Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
D

droit romain, (suite)

Les effets de la diffusion du droit romain.

• Cette diffusion assure tout d'abord le renouveau du droit public, qui définit strictement les prérogatives de l'État, et sert ainsi de fondement à l'affermissement des pouvoirs princiers et royaux à partir du XIIIe siècle, aux dépens des juridictions privées. De plus, l'adoption de la procédure inquisitoire, procédure pénale d'origine romaine, confère à la puissance publique l'initiative de l'enquête et du jugement. De même, la promotion de la théorie de l'exemplarité des peines fait de la justice la garante de l'ordre public, et non plus seulement l'instance de règlement de contentieux privés. Par ailleurs, la définition du crime de majesté (« crime contre l'État », dans l'Antiquité romaine) est étendue, dès le XIIIe siècle, à tout attentat contre la personne du roi, et, rapidement, aux crimes blasphématoires (sacrilège, hérésie, sorcellerie). Cette confusion volontaire renforce l'autorité de la monarchie sacrée.

Le droit romain modifie également certaines pratiques du droit privé, notamment dans les régions méridionales. Ainsi, à partir du XIIe siècle, il est à l'origine de la diffusion du testament, et contribue à affermir l'autorité paternelle et maritale aux dépens des enfants, et surtout de l'épouse, dont la situation économique et sociale se détériore considérablement à partir du XIIIe siècle. Enfin, la propagation du droit romain favorise l'essor du notariat dans le Midi, et du monde des juristes dans tout le royaume. Aux XIVe et XVe siècles, les juristes formés aux universités d'Orléans, de Montpellier ou de Toulouse sont de plus en plus nombreux à siéger dans les cours juridictionnelles et à conseiller les princes et le roi.

Ainsi, la redécouverte et la diffusion du droit romain contribuent à la naissance de l'État moderne et de la « monarchie administrative ».

droite

À l'époque révolutionnaire, le mot « droite », dans son usage politique, appartient au seul vocabulaire parlementaire - désignant le côté droit de l'Assemblée, où siègent les adversaires de la Révolution. Progressivement, les termes de « droite » et de « gauche » en sont venus à désigner en France (puis dans bien d'autres pays) les deux grandes tendances opposées de l'opinion.

Après 1820, avec l'opposition frontale entre ultras et libéraux, l'emploi du mot « droite » devient plus courant. Mais, associée à l'idée d'opposition antirépublicaine, l'appellation acquiert une connotation péjorative et cesse d'être revendiquée au XXe siècle par les « modérés ». Les gaullistes refusent d'être classés à droite. C'est dans la lutte, durant les années quatre-vingt, contre la gauche au pouvoir que l'identité de droite est à nouveau assez volontiers assumée.

Les droites du xixe siècle

En 1954, l'historien René Rémond a identifié trois courants distincts dans la droite française. Usant d'une terminologie empruntée au XIXe siècle, il les a baptisés « légitimiste », « orléaniste » et « bonapartiste ».

Légitimisme ou traditionalisme.

• Dès la fin de 1788, les « aristocrates », hostiles à l'égalité des droits, s'étaient dressés contre les « patriotes ». Ils se retrouvent à droite dans l'Assemblée constituante, et forment alors le noyau d'un parti contre-révolutionnaire. Ils sont à l'origine de l'ultraroyalisme de la Restauration. Presque toujours au pouvoir de 1820 à 1830, les ultras, qui se désignent eux-mêmes simplement comme « royalistes », s'inspirent des idées de Joseph de Maistre et Louis de Bonald. Jugeant la Révolution destructrice, déchaînée au nom d'une raison abstraite contre un ordre naturel et providentiel, ils souhaitent une restauration religieuse (l'Église catholique doit recouvrer son magistère spirituel), sociale (l'individualisme s'effacera devant les communautés hiérarchiques) et politique (Dieu a conféré la souveraineté au roi, qui gouverne sans être soumis à une Constitution écrite artificielle). Ce courant s'appuie sur des forces puissantes : majorité de la noblesse et du clergé ; fraction la plus conservatrice de la bourgeoisie ; classes populaires de certaines régions (les campagnes de l'Ouest, surtout) traumatisées par la Révolution. Mais il se heurte aussi à une vigoureuse opposition, et ses imprudences provoquent les journées de juillet 1830. Si elle perd alors - et définitivement - le pouvoir, cette tendance traditionaliste conserve une influence : jusqu'aux années 1880, en effet, les légitimistes (les « blancs ») restent une force politique importante, capable, en mai 1849 et février 1871, d'obtenir de bons résultats électoraux au suffrage universel. L'intransigeance du prétendant au trône, le comte de Chambord - qui refuse, avec le drapeau tricolore, la « société moderne » -, puis sa mort sans héritier direct, en 1883, provoquent cependant le déclin du parti.

