Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Canada,

territoire de colonisation française, en Amérique du Nord, de 1608 à 1763.

Une lente colonisation.

• De longue date, le pays est occupé par des « nations » d'Amérindiens - Algonquins, Hurons, Micmacs, Iroquois, Inuits, etc. - aux rivalités farouches. L'arrivée des Européens modifie l'existence de ces quelque 300 000 chasseurs-pêcheurs qui ignorent l'usage du fer : ils sont chassés de leurs territoires, parfois massacrés, et décimés par les maladies que véhiculent les colons et les conquérants, mais aussi par les conflits armés avec ceux-ci. Si l'on excepte une plausible incursion des Vikings autour de l'an mil, les Blancs n'ont pris pied qu'à l'orée du XVIe siècle : le Vénitien Jean Cabot, pour le compte de l'Angleterre, en 1497 ; les Portugais, en 1500 et 1520 ; le Florentin Verrazzano, en 1524, pour le compte de la France ; Jacques Cartier, enfin, en 1534. Parti à la recherche du passage du nord-ouest vers la Chine, le Malouin découvre que le golfe du Saint-Laurent se prolonge par un fleuve à l'intérieur du Nouveau Monde ; il en prend possession au nom de François Ier, établit un fort à hauteur de la future ville de Québec, puis remonte jusqu'à Hocheloga (Montréal). En 1541-1542, Roberval tente, en vain, d'implanter une colonie. C'est seulement au début du XVIIe siècle que Du Gua de Monts réussit à établir un comptoir en Acadie, et que Samuel de Champlain fonde Québec (1608). Concédé par Richelieu en seigneurie à la Compagnie des Cent-Associés (1627), pour qu'il soit peuplé et que le commerce s'y développe, le territoire doit faire face à l'hostilité des colons anglais (prise de Québec en 1629) et des tribus iroquoises. L'impulsion est véritablement donnée par Colbert en 1663 : dotant la Nouvelle-France d'un statut de colonie royale, il envoie l'intendant Jean Talon y organiser l'administration. Grâce à une politique volontariste et à l'arrivée de Poitevins, Vendéens ou Angevins en Acadie, la population coloniale passe de moins de 2 500 personnes en 1660, à plus de 10 000 en 1685. Dans le même temps, la pacification s'achève avec la « grande paix » de Montréal, qui met fin aux guerres iroquoises (1701). La Nouvelle-France voit alors ses terres mises en valeur, son commerce de fourrures prospérer à partir de Montréal (fondée en 1642), et ses activités de pêche morutière et baleinière se développer depuis Terre-Neuve.

Le Canada, entre la France et l'Angleterre.

• À la fin du XVIIe siècle, la Nouvelle-France constitue un immense arc de cercle de l'Atlantique nord au golfe du Mexique (des colons menés par Cavelier de La Salle ont descendu le Mississippi en 1682, et pris possession de ses rives qu'ils baptisent « Louisiane »). Territoire immense, faiblement peuplé (les Français n'occupent vraiment que la vallée du Saint-Laurent et l'Acadie), et donc difficile à défendre, mais qui gêne l'expansion des colonies britanniques vers l'ouest : la « belle province » devient ainsi un enjeu majeur des conflits franco-anglais. En 1713, le traité d'Utrecht, qui clôt la guerre de la Succession d'Espagne, enlève à la France la baie d'Hudson, l'Acadie et Terre-Neuve (à l'exception des îles Saint-Jean et Royale).

En 1754, les Français sont 60 000, concentrés sur les rives du Saint-Laurent (6 000 à Québec, 4 000 à Montréal). En dépit de leur grande vitalité démographique, la faiblesse de l'immigration ne leur donne guère de poids face au million et demi de Britanniques que comptent les treize colonies américaines. En outre, la suprématie de la Royal Navy rend le Canada vulnérable. Avant même qu'éclate en Europe la guerre de Sept Ans (1756-1763), les Français repoussent en 1754 les colons britanniques qui cherchent à prendre possession de la vallée de l'Ohio. Par représailles, les Acadiens sont déportés : c'est le « grand dérangement » de 1755. Les troupes françaises du marquis de Montcalm de Saint-Véran sont bientôt défaites, et, après Louisbourg (1758) et Québec (1759), Montréal tombe (1760). À la suite de la capitulation, le traité de Paris, en 1763, consacre la perte du Canada (et de la Louisiane), après un siècle et demi de présence coloniale.

Reste une population francophone, catholique, attachée à sa culture, que les Anglais ménagent dans un premier temps, au moment où la révolte gronde dans les treize colonies américaines. De fait, les Canadiens français demeurent indifférents face à la révolution de 1776. Parallèlement, la région des lacs Érié et Ontario voit affluer les colons « loyalistes ». Ainsi, après l'indépendance américaine, l'Angleterre conserve ses colonies du Nord, divisées, en 1791, en un Haut-Canada, anglophone, et un Bas-Canada, francophone, ancêtre de l'actuel Québec. La question de la coexistence entre ces deux communautés est alors posée. Deux siècles plus tard, même si le pays est souverain depuis 1933, la fracture culturelle demeure, et nombre de Québécois aspirent encore à la souveraineté, comme l'exprime l'échec - de justesse - du référendum en 1996.

Canard enchaîné (le),

hebdomadaire satirique fondé par Maurice Maréchal le 10 septembre 1915.

Tout en reprenant le titre d'une feuille du front (celle du 74e régiment d'infanterie), le journal rappelle l'Homme enchaîné de Clemenceau. Les débuts, difficiles, sont soutenus par l'Œuvre. Dès la levée de la censure de guerre (13 octobre 1919), le Canard devient déchaîné, puis retrouve son ancien titre le 6 mai 1920. Objectif premier de la rédaction : assurer son indépendance face aux milieux politiques et financiers : « Le Canard enchaîné est le seul en ce pays qui puisse dire réellement tout ce qu'il pense, parce qu'il est le seul journal français qui n'insère pas de publicité... Pas de fil à la patte », proclame Maréchal en 1923. Partisan d'un « pacifisme intégral » au moment de Munich, le Canard cesse de paraître le 8 mai 1940. Après la mort de Maréchal, le titre reparaît en 1944, à l'initiative de sa veuve qui regroupe l'ancienne équipe autour de H. Tréno (pseudonyme d'Ernest Reynaud). Depuis 1967, il est la propriété de ses rédacteurs associés en coopérative journalistique.