nom donné à un protocole d'accord établi par les représentants des patrons (conduits par Paul Huvelin, alors président du CNPF) et ceux des centrales syndicales sous l'égide du gouvernement le 27 mai 1968.
Face à la crise sociale qui paralyse la France, et après que le général de Gaulle eut tenté de lui apporter une réponse politique - celle d'un référendum, annoncé le 24 mai 1968 -, le Premier ministre Georges Pompidou choisit la voie - classique - de la négociation avec les syndicats, qui est menée au ministère du Travail, rue de Grenelle. Il s'agit de mettre fin à un conflit dont nul ne sait où il va, et qui risque de fragiliser la représentativité des partenaires sociaux. Mais, si tous tombent d'accord sur la nécessité d'abréger la crise, les analyses de la situation et les revendications diffèrent selon les centrales syndicales : la CGT, inquiète devant une éventuelle dérive gauchiste du mouvement, met en avant des revendications traditionnelles, portant sur la durée du temps de travail ou des augmentations de salaire. Fidèle aux mots d'ordre qualitatifs promus depuis sa création en novembre 1964, la CFDT privilégie quant à elle les rapports au sein de l'entreprise et les possibilités d'expression à la base.
À l'aube du 27 mai, entouré de ses principaux conseillers Édouard Balladur et Jacques Chirac, Georges Pompidou énonce des propositions : augmentation du SMIG de 35 %, relèvement des salaires de 10 %, paiement à 50 % des jours de grève, réduction d'une heure, avant la fin du cinquième plan, de la durée hebdomadaire du travail, diminution du ticket modérateur de la Sécurité sociale... Ces propositions, pour importantes qu'elles soient, sont naturellement insuffisantes pour la CFDT, qui souhaitait promouvoir, à l'occasion du conflit, de grandes réformes structurelles. Elles sont d'ailleurs mal accueillies par les grévistes : Georges Séguy en fait l'expérience, le 27 mai, lorsqu'il présente les résultats des pourparlers aux ouvriers de Renault. Expression du dépassement des syndicats par leur base, la poursuite des grèves marque également l'échec d'une réponse traditionnelle à un conflit dont chacun mesure alors la portée exceptionnelle. Dans une situation d'apparente vacance du pouvoir, la voie est ouverte pour une crise politique : c'est ce que pressentent les 30 000 manifestants réunis au stade Charléty, le soir du 27 mai, en présence de Pierre Mendès France, silencieux.
Toutefois, dans la première quinzaine de juin, le travail reprend dans la plupart des secteurs de l'économie. Ainsi, le 12, des négociations s'engagent à la Régie Renault entre la direction et les syndicats, sur la base du protocole de Grenelle. Le 16, elles aboutissent à un accord, approuvé le lendemain par une majorité de salariés, ce qui entraîne la reprise du travail.