Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
R

Rueil (paix de),

accord conclu entre Mazarin et les frondeurs, le 11 mars 1649.

Dans la nuit du 5 janvier 1649, Mazarin, la régente Anne d'Autriche et le jeune Louis XIV fuient Paris insurgé pour s'établir à Saint-Germain-en-Laye, sous la protection du prince de Condé. La guerre civile commence. Condé organise le blocus de la capitale, ravage les campagnes environnantes, harcèle l'armée frondeuse et fait noyer les prisonniers pour terroriser les Parisiens. Le prix du blé quadruple en deux mois sur le marché parisien, entraînant la disette pour les plus pauvres. Passé à la Fronde, Turenne ne parvient pas à faire marcher l'armée d'Allemagne sur Paris. Certains frondeurs cherchent l'aide de l'Espagne, ce qui inquiète les patriotes. Par ailleurs, le 19 février, on apprend avec effroi l'exécution « sacrilège » de Charles Ier d'Angleterre par ses sujets révoltés. Un parti modéré s'affirme alors derrière Molé, premier président du parlement, et obtient que l'on engage des pourparlers avec Mazarin. Les rebelles sont amnistiés ; leurs principaux chefs reçoivent même des gouvernements de province et des sommes considérables (jusqu'à 700 000 livres pour le duc de Longueville) ; Conti entre au Conseil d'en haut. En outre, Mazarin promet de limiter les impôts et le recours à l'emprunt. Cependant, cette réconciliation générale - même la duchesse de Chevreuse, exilée à Bruxelles depuis cinq ans, est autorisée à rentrer en France - est une façade. Elle laisse « un levain de mécontents » (Retz), et le Grand Condé est devenu l'arbitre de la situation, ce dont Mazarin ne tarde pas à s'inquiéter.

Ruhr (occupation de la),

occupation par des troupes françaises et belges des principaux centres miniers de la Ruhr, de 1923 à 1925, afin de garantir la livraison d'actifs dus par l'Allemagne au titre des réparations de guerre.

Le 11 janvier 1923, en réaction aux demandes de moratoire du gouvernement allemand, la France, approuvée par la Belgique, envoie dans la Ruhr une Mission internationale pour le contrôle des usines et des mines (Micum), escortée par des troupes nombreuses (47 000 hommes). Cette occupation du cœur industriel de l'Allemagne, qui déclenche aussitôt une résistance passive de la population, appuyée par le gouvernement du chancelier Wilhelm Cuno, est présentée par le président du Conseil Raymond Poincaré comme un moyen d'aller « chercher du charbon », et d'obliger l'Allemagne à une attitude plus conciliante sur le problème des réparations, dont le traité de Versailles (1919) a affirmé le principe mais sans en fixer le montant.

Désapprouvée par la Grande-Bretagne, pour qui le relèvement économique de l'Allemagne est indispensable à l'équilibre européen, cette politique de force, élaborée par le gouvernement français au cours de l'année 1922, recouvre plusieurs objectifs. Considérant l'occupation et la saisie du « gage productif » comme une « solution » au problème des réparations, cette politique doit aussi permettre une mainmise française durable sur les mines allemandes, tout en renforçant la sécurité de la France, grâce à une réorganisation de la Rhénanie, séparée du reste de l'Allemagne. En octobre 1923, au moment où s'effondre l'idée d'une république rhénane (échec du « putsch d'Aix-la-Chapelle », fomenté par un industriel belge), la position française change du tout au tout. Cédant à la pression de la Grande-Bretagne et des États-Unis afin de sortir de son isolement diplomatique et de faire cesser les attaques contre le franc, le gouvernement Poincaré accepte la constitution d'une commission d'experts, chargée de fixer la capacité de paiement de l'Allemagne. Ce retournement est confirmé par le gouvernement Herriot qui, à la conférence de Londres d'août 1924, approuve le plan Dawes (rééchelonnement des versements allemands) et décide d'évacuer, sans contreparties, la Ruhr en l'espace d'un an.

L'occupation de la Ruhr en 1923, qui fut approuvée par une grande majorité de l'opinion française (à l'exception des communistes), ne saurait être considérée comme une simple parenthèse, un essai sans lendemain d'une politique d'application rigoureuse des traités de paix en ayant recours à la contrainte. Cet épisode charnière, qui envenima profondément les relations franco-allemandes, peut être interprété, à la fois, comme « le dernier soubresaut du gigantesque effort » fourni par la France en guerre (Jean-Jacques Becker et Serge Berstein) et comme le moyen « de dénouer une situation bloquée » (Stanislas Jeannesson), sans renoncer à un retour, ultérieur, à la négociation.

Russie (campagne et retraite de),

campagne militaire qui, en 1812, a conduit la Grande Armée jusqu'à Moscou, et s'est achevée par une longue et douloureuse retraite.

L'alliance franco-russe conclue à Tilsit (1807) se défait peu à peu, le tsar Alexandre Ier acceptant mal la constitution du grand-duché de Varsovie aux portes de la Russie et le refus de Napoléon de partager la Turquie. Fort des préparatifs diplomatiques et militaires opérés dès l'été 1811, le tsar adresse un ultimatum à l'Empereur (8 avril 1812), lui enjoignant d'évacuer la Prusse et de négocier un traité de commerce avec la Russie. Ayant reçu les renforts de ses alliés autrichiens et prussiens à Dresde, Napoléon prend la route de la Pologne, le 28 mai 1812, à la tête de 600 000 hommes issus de vingt nations. Cette armée s'engage sur le territoire russe le 24 juin, après avoir franchi le Niémen, à Kaunas (Kovno), afin de marcher sur Vilna. Mais les troupes russes, qui ne réunissent que 230 000 soldats, se dérobent à tout affrontement, tandis que Jérôme Bonaparte arrive trop tard pour empêcher la retraite de la IIe armée russe, commandée par le prince Bagration : les manœuvres visant à encercler et à écraser les adversaires à Vitebsk puis à Smolensk échouent. La victoire de Valoutina, le 19 août, n'est qu'un engagement partiel entre l'avant-garde française et l'arrière-garde russe. Ce n'est qu'aux portes de Moscou que Davout, Ney et Poniatowski permettent la victoire de la Moskova, les 6 et 7 septembre. Mais, lorsque les Français pénètrent dans la capitale le 14 septembre, celle-ci est ravagée par un incendie provoqué par les Russes, qui ne veulent pas laisser à l'ennemi une ville intacte. Le tsar refusant la paix, la décision de la retraite est prise le 19 octobre. Koutouzov oblige alors Napoléon à reprendre la route du Nord, dévastée à l'aller. L'armée, déjà épuisée par une longue campagne, progresse lentement, « sur trois ou quatre files d'une longueur infinie » (comte de Ségur), victime des attaques des cosaques, des rigueurs de l'hiver russe et de la famine : au passage de la Berezina, effectué entre les 26 et 29 novembre grâce à l'héroïsme des pontonniers du général Éblé, elle ne compte plus que 30 000 hommes ; lorsqu'elle arrive à Vilna, le 9 décembre, elle n'en réunit plus que 5 000. Entre-temps, le 3 décembre, le 29e bulletin de la Grande Armée annonce le désastre ; le 4, Napoléon quitte son armée pour rentrer en France à l'annonce du coup d'État tenté par le général Malet et en confie le commandement à Murat. Cette campagne meurtrière et qui ne renforce en rien la position de la France en Europe apparaît alors, aux yeux des détracteurs de Napoléon, comme annonciatrice de la chute de l'Empire.