Meaux (cercle, cénacle ou groupe de), (suite)
Prélat gallican, proche de la cour et des milieux humanistes, Briçonnet, nommé à Meaux en 1516, entreprend, à partir de 1518, de réformer son diocèse conformément aux aspirations de l' humanisme chrétien. Il s'efforce d'abord de restaurer la discipline au sein du clergé, rappelant les moines au respect de la règle, et les curés à l'obligation de résidence. Mais il s'attache tout particulièrement à la prédication en direction des fidèles. En butte aux résistances du clergé local, il fait appel en 1521 à un groupe de prédicateurs rassemblés autour de Lefèvre d'Étaples (Gérard Roussel, Martial Masurier, François Vatable, Michel d'Arande, Guillaume Farel, Pierre Caroli, Jacques Pauvan), à qui il confie la tâche de « connaître l'Évangile, suivre l'Évangile, et faire connaître partout l'Évangile ». Tandis qu'une trentaine de prédicateurs quadrillent le diocèse, des innovations sont introduites dans la liturgie : le culte des images est épuré, des traductions françaises de la Bible sont mises à la portée des fidèles.
Mais, très rapidement, et malgré la protection de François Ier et surtout de sa sœur, Marguerite d'Angoulême, elle-même acquise aux thèses évangélistes, le groupe de Meaux est la cible des attaques de la Sorbonne et du Parlement, gardiens sourcilleux de la tradition, qui confondent dans la même réprobation « évangélistes » et luthériens. Sans doute les « bibliens » de Meaux ont-ils en commun avec les luthériens l'importance accordée à l'Écriture ou la primauté de la foi sur les œuvres. Mais ils s'en séparent sur deux points cruciaux : l'eucharistie, où ils restent fidèles au dogme catholique de la transsubstantiation ; et l'Église, dont ils ne remettent pas en cause l'organisation.
Les protestations d'orthodoxie de Briçonnet, qui s'était séparé dès 1523 de Guillaume Farel, jugé trop proche des thèses luthériennes, ne désarment pas les milieux conservateurs hostiles. Profitant de la captivité de François Ier, le Parlement engage en 1525 des poursuites contre le groupe de Meaux : les traductions françaises de la Bible, dont les Epistres et Evangiles de Lefèvre, sont interdites. Menacés de « prise de corps », Lefèvre, Caroli et Masurier se réfugient à Strasbourg, tandis que Jacques Pauvan, accusé d'hérésie, finit sur un bûcher.
La dislocation du groupe de Meaux signe l'échec d'une réforme modérée, menée sous l'égide de l'Église gallicane et du pouvoir royal. Sommés de choisir entre la fidélité à l'orthodoxie romaine et la Réforme intégrale, ses membres se partagent : tandis que Briçonnet, Roussel, d'Arande et Masurier restent au sein de l'Église romaine, et que Farel et Caroli passent à la Réforme, Lefèvre, accueilli à Nérac par Marguerite d'Angoulême, persiste dans la voie étroite de l'évangélisme. Cet « éclectisme doctrinal », autant que les rigueurs des théologiens et des juges expliquent l'échec de l'expérience de Meaux, qui ne résiste pas à la radicalisation des positions au milieu des années 1520.