Napoléon Ier. (suite)
Galvanisée par l'écroulement du mythe de l'invincibilité napoléonienne, l'Europe se soulève : parti de Prusse, le mouvement gagne l'ensemble de l'Allemagne, puis la Hollande ; chassés de la péninsule Ibérique par Wellington, les Français voient également s'effondrer leur domination sur l'Italie. Au début de 1814, l'invasion du territoire français est devenue inéluctable. Napoléon y livre sa dernière campagne, brillante mais inutile. La crise économique, le poids devenu trop lourd de la conscription et les difficultés religieuses nées de l'arrestation du pape lui ont aliéné la plus grande partie de l'opinion. Le complot fomenté par le général Malet en 1812 a révélé la fragilité de son pouvoir.
L'Empereur abdique le 6 avril 1814. Le traité de Fontainebleau lui attribue la souveraineté de l'île d'Elbe. Il tente un impossible retour en mars 1815, qui ne dure que cent jours et s'achève par la défaite de Waterloo, le 18 juin 1815. Il est condamné à une nouvelle abdication.
La légende napoléonienne
Napoléon livre sa dernière bataille à Sainte-Hélène, une île de l'Atlantique où, exilé, il subit les vexations du gouverneur anglais Hudson Lowe. Il meurt le 5 mai 1821, après avoir dicté à Las Cases ses mémoires, publiés en 1823 sous le nom de Mémorial de Sainte-Hélène. L'ouvrage, qui révèle les conditions de sa captivité et la surveillance mesquine dont il a fait l'objet, émeut l'opinion. De grands écrivains (Hugo, Balzac, Stendhal) s'enflamment devant le destin d'un homme qui, après avoir dominé le monde, en est réduit à finir ses jours sur une île lointaine. Un tel destin ne rappelle-t-il pas Prométhée enchaîné à son rocher ? Cette dimension mythologique, qu'avive le souvenir des campagnes militaires, prend d'autant plus de relief que les années de Restauration paraissent, en comparaison, médiocres aux contemporains. L'illusion rétrospective joue un rôle non négligeable : avec le recul des années, Napoléon, qui s'érige dans le Mémorial en défenseur des idées libérales et du principe des nationalités, apparaît comme le champion des grands principes de la Révolution. La légende noire de l'ogre corse s'efface devant la légende dorée. En 1840, Louis-Philippe fait décider le retour des cendres de Napoléon. Celui-ci repose désormais aux Invalides. C'est devant son tombeau que, vers 1880, Barrès invite la jeunesse de l'époque à préparer la revanche sur l'Allemagne. « Vivant, notait Chateaubriand, il a manqué le monde, mort, il le possède. »