nom donné au mouvement politique constitué autour de Pierre Poujade, et qui recueille une forte audience pendant une brève période, de 1953 à 1956.
Le succès du mouvement Poujade apparaît nettement dans l'écart entre l'agitation antifiscale dans une petite ville du Lot (1953) - qui constitue son point de départ - et la présence, trois ans plus tard, au Palais-Bourbon, de cinquante-deux députés du groupe Union et fraternité française, portés par 2,5 millions de voix lors des élections législatives de janvier 1956. Entre-temps, il est vrai, le mouvement Poujade a assez largement changé de nature. Né de l'opposition d'un commerçant, Pierre Poujade, au renforcement des contrôles fiscaux, à un moment où le ralentissement de l'inflation accroît le poids des impôts, le mouvement s'étend bientôt géographiquement et socialement. Les élections de janvier 1956 traduisent cet élargissement de sa base, alors qu'il n'avait pas, à l'origine, de visée électorale : dans les 12 % de votants qui portent leurs suffrages sur les candidats poujadistes, les commerçants et les artisans sont rejoints par des paysans et par une fraction de la bourgeoisie proche de l'extrême droite.
Cette réussite s'explique surtout par la personnalité de Pierre Poujade : meneur charismatique, « fort en gueule », il incarne une France opposée à l'intrusion de l'État dans les intérêts privés, roublarde dans ses rapports avec le pouvoir, soupçonneuse à l'égard des puissants. Né en 1920, issu de la petite bourgeoisie, Poujade ouvre après la guerre une librairie-papeterie à Saint-Céré (Lot), dont il devient conseiller municipal en 1953. Son action d'éclat contre les contrôles fiscaux est relayée par la création de l'Union des commerçants et des artisans (UDCA), qui tient son premier congrès national à Alger, en novembre 1954. Au plus fort du mouvement, en 1956, lorsque l'UDCA compte quelque 200 000 adhérents, le poujadisme reste étroitement lié à son chef, sans déboucher sur une organisation structurée ou sur une stratégie politique.
Antiparlementariste mais présent aux élections législatives de 1956, fasciné par l'empire colonial mais défenseur d'une France repliée sur elle-même, le mouvement Poujade conjugue des positions contradictoires. Son succès est essentiellement celui des « bons mots » de son chef, qui appelle à « sortir les sortants » et exhorte, avec des accents xénophobes et populistes, à lutter « contre les trusts apatrides, les trusts électoraux, contre le gang des exploitants, le gang des charognards ». C'est aussi celui d'une rencontre entre un homme et une partie de la société française, celle des « travailleurs indépendants », malmenée par la modernisation.