feu, (suite)
Le premier recensement de ce type a lieu en 1328, à la demande de Philippe VI de Valois : le nouveau roi veut connaître l'assiette sur laquelle répartir l'impôt qu'il lève pour financer sa campagne militaire dans les Flandres. Dès l'origine, le dénombrement a donc un motif fiscal. Cet état est cependant intéressant à plus d'un titre : en premier lieu, il témoigne de l'emprise de l'administration capétienne, qui a désormais les moyens d'enquêter sur ses bailliages et sénéchaussées. Il permet ensuite, même limité au domaine royal, d'estimer par extrapolation la population du royaume au début du XIVe siècle : Ferdinand Lot l'a évaluée à 16 millions d'habitants, soit 20 à 22 millions dans les limites actuelles. Les dénombrements ultérieurs des feux s'inscrivent dans la même logique fiscale et fournissent des résultats - souvent peu précis - qui ont pu être utilisés à des fins démographiques.
Le premier problème posé est celui de la définition du feu : selon les cas et les époques, il peut désigner une famille nombreuse, un célibataire, un veuf ou une veuve. À ce feu réel, qui nécessite un recensement exhaustif de la population, va bientôt se substituer un feu fictif - feu de compoix -, simple coefficient démultiplicateur du montant attendu de l'impôt. Cette évolution sert les desseins du pouvoir royal, qui fixe a priori le volume de la somme à répartir, à charge pour les collecteurs ou les états provinciaux de la réunir : selon sa richesse estimée, telle province, tel bailliage ou telle paroisse paiera pour un nombre déterminé de feux. Ainsi, au XVIIIe siècle, la Provence est réputée compter pour 3 032 feux de 55 000 livres ; de même, la Bretagne a un fouage - impôt direct - de 214 000 livres à répartir entre 32 441 feux.
Ce système laisse place à l'arbitraire, d'autant plus qu'il repose sur une statistique impossible à dresser : l'incapacité du pouvoir royal à renouveler l'opération de 1328 est patente. En 1490, Charles VIII renonce à sa « recherche générale des feux ». Sous l'Ancien Régime, toute révision de la liste des foyers, appelée « répartition » ou « réparation », passe vite d'un recensement des feux réels à une négociation sur le nombre des feux fictifs, donc sur l'appréciation de la richesse collective imposable.
C'est dire que les études démographiques menées sur la seule base du recensement des feux recèlent une grande marge d'incertitude. Même si tel ou tel village offre des sources sûres, toute estimation de la population du royaume est très difficile à faire avant le XVIIIe siècle, où seront menées les enquêtes destinées à connaître le nombre d'habitants du pays.