Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Franche-Comté, (suite)

Au cours des partages mérovingiens subsiste un royaume de Bourgogne, qui comprend le futur duché, la future comté et la Provence. Royaume à l'existence intermittente, il est malgré tout une réalité géographique vécue par les hommes du haut Moyen Âge, dont le souvenir perdure jusqu'au XIIIe siècle. Bien que le traité de Verdun (843) coupe en deux le pays bourguignon, faisant de la future Franche-Comté une terre d'Empire, il existe un royaume bourguignon - au moins dans les titres - de 888 à 1027, qui revient à l'empereur Conrad II. Au sein de ce royaume, les comtes de Bourgogne, depuis Otte Guillaume (mort en 1027), cherchent à s'émanciper de la tutelle impériale ; le comte Renaud III, qui s'intitule « franc-comte » en 1127, y parvient grâce à l'affaiblissement de l'empereur Henri V. Mais, aux XIIe et XIIIe siècles, la succession des comtes de Bourgogne erre entre la famille impériale, les ducs de Méranie et les comtes de Chalon, puissants féodaux qui marginalisent le pouvoir comtal.

Otton IV (mort en 1303), dernier comte de Bourgogne, marie sa fille Jeanne à l'un des fils de Philippe le Bel, le futur Philippe V, et lui cède en dot toute la comté en 1295. Leur fille épouse le duc de Bourgogne Eudes IV, réunissant ainsi les deux Bourgognes, partagées en 1350, puis à nouveau réunies en 1384 lorsque Philippe le Hardi devient duc de Bourgogne. La Franche-Comté, dont le nom apparaît dans une charte en 1365, suit le sort de l'État bourguignon. L'exploitation des salines et le contrôle des routes du sel, dont témoignent les villes de Salins et Lons-le-Saunier, favorisent l'essor économique de la province. Dole, capitale politique, et Besançon, métropole religieuse, prospèrent.

Disputée, après la mort de Charles le Téméraire (1477), entre le roi de France Louis XI et Maximilien de Habsbourg, la Franche-Comté rejoint l'Empire au traité de Senlis de 1493, jusqu'à la paix de Nimègue, signée par Louis XIV en 1678. Elle est alors intégrée sans difficulté au royaume de France : depuis plusieurs siècles, la nécessité d'une entité politique intermédiaire entre France et Germanie ne se faisait déjà plus sentir.

franchises,

ensemble de droits et privilèges concédé à une communauté par son seigneur.

La rédaction des chartes de franchises, qui débute dans le royaume de France vers 1150 et s'achève un siècle plus tard, correspond à un mouvement général de mise par écrit des droits et des usages.

Un instrument de consolidation du système seigneurial.

• Cette « normalisation » des rapports entre seigneurs et paysans s'explique aisément : si le système seigneurial se met en place, autour de l'an mil, comme un pouvoir de contrainte violemment imposé aux communautés rurales, il ne peut perdurer que dans la stabilité ; le prélèvement seigneurial, de guerrier, doit devenir fiscal. Trop élevé ou arbitrairement fixé, il risquerait de briser l'essor rural. Or, les maîtres de la terre tirent un bénéfice direct de l'augmentation de la production agricole, surtout depuis le développement des redevances à part de fruit ; leur intérêt est donc de négocier avec les communautés rurales la mise au clair des droits et devoirs de chacun ; aussi, les chartes de franchise ne leur sont-elles que très rarement arrachées à la suite d'une épreuve de force. En codifiant les usages et en garantissant les droits de chacun contre l'arbitraire, les franchises rurales consolident en fait le système seigneurial et lui confèrent sa légitimité. Dans leur rédaction se mêlent inextricablement les droits banaux et fonciers ; la seigneurie s'y donne à voir comme une institution de paix, un regroupement économique qui unit les maîtres et ceux qui les font vivre dans la défense d'intérêts communs.

Clauses économiques et portée politique.

• Du point de vue économique, la charte se présente comme une réforme du système de redevances qui va dans le sens de la clarification, de la limitation et de la stabilisation. On supprime certaines exigences pour en consolider d'autres, et le montant du prélèvement est souvent fixé en numéraire, une fois pour toutes - c'est la raison pour laquelle, à partir du dernier tiers du XIIIe siècle, les revenus seigneuriaux sont rognés par la dépréciation monétaire. La réforme se réduit souvent à un abonnement de taille, qui aboutit à la fixation d'un cens commun, présenté comme le prix de l'affranchissement. D'où la reconnaissance d'une communauté fiscale, qui est le premier acte d'un partage du pouvoir entre le seigneur et la communauté villageoise. La portée politique de l'accord dépend sans doute du rapport de force, et tous les degrés d'autonomie politique sont possibles, jusqu'à la reconnaissance des droits de basse justice de l'échevinage, représentant de la communauté villageoise face au seigneur.

La géographie des franchises.

• Peu développé en Provence et en Languedoc, le mouvement des franchises est plus vigoureux en Catalogne et en Béarn (les « fors ») ; il affecte essentiellement le vieux pays franc, mais non l'ouest de la France, où nombre de communautés vivent sous la loi des peu généreux « Établissements de Rouen » de 1258. Certains villages ou bourgades ont donné leur nom à des « lois » ou coutumes, rédigées par leurs seigneurs et imitées ensuite, tout ou partie, par d'autres localités. La « loi » concédée en 1155 par le roi Louis VII (reprenant une concession de son père Louis VI le Gros) au village de Lorris-en-Gâtinais est l'une de ces « chartes mères », adoptée par 90 villages du domaine royal jusqu'en 1215. Il en va de même de la charte de Beaumont-en-Argonne, accordée par l'archevêque de Reims en 1182, et imitée plus de trois cents fois en Champagne, Bourgogne et Lorraine.

Ces phénomènes de diffusion posent le problème des rapports entre franchises rurales et franchises urbaines : en Picardie, les villages empruntent les rédactions d'Amiens, d'Abbeville ou de Saint-Quentin. Aussi, tout un courant historiographique a-t-il longtemps considéré le mouvement des franchises comme un écho rural du mouvement communal. Cette conception est aujourd'hui entièrement remise en cause : c'est au contraire l'émancipation urbaine qui constitue une modalité particulière du mouvement des franchises, dans le contexte général de la « normalisation » du XIIe siècle.