Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
F

feu, (suite)

Le premier recensement de ce type a lieu en 1328, à la demande de Philippe VI de Valois : le nouveau roi veut connaître l'assiette sur laquelle répartir l'impôt qu'il lève pour financer sa campagne militaire dans les Flandres. Dès l'origine, le dénombrement a donc un motif fiscal. Cet état est cependant intéressant à plus d'un titre : en premier lieu, il témoigne de l'emprise de l'administration capétienne, qui a désormais les moyens d'enquêter sur ses bailliages et sénéchaussées. Il permet ensuite, même limité au domaine royal, d'estimer par extrapolation la population du royaume au début du XIVe siècle : Ferdinand Lot l'a évaluée à 16 millions d'habitants, soit 20 à 22 millions dans les limites actuelles. Les dénombrements ultérieurs des feux s'inscrivent dans la même logique fiscale et fournissent des résultats - souvent peu précis - qui ont pu être utilisés à des fins démographiques.

Le premier problème posé est celui de la définition du feu : selon les cas et les époques, il peut désigner une famille nombreuse, un célibataire, un veuf ou une veuve. À ce feu réel, qui nécessite un recensement exhaustif de la population, va bientôt se substituer un feu fictif - feu de compoix -, simple coefficient démultiplicateur du montant attendu de l'impôt. Cette évolution sert les desseins du pouvoir royal, qui fixe a priori le volume de la somme à répartir, à charge pour les collecteurs ou les états provinciaux de la réunir : selon sa richesse estimée, telle province, tel bailliage ou telle paroisse paiera pour un nombre déterminé de feux. Ainsi, au XVIIIe siècle, la Provence est réputée compter pour 3 032 feux de 55 000 livres ; de même, la Bretagne a un fouage - impôt direct - de 214 000 livres à répartir entre 32 441 feux.

Ce système laisse place à l'arbitraire, d'autant plus qu'il repose sur une statistique impossible à dresser : l'incapacité du pouvoir royal à renouveler l'opération de 1328 est patente. En 1490, Charles VIII renonce à sa « recherche générale des feux ». Sous l'Ancien Régime, toute révision de la liste des foyers, appelée « répartition » ou « réparation », passe vite d'un recensement des feux réels à une négociation sur le nombre des feux fictifs, donc sur l'appréciation de la richesse collective imposable.

C'est dire que les études démographiques menées sur la seule base du recensement des feux recèlent une grande marge d'incertitude. Même si tel ou tel village offre des sources sûres, toute estimation de la population du royaume est très difficile à faire avant le XVIIIe siècle, où seront menées les enquêtes destinées à connaître le nombre d'habitants du pays.

feuillants (Club des),

société politique révolutionnaire modérée née de la scission du Club des jacobins, le 16 juillet 1791.

Face à l'agitation républicaine consécutive à la fuite du roi et à son arrestation à Varennes, le triumvirat formé par Adrien Duport, Antoine Barnave et Alexandre Lameth fait voter, le 15 juillet, un décret innocentant Louis XVI et le déclarant inviolable. En réponse, une partie du Club des jacobins rédige, dès le lendemain, une pétition demandant le remplacement du roi. Cette attitude antilégaliste est aussitôt dénoncée par les triumvirs, qui quittent le Club des jacobins pour s'installer non loin de là, au couvent des Feuillants. Le retrait de la pétition, après le vote par l'Assemblée du décret du 16 juillet rétablissant Louis XVI sur le trône, n'interrompt pas les départs, qu'accélère la fusillade du Champ-de-Mars, le 17 (la Garde nationale tire sur un attroupement interdit de pétitionnaires hostiles au roi). Les scissionnistes entraînent avec eux des centaines d'adhérents, dont la quasi-totalité des députés, parmi lesquels La Fayette ; ne reste alors au Club des jacobins qu'un petit groupe animé par quatre députés, dont Robespierre.

En fait, cette scission entérine le clivage, au sein de la Constituante, entre « démocrates » et « conservateurs ». Ces derniers, soucieux de terminer la Révolution et de consolider la monarchie constitutionnelle, veulent renforcer les pouvoirs du roi et restreindre le droit de suffrage. Sur ces derniers points, les feuillants l'emportent, en faisant inscrire dans la Constitution révisée durant l'été 1791 le droit de grâce pour le roi et l'élévation du cens électoral.

Mais cette victoire est de courte durée. Tandis que la menace étrangère, avec la déclaration de Pillnitz, et la crise religieuse relancent le mouvement populaire, les clubs de province restent massivement affiliés aux jacobins, et ne rallient pas les feuillants. À l'automne 1791, lorsque se réunit la Législative, composée d'hommes neufs (les députés de la Constituante n'étant pas rééligibles), nombre de scissionnistes prestigieux ont quitté les feuillants, et, même si 264 des nouveaux représentants sont inscrits à ce club, la politique révolutionnaire se fait alors moins à l'Assemblée qu'aux jacobins et dans les sociétés populaires. Avec la marche vers la guerre, les feuillants n'apparaissent plus que comme un groupe divisé - les « fayettistes », au contraire des triumvirs, appuient la politique belliciste de Brissot -, sans autre programme que la Constitution, et menant une politique de couloirs. Le remplacement du ministère feuillant, par un ministère jacobin, en mars 1792, marque l'échec de sa politique de collaboration avec le roi, qui continue à mener double jeu. Malgré un second ministère feuillant, formé le 13 juin, après le renvoi par le roi des ministres girondins, les feuillants, sans influence et discrédités, ne peuvent empêcher la chute de la monarchie, à laquelle leur club ne survit pas.

février 1934 (journée du 6),

émeute parisienne qui provoque l'une des crises politiques les plus graves qu'a connue la IIIe République, et qui suscite des interrogations, aujourd'hui encore, quant à l'existence, dans les années trente, d'un fascisme français.

Les prémices.

• Depuis le mois de janvier 1934, l'Action française, puis d'autres ligues d'extrême droite - les Jeunesses patriotes, la Solidarité française - s'ingénient à transformer en crise de régime l'affaire Stavisky, escroquerie couverte par le Crédit municipal de Bayonne et par le député radical de cette ville. Dans cette affaire, les personnalités corrompues sont peu nombreuses, mais la presse et les mouvements d'extrême droite tentent de faire accroire que l'ensemble du Parti radical est compromis. Maintes fois, le slogan « À bas les voleurs ! » est scandé sur le boulevard Saint-Germain ou les Champs-Élysées. Par ailleurs, les journaux s'interrogent sur le mystérieux suicide de Stavisky. Accusé par l'Action française d'avoir fait assassiner le banquier escroc, le président du Conseil Camille Chautemps démissionne le 28 janvier, deux mois seulement après son investiture. Pour le remplacer, le président Lebrun appelle Édouard Daladier, réputé pour son intégrité et pour son énergie. Le nouveau président du Conseil forme, le 30 janvier, un gouvernement radical ouvert au centre, et décide, le 3 février, de limoger le préfet de police Jean Chiappe, jugé trop indulgent envers les ligues. Cette sanction soulève les protestations de la droite à la Chambre et, surtout, redouble la contestation des ligues.