Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
H

Hugo (suite)

Somme toute, au-delà d'innombrables contradictions - l'antisémitisme originel fut « hugophile », le marxisme « hugophobe » à ses débuts, et les catholiques toujours divisés -, Hugo renaît dans les moments d'« union de la gauche » : en 1880-1885, lors du Front populaire, pendant la Résistance et quelques années après, à la fin des années soixante. Ce n'est pas sans raison que son nom cristallise l'idée d'une démocratie inspirée, libertaire, complète - politique, sociale et humaine (sans peine de mort, pour commencer) -, et que sa figure - personnage historique, mythe et œuvre mêlés - trouve son plein rendement historique lorsque l'Histoire, venue d'en bas, porte la République au-delà d'elle-même.

huguenots,

terme dont l'étymologie est controversée, et qui désigne les réformés français de tradition calviniste.

Il apparaît à Genève en 1536 sous la forme de anguenotz, déformation de l'allemand Eidgenossen (signifiant « fédérés »). Il désigne alors les Genevois, partisans de l'alliance avec les Bernois, et qui ont obtenu l'indépendance de leur cité-État sous le signe de la Réformation. En France, il est introduit à l'occasion de la conspiration d'Amboise (mars 1560), à laquelle participent de nombreux réfugiés français de Genève. En outre, les conjurés soutiennent les Bourbons (lignée à laquelle appartient le futur Henri IV), premiers princes de sang descendants d'Hugues Capet, s'opposant aux Guises, qui invoquent leur ascendance carolingienne. Le terme « huguenots » désignerait alors non seulement les réformés d'obédience calviniste mais aussi un parti organisé rejetant la tyrannie catholique. L'appellation recoupe également un sobriquet affublant les créatures du folklorique roi Hugon, spectre censé hanter de nuit les rues de Tours, près d'Amboise. En revanche, l'origine grecque (eugnôstès, « ceux qui connaissent bien », sous-entendu l'Évangile [Béroalde de Verville, 1610]) est douteuse.

La connotation du mot « huguenots » a évolué. Les catholiques sont les premiers à l'employer, avec le sens péjoratif d'« étrangers ». Mais, bientôt, les calvinistes se l'approprient, de manière emblématique. Au XVIIe siècle, « huguenots » disparaît au profit de « religionnaires ». Mais, à la suite de la révocation de l'édit de Nantes (1685), les exilés français en usent pour se différencier des protestants autochtones. Aujourd'hui encore, la croix huguenote est un bijou marquant une appartenance au protestantisme historique.

Hugues Ier Capet,

duc des Francs de 956 à 987, puis roi des Francs de 987 à 996, fondateur de la dynastie des Capétiens (vers 940 - Saint-Denis 996).

Hugues appartient à la grande famille des Robertiens, qui domine la Francie durant tout le Xe siècle, et au sein de laquelle ont déjà été choisis deux rois (Eudes en 888 et Robert en 922). En 956, son père, Hugues le Grand, meurt ; certains grands vassaux (les comtes de Blois et d'Anjou) profitent alors de sa minorité pour s'émanciper de sa tutelle. Il est toutefois le prince le plus puissant du royaume, plus puissant que le roi lui-même : il dispose d'un vaste patrimoine entre Paris et Orléans, possède une dizaine de comtés (Paris, Senlis, Orléans, Dreux...), et compte de nombreux vassaux. En outre, il contrôle plusieurs grandes abbayes, telles Saint-Denis, Fleury ou Saint-Martin de Tours, à laquelle il doit peut être son surnom de « Capet », en référence à la capa, le manteau de saint Martin. De plus, il compte parmi ses parents les ducs de Bourgogne, de Normandie et d'Aquitaine, ainsi que les souverains germaniques.