Sa survie idéologique au cours des décennies suivantes n'en est que plus remarquable. La doctrine traditionaliste continue d'inspirer une partie du clergé et des fidèles. Le positivisme conservateur propagé par Taine et ses disciples lui apporte un fondement « scientifique ». C'est dans cette perspective que, vers 1900, Charles Maurras réalise la synthèse d'un légitimisme rénové et du nationalisme : la France n'échappera au déclin qu'en renonçant à la République, règne de l'étranger, pour revenir enfin à sa constitution naturelle, la monarchie héréditaire, catholique, décentralisée, corporative. Certes, l'Action française (ligue et journal) n'influence directement qu'une minorité aristocratique, intellectuelle et petite-bourgeoise, volontiers activiste. Mais plusieurs de ses thèmes sont familiers à nombre de catholiques militants, même ralliés à la République. Ainsi, au début du XXe siècle, le premier parti de masse de la droite française, l'Action libérale populaire, propage une version traditionaliste de la doctrine sociale de l'Église.

Orléanisme ou libéralisme conservateur.• 

À cette époque, cependant, les principales forces de droite sont ailleurs, et d'abord dans le courant libéral conservateur, héritier de l'« orléanisme ». Il trouve lui aussi son origine à la fin du XVIIIe siècle : dès 1789, des nobles éclairés et des membres du tiers état (les monarchiens), inquiets des excès populaires, ont souhaité un compromis « à l'anglaise » avec l'Ancien Régime. Ce libéralisme, méfiant à l'égard de la démocratie, se retrouve, nuancé, chez les feuillants après la fuite du roi, et chez nombre de républicains thermidoriens et de royalistes modérés à l'époque du Directoire. Sous la Restauration, les libéraux de toutes nuances (le parti « bleu », fidèle aux principes de 1789) s'unissent afin de contrer les tentatives de revanche des ultras : ils sont alors à gauche ou au centre gauche. La révolution de juillet 1830, avec l'avènement de Louis-Philippe d'Orléans, est leur victoire. Mais ils se divisent quant aux suites à lui donner. Ceux qui restent à gauche (le parti du Mouvement) souhaitent poursuivre le processus réformateur issu de 1789, tandis que la majorité des orléanistes (le parti de la Résistance) est désormais située à droite, et gouverne de 1831 à 1848. Ses théoriciens, tel Guizot, justifient l'avènement de la « classe moyenne » : ouverte aux ralliés venus de la noblesse comme aux capacités sorties du peuple, elle leur paraît être la plus apte à concevoir et à faire prévaloir l'intérêt général. Dans la pratique, la ploutocratie, symbolisée par un cens très restrictif, l'emporte sur la méritocratie. L'orléanisme conservateur s'appuie sur une partie de la noblesse libérale et, plus encore, sur toute une haute et moyenne bourgeoisie de la propriété foncière et des affaires. Ce système, fondé sur les notables, s'effondre néanmoins en février 1848. Confrontés au péril « démocratique et social », presque tous les orléanistes s'unissent aux légitimistes dans le parti de l'Ordre, sans pouvoir reprendre le contrôle de la situation. Leurs chefs sont condamnés à rejoindre l'opposition au début du Second Empire, alors que le gros de leurs troupes est séduit par ce régime, qui assure l'ordre et l'expansion économique. Mais lorsque l'Empire se libéralise, nombreux sont ceux qui, rassemblés dans le « tiers parti », sont prêts à se rallier à lui.