Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
I

Indochine (guerre d'), (suite)

La mort de Staline, en février 1953, contribue à créer un nouveau climat international. Par ailleurs, le Viêt-minh, qui ne souhaite pas un soutien trop apparent des Chinois, est prêt à des concessions. En France, l'opinion manifeste de plus en plus son impatience. Les partisans de la guerre perdent de leur influence. En mai 1953, un Français sur cinq approuvait le principe de la guerre ; en décembre, moins d'un sur dix défend cet objectif. Plus de la moitié des Français souhaitent des négociations de paix, tandis que deux sur dix demandent un départ rapide de la péninsule.

En outre, la défaite de Diên Biên Phu vient aggraver la situation politique et militaire, et pousse à la négociation. Pour protéger le Laos menacé par les incursions du Viêt-minh, le commandement français a établi un camp retranché en pays thaï, à Diên Biên Phu. Ce camp fortifié rassemble 15 000 hommes dans une vallée peu accessible. Au cours de l'hiver 1953-1954, les troupes du Viêt-minh, installées sur les hauteurs et régulièrement ravitaillées, bombardent les positions françaises, qu'elles parviennent à isoler, puis à détruire. Le 7 mai 1954, la garnison française doit se rendre. Trois mille hommes sont morts dans les combats ; dix mille soldats sont faits prisonniers. C'est une défaite sans appel qui montre combien le Viêt-minh contrôle la situation et maîtrise les moyens militaires. Elle marque profondément l'opinion métropolitaine qui attend un arrêt des combats et impose, de ce fait, une solution internationale.

Depuis la fin du mois d'avril 1954 se tient à Genève une conférence internationale destiné à étudier les solutions possibles à la crise coréenne et à la guerre d'Indochine. Les négociations sont difficiles, car les éléments de l'échange sont complexes. La France souhaite dissocier les problèmes du Laos et du Cambodge de ceux du Viêt Nam. L'arrivée à la tête du gouvernement, le 18 juin, de Pierre Mendès France, connu pour son opposition à la guerre, accélère la négociation et permet d'aboutir à un compromis. En effet, les accords de Genève, signés dans la nuit du 20 au 21 juillet 1954, proclament l'indépendance et l'unité du Laos et du Cambodge. Toutes les forces militaires étrangères doivent les évacuer dans un délai de trois et quatre mois. Le Viêt Nam est provisoirement divisé selon la limite du 17e parallèle. Dans un délai de deux ans, des élections libres, organisées sous contrôle international, doivent permettre de réunifier le pays. La Fédération indochinoise est dissoute ; les États indépendants qui le souhaitent peuvent conclure des accords bilatéraux. La France se retire rapidement de la péninsule.

La guerre d'Indochine se solde par un bilan fort lourd. Le coût humain est très élevé : peut-être 400 à 500 000 morts civils et militaires pour les deux camps, dont plus de 90 000 morts et de 110 000 blessés pour la France et ses alliés. Celle-ci a supporté une charge financière évaluée au triple de l'aide apportée par le plan Marshall. Mais c'est certainement le coût politique qui se révèle le plus sévère. L'Union française, timide tentative de décolonisation progressive, s'est brisée en Indochine. La guerre laisse une profonde amertume chez les combattants, tandis que la majorité des politiques ne semble pas comprendre le processus de décolonisation. Le conflit avive donc les tensions entre la métropole et les peuples colonisés, et contribue à radicaliser les positions.

Pour les États de la péninsule, le coût est également fort élevé, car la guerre coloniale a entraîné son cortège de morts et de blessés. Surtout, ces pays ont vécu une véritable guerre civile à laquelle les accords de Genève ne mettent qu'un terme provisoire.

Indochine française,

nom donné aux anciennes possessions françaises de la partie orientale de la péninsule indochinoise, intégrées à l'empire colonial dans les dernières décennies du XIXe siècle.

Les débuts de l'installation française.

• La présence missionnaire française en Indochine, qui va constituer l'avant-garde de l'implantation coloniale, remonte au XVIIe siècle : Le jésuite Alexandre de Rhodes (1591-1660) fait alors d'assez nombreuses conversions et met au point un système d'écriture romanisée de la langue vietnamienne (Quoc-ngû). A la fin du XVIIIe siècle, un autre missionnaire, Mgr Pigneau de Béhaine, installé en Cochinchine, s'immisce dans les affaires politiques du Viêt Nam et apporte son soutien à un prétendant au trône : la dynastie des Nguyên est ainsi fondée en 1802. Les empereurs Nguyên (Gia Long, Thieu Tri et Minh Mang) ne s'orientent pas moins vers une politique de persécution des chrétiens, qui fournit le prétexte de l'intervention française. En effet, alors que Louis-Philippe était resté peu sensible aux appels des milieux catholiques, Napoléon III ordonne en 1858 à l'amiral Rigault de Genouilly de procéder à une démonstration navale, afin de contraindre l'empereur Tu Duc (1847-1883) à traiter sur la question de la liberté religieuse. L'amiral bombarde le port de Tourane (Da Nang), puis gagne la Cochinchine (Nam Ky), imaginant d'affamer l'Annam en s'assurant le contrôle de ce delta rizicole. Laissée dans les murs de Saigon, une garnison française y subit de furieux assauts des troupes annamites (mars 1860-février 1861), avant d'être dégagée par l'arrivée de l'escadre Charner. Tu -Duc se résigne alors à entrer en pourparlers. Par un accord signé à Huê le 5 juin 1862, il octroie aux Français beaucoup plus que ceux-ci ne demandaient : outre la reconnaissance de la liberté religieuse et de franchises commerciales, il leur cède les trois provinces cochinchinoises de Gia Dinh (Saigon), Biên Hoa et My Tho. Suit une période d'atermoiements : Tu Duc souhaite revenir sur les concessions hâtives de ses plénipotentiaires, et les dirigeants français hésitent à prendre possession d'un territoire en Extrême-Orient. Finalement, sous la pression des milieux catholiques, Napoléon III consent à ratifier le traité de Huê en 1865.

La France se retrouve alors en possession d'une partie du territoire de la Cochinchine sans avoir jamais entretenu le moindre projet colonial dans cette région. Après divers tâtonnements, l'amiral La Grandière, gouverneur de 1863 à 1868, divise le territoire en districts, et met en place une administration efficace, confiée à des officiers de marine formés au collège des stagiaires de Saigon. En 1867, La Grandière annexe d'autorité les trois provinces méridionales de la Cochinchine (Vinh Long, Ha Tiên et Chau Doc). Il fait de l'ensemble une colonie prospère. Auparavant, il a envoyé le marin Ernest Doudart de Lagrée auprès de Norodom Ier, roi du Cambodge, dont l'indépendance est alors très menacée par les convoitises du Siam. Après diverses péripéties, Norodom Ier a signé en août 1863 le traité d'Oudong, plaçant son pays sous protectorat français. Napoléon III laisse donc derrière lui un solide établissement français en Indochine.