En 987, la mort du roi carolingien Louis V sans héritier direct est suivie d'une substitution dynastique en faveur d'Hugues Capet, due à l'initiative de l'archevêque de Reims, Adalbéron (vers 925-988). En effet, depuis le IXe siècle, l'Église de Reims et son archevêque constituent les principaux soutiens de la royauté carolingienne. Cependant, les tentatives du roi Louis V pour conquérir la Lorraine germanique et l'intégrer au royaume de Francie lui ont aliéné l'archevêque Adalbéron. Ce dernier est demeuré très lié aux grandes familles de l'aristocratie lorraine, dont il est issu, et très sensible au prestige de la dynastie impériale des Ottons. C'est pourquoi il incite Hugues Capet, que ses liens de parenté avec les Ottons rendent réticent à l'aventure lorraine, et qui dispose d'une prééminence certaine au sein de l'aristocratie, à accepter la royauté. Le 1er juin 987, après un discours d'Adalbéron, Hugues est élu roi lors d'une assemblée aristocratique tenue à Senlis. Le 3 juillet, il est sacré par l'archevêque dans la cathédrale de Noyon. Après la mort du dernier prétendant carolingien, le duc Charles de Basse-Lorraine, en 991, la royauté d'Hugues est définitivement établie. Son élection a sanctionné une situation de fait : le transfert de la puissance du roi carolingien au duc des Francs, reconnu et accepté par les puissants et par l'Église. Mais, dès la Noël 987, le couronnement et le sacre de son fils Robert II le Pieux, à Orléans, restaurent le principe héréditaire et marquent le début d'une nouvelle dynastie. Même si Hugues, avec la royauté, a reçu les domaines royaux des vallées de l'Aisne et de l'Oise et un certain contrôle sur les provinces ecclésiastiques de Reims et de Sens, ce changement dynastique n'a pas renforcé la royauté face aux princes. En effet, le rayonnement du Capétien est très faible au sud de la Loire, et sa puissance en Francie, très vite menacée par le duc de Blois. Avant comme après 987, et jusqu'au XIIe siècle, le roi demeure un prince parmi les princes.

Hugues de Die,

religieux, défenseur zélé de l'indépendance de l'Église à l'égard des pouvoirs séculiers (Romans, vers 1040 - Suze 1106).

Chanoine à Romans, puis chambrier du chapitre de Lyon, Hugues devient évêque de Die en 1073, après la déposition de son prédécesseur pour simonie. Dès 1075, il est l'un des légats les plus actifs qui sont chargés par le pape Grégoire VII de diffuser la réforme grégorienne. Il intervient essentiellement dans les vallées du Rhône et de la Saône, et dans la province de Reims. Au concile de 1077, il promulgue le décret de Grégoire VII qui condamne l'investiture laïque, et fait suspendre de nombreux évêques. Il met fin à l'épiscopat de Manassès de Reims, coupable de simonie (1080), et se heurte au roi, Philippe Ier, pour la désignation de l'évêque de Soissons. Son intransigeance le conduit à adopter des mesures brutales, et le pape ne soutient pas toujours ses décisions. En 1082, Hugues est élu archevêque de Lyon (alors en Terre d'Empire), poste important auquel, depuis 1079, s'attache le titre de « primat des Gaules ». Déçu dans ses ambitions de succéder à Grégoire VII en 1085, il entre en conflit avec le pape Victor III. À nouveau légat vers 1093-1094, il condamne Philippe Ier pour adultère au concile d'Autun en 1094, et participe au concile de Clermont en 1095. L'année suivante, le pape Urbain II, qui n'apprécie pas toujours ses positions, restreint ses prérogatives à la province lyonnaise. La rigueur dont fait preuve Hugues de Die l'oppose au canoniste Yves de Chartres, qui tente de trouver un compromis pour mettre fin à la querelle des Investitures. Hugues de Die s'intéresse à la vie monastique, intervient pour faciliter l'installation de Bruno à la Grande-Chartreuse (1084), et accorde à Robert de Molesmes l'autorisation de fonder Cîteaux (1098).