Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

sel. (suite)

L'exploitation des sources salantes nécessite une plus grande ingéniosité ; elle se situe dans les Trois-Évêchés, en Lorraine et en Franche-Comté. À partir de la fin du XVIIe siècle, elle permet d'augmenter la production nationale. La saumure, ou muire, est extraite en augmentant le débit d'eau par le creusement d'un puits, et est emportée seau par seau à la saunerie ; là, les poêles cuisent la solution afin d'en dégager le sel. Le bâtiment de graduation, inventé vers 1550, concentre la saumure de 3 à 4 degrés supplémentaires, à l'aide du soleil et du vent. Des roues à godets la hissent au sommet, d'où elle s'écoule sur de la paille - puis sur des épines, au XVIIIe siècle -, pour être recueillie dans un bassin. L'opération, répétée plusieurs fois, permet une cuisson plus efficace. La saunerie d'Arc-et-Senans, bâtie par l'architecte Claude-Nicolas Ledoux en 1775, est l'exemple de cette technique, déjà industrielle. Afin de remédier au déclin de la salinité de la source et à l'épuisement des ressources de bois, on transfère la Grande Saunerie de Salins sur un plateau ensoleillé, près de la forêt de Chaux. Mais la production n'atteint que la moitié du niveau escompté. C'est seulement avec la substitution du charbon au bois, à la fin du XVIIIe siècle, que le problème de l'énergie sera résolu.

La majesté monumentale d'Arc-et-Senans représente l'absolutisme triomphant. Mais elle contraste avec l'inefficacité de la gabelle. Peu rentable et décriée dans les cahiers de doléances de 1789, cette taxe est supprimée en 1790, ce qui contribue à la banalisation du condiment.

Semaine sanglante,

semaine du 21 au 28 mai 1871 au cours de laquelle les troupes envoyées par le gouvernement (qui siège à Versailles) reconquièrent Paris insurgé depuis le 18 mars, mettant fin à la Commune.

Après avoir repris les forts de Vanves et d'Issy, les troupes versaillaises, fortes de 130 000 hommes, commencent à bombarder Paris le 20 mai, où elles entrent le lendemain vers 18 heures par les portes du Point-du-Jour et de Saint-Cloud. La Commune ne peut aligner que 40 000 gardes nationaux, mal équipés, indisciplinés et non mobilisables en même temps. Charles Delescluze, alors délégué à la Guerre, contribue à la désorganisation de la résistance par son appel dramatique du 22 mai (« Assez de militarisme... Place au peuple, aux combattants aux bras nus. La guerre révolutionnaire a sonné ! »). De nombreux fédérés se terrent, cherchant à échapper à la répression, tandis que les plus résolus se bornent à défendre leurs quartiers en hérissant des barricades, souvent fragiles, médiocrement armées, aisément contournables.

Les assaillants progressent lentement, par crainte des mines ou des tireurs embusqués ; il leur faut trois jours pour occuper la partie occidentale de Paris, où la résistance est faible. En outre, ils sont ralentis par les incendies qu'allument les communards dès le 23 mai, incendies qui ont pour cause des nécessités stratégiques mais aussi une volonté de détruire des édifices emblématiques de l'ancien pouvoir impérial et de l'État : les Tuileries, le Palais-Royal, le Palais de justice, l'Hôtel de Ville, la Préfecture de police sont ainsi la proie des flammes. L'armée versaillaise met aussi à profit sa lenteur pour ratisser toutes les rues de la capitale et arrêter de nombreux suspects, fusillés sans jugement dès le 22 mai. La Commune réplique en mettant à mort 74 otages, parmi lesquels Mgr Darboy, archevêque de Paris. Le 24 mai, les troupes gouvernementales reprennent la butte Montmartre et la montagne Sainte-Geneviève, mais le lendemain, elles se heurtent à une forte résistance dans les arrondissements ouvriers, défendus sur la ligne du canal Saint-Martin. Les bastions sont enlevés un à un, au prix de combats acharnés, et bientôt ne subsistent que des poches de résistance aux Buttes-Chaumont, au cimetière du Père-Lachaise, où les derniers combattants sont fusillés dans la nuit du 27 mai (le long du mur appelé, depuis lors, « des Fédérés »), et à Belleville, dont l'ultime barricade est prise d'assaut le 28 mai, vers 15 heures.

Les combats firent 877 tués et 181 disparus parmi les forces de l'ordre et environ 3 000 chez leurs adversaires. La répression fut terrible : entre 17 000 et 25 000 communards ou simples suspects furent victimes d'exécutions sommaires, les massacres, couverts par le haut commandement, s'étant poursuivis la semaine suivante. Il faut ajouter à ce bilan la destruction d'une part importante du patrimoine architectural et culturel de Paris (les archives de la ville et du département ont brûlé ainsi que 200 000 ouvrages des bibliothèques du Louvre et de l'Hôtel de ville).

Semblançay (Jacques de Beaune, baron de),

financier de la couronne (Tours, vers 1445 - Montfaucon 1527).

Fils de Jean de Beaune, marchand drapier et bourgeois de Tours, et de Jeanne Binet, il s'enrichit en menant une double carrière de marchand et de banquier. Grâce à sa fortune et à ses talents, il va connaître une ascension sociale fulgurante : il est trésorier d'Anne de Bretagne à partir de 1491, général des Finances du Languedoc de 1495 à 1516, maire de Tours dès 1498, bailli et gouverneur de Touraine en 1516. En 1516, Louise de Savoie, dont il gère la fortune, l'élève au rang de baron, et François Ier lui confie en 1518 « la charge, la connaissance et l'intendance du fait et maniement de toutes nos dites finances tant ordinaires qu'extraordinaires ». Sa fortune est alors considérable : il fait agrandir ses hôtels de Tours et de Paris ; il achète des seigneuries... Harassé par le coût des guerres d'Italie, le roi le presse de fournir des subsides pour l'armée. Mais cela n'y suffit pas, et l'expédition italienne tourne court. Le tenant pour principal responsable de cet échec, le roi nomme, le 11 mars 1524, une commission chargée d'examiner ses comptes. Accusé de fraude et de malversation, il est exilé de la cour puis condamné à mort et pendu au gibet de Montfaucon, en août 1527. François Ier s'attribue tous ses biens. Les monarques français entrent dans une logique absolutiste : il ne faut pas paraître plus riche ou plus puissant que le roi.