ecclésiastique et homme politique (Fréjus 1748 - Paris 1836).
Fils d'un receveur des droits royaux, Sieyès naît dans un milieu aux revenus modestes et d'une grande piété. Il est formé dans un collège de jésuites puis, à Draguignan, dans un établissement de la congrégation de la Doctrine chrétienne.
Un prélat au siècle des Lumières.
• Obéissant aux vœux de ses parents, il se prépare à la prêtrise et entre au séminaire parisien de Saint-Sulpice (1765), où il manifeste un grand appétit de connaissances, en digne enfant des Lumières. Il est ordonné prêtre (1772), avant de devenir le secrétaire de monsieur de Lubersac (1775), évêque de Tréguier. Chanoine de ce chapitre (1778), il n'en affiche pas moins son indifférence au service de Dieu, semblable en cela à bien des prêtres d'alors. En 1780, il suit Lubersac à Chartres, y devient vicaire général puis grand vicaire, tout en fréquentant les salons parisiens, où sont appréciés ses talents de causeur et sa vaste culture. Mais son ascension sociale est ralentie par ses origines roturières - une situation qui inspire ses réflexions sociopolitiques.
Le chef de file des constituants.
• Coopté par le clergé pour siéger à l'Assemblée provinciale de l'Orléanais (1787), Sieyès y défend en réalité la cause du peuple, et conserve cette ligne de conduite en tant que représentant du tiers état de Paris aux états généraux de 1789. Il arrive dans la nouvelle assemblée précédé de la popularité que lui a valu la publication, en janvier 1789, de son essai intitulé Qu'est-ce que le tiers état ? : il y rappelle que cet ordre, qui est tout dans la nation, n'est officiellement rien dans l'ordre politique et aspire à y devenir quelque chose. Il revendique donc le vote par tête aux états généraux réunis à Versailles, qu'il contribue à transformer en Assemblée constituante, tandis que ses idées influencent les rédacteurs de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Favorable à la souveraineté de la nation, il est opposé au droit de veto du roi mais soutient le principe du suffrage censitaire, garant des capacités du corps électoral, et celui du découpage de la France en départements. Il se montre méfiant à l'égard de l'insurrection urbaine et de la révolte des campagnes, ne concevant de révolution qu'accomplie au sein de l'Assemblée. Malgré son hostilité à la Constitution civile du clergé, il se tait, craignant d'être accusé de n'agir qu'au bénéfice de l'ordre dont il est issu. De plus en plus isolé, redoutant les excès de la Révolution, il se tient à l'écart après la dissolution de la Constituante.
Déclin et renaissance.
• Élu à la Convention, Sieyès siège au centre et vote la mort de Louis XVI. L'établissement de la dictature du Gouvernement révolutionnaire semble contraire à toutes ses attentes politiques : il ne s'est cependant jamais dressé contre Robespierre, et n'a pris aucune part aux événements de Thermidor. La nouvelle situation lui offre pourtant l'occasion de revenir au-devant de la scène : le 20 avril 1795, il est élu président de la Convention, sans parvenir pour autant à imposer ses vues lors de la rédaction de la Constitution de l'an III. Après avoir approuvé les coups d'État successifs du Directoire en tant que membre du Conseil des Cinq-Cents, il prépare avec Bonaparte le coup d'État du 18 brumaire, appelant de ses vœux un homme fort à la tête du gouvernement. Devenu lui-même membre du Directoire (mai 1799), il remet les pouvoirs au général, qui le nomme ensuite consul provisoire. La nouvelle Constitution est en partie son œuvre, notamment le suffrage restreint et le partage du pouvoir législatif entre deux Chambres. Sieyès ne joue plus ensuite aucun rôle politique, bien qu'il soit président du Sénat. Il est fait comte de l'Empire (1808) et pair de France (1815). Exilé en Belgique au début de la seconde Restauration, il rentre en France à la suite de la révolution de 1830.