d'Olier (« Que la Providence veuille faire de ce lieu un séminaire universel pour l'Église »), ce mode d'organisation et de formation, conforme à l'idéal tridentin tourné vers la vie paroissiale et la dignité sacerdotale, s'étend à la province : les sulpiciens sont appelés pour créer des séminaires à Nantes (1649), Viviers (1650), Le Puy (1652), Clermont, et jusqu'à Montréal ; au total, ils dirigent en 1789 une trentaine de séminaires, par lesquels sont passés environ 50 évêques au XVIIe siècle et près de 200 au siècle suivant. Dans la lignée de l'enseignement du troisième supérieur général Louis Tronson (1676/1700), l'esprit sulpicien a marqué profondément le clergé français : régularité de vie teintée d'ascétisme, méfiance envers le mysticisme, sens des responsabilités pratiques et respect des autorités. Pendant la Révolution, le supérieur général Émery, réfugié aux États-Unis, fonda en 1791 à Baltimore un séminaire qui fit découvrir aux catholiques américains le modèle français.

saints (culte des),

culte des personnes qui, par leur cheminement personnel, ont fait de leur vie un modèle à l'image et à la ressemblance de la vie du Christ.

Tout chrétien est appelé à s'engager dans cette voie. À ce titre, le saint joue le rôle d'un « témoin » auprès du peuple de Dieu.

Le culte des saints naît en Orient, au IIe siècle, du culte des martyrs et se répand dans l'Occident latin à partir du IIIe siècle. Les chrétiens se réunissent alors sur les tombes de ceux qui sont morts pour leur foi, afin de célébrer l'eucharistie, marquant ainsi le lien entre leur sacrifice et celui du Christ mort sur la croix. La commémoration des martyrs, et aussi des Apôtres, engendre en Gaule, dès le IVe siècle, la vénération de leurs reliques - fragments de corps ou objets ayant touché ces corps -, pour lesquelles des églises sont construites. Progressivement, la vénération s'étend aux évêques fondateurs d'églises locales et aux moines évangélisateurs, puis aux saints ascètes et aux vierges (sainte Geneviève, saint Denis, saint Germain, saint Remi, saint Hilaire, etc.). Elle connaît un succès croissant en Gaule, aux Ve et VIe siècles. Le culte des saints est alors devenu un aspect fondamental de la piété chrétienne, auquel s'ajoute la diffusion des modèles de sainteté par le biais de la rédaction des « vies de saints » (hagiographies). L'évolution du sanctoral (calendrier des fêtes en l'honneur de la Vierge et des saints) contribue à l'adoption progressive d'un calendrier de saints unique pour toute l'Église au VIIe siècle. Soucieux d'assurer l'unification de l'Empire par tous les moyens, y compris liturgiques, Charlemagne, vers 800, impose comme livre officiel un calendrier de saints provenant de Rome, auquel les liturgistes impériaux ajoutent des fêtes de saints francs. Ultérieurement enrichi par les liturgistes franco-germaniques aux IXe et Xe siècles, celui-ci finit par constituer le calendrier universel de l'Église de Rome.

Les modèles de la sainteté.

• Sous l'influence des ordres monastiques, qui obtiennent l'inscription au calendrier romain de plusieurs de leurs serviteurs, le culte des saints évolue notablement au XIIe siècle. L'Église reconnaît alors pour la première fois comme saints des contemporains, et leur nombre s'accroît considérablement. L'ouverture du sanctoral à de nombreux religieux franciscains et dominicains au XIIIe siècle, mais aussi aux laïcs qui donnent des exemples de piété et de charité (à l'instar de Saint Louis) concourt à une spiritualisation croissante de la notion de sainteté et à l'émergence d'un modèle évangélique et apostolique. La mainmise de la papauté sur la procédure de canonisation au début du XIIIe siècle contribue alors à établir un contrôle sévère sur les vertus et les miracles réalisés par les serviteurs de Dieu. Il existe désormais deux catégories de saints : ceux qui, reconnus par le pape, font l'objet d'un culte liturgique (les « saints ») et ceux qui doivent se contenter d'une vénération locale (les « bienheureux »). À la fin du Moyen Âge, sans doute en réaction à l'importance croissante prise par les canonisations des saints à la parole visionnaire inspirée, l'Église privilégie les prédicateurs ainsi que les réformateurs dont l'action sociale est reconnue (sainte Colette de Corbie, 1381 ou 1382-1447).

Avec le concile de Trente s'ouvre une nouvelle étape. Confiées à la Congrégation des rites (1588), les causes de saints font désormais l'objet d'une procédure très rigoureusement définie - elle sera amplement commentée par le futur pape Benoît XIV (1740/1758) au début du XVIIIe siècle. Après avoir glorifié les grandes figures de la Réforme catholique mais aussi les spirituels et les bons pasteurs (François de Sales, canonisé en 1665), l'Église remet en faveur les modèles de fondateurs ou réformateurs d'ordres : canonisation de Vincent de Paul en 1737, de Jeanne de Chantal en 1767, de Marie de l'Incarnation en 1791. Elle exalte également les missionnaires, tel le jésuite François Régis, canonisé en 1737. Ainsi, au XVIIIe siècle, les causes concernant les saints français reçoivent assez souvent une suite favorable, après une longue éclipse du XVe au XVIIe siècle. La reconnaissance fréquente de saints français au XIXe siècle s'explique par le souci de l'Église de renouer avec ses racines après la grande tourmente révolutionnaire en promouvant les fondateurs mais aussi les simples : Alphonse Marie de Liguori, mort en 1787 et canonisé en 1839, ou Benoît Joseph Labre, mort en 1783 et canonisé en 1881.