écrivain genevois d'expression française (Genève 1712 - Ermenonville, Oise, 1778).
Sa vie autant que son œuvre, en décalage par rapport aux modèles sociaux et littéraires classiques, s'imposèrent à travers l'Europe entière comme le signe d'une sensibilité nouvelle.
De la célébrité à l'exil.
• Fils d'un horloger genevois, Jean-Jacques perd sa mère à sa naissance et passe son enfance de pensions en apprentissages. En 1728, il abandonne Genève et le protestantisme, découvre l'amour avec Mme de Warens, à Chambéry puis aux Charmettes, et la sensualité du catholicisme. Supplanté par un rival auprès de Mme de Warens, il est condamné à une vie errante avant de devenir précepteur à Lyon, secrétaire à Paris, puis à Venise auprès de l'ambassadeur de France. Il tente à Paris une carrière musicale, fait jouer les Muses galantes (1745), puis le Devin de village (1752), prend parti pour la musique italienne dans la querelle des Bouffons. Il se lie alors avec Diderot, qui le charge de rédiger les articles musicaux de l'Encyclopédie. Allant visiter son ami, prisonnier au château de Vincennes, il aurait eu la révélation de tout son système : l'aliénation des hommes, qui font de la perfectibilité de l'espèce une chute vertigineuse dans l'égoïsme de la propriété, dans l'artifice de la technique et de l'art. Il développe cette intuition dans deux réponses à des concours académiques, le Discours sur les sciences et les arts (1750), qui le fait connaître, et le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755), qui lui assure un succès de scandale. En l'espace de quelques mois, il devient célèbre. Mais les milieux littéraires ont tendance à réduire à de brillants paradoxes ce qui constitue pour Rousseau un engagement vital. Se réconciliant avec Genève, dont il reprend le titre de citoyen, il abjure le catholicisme. Il marque de plus en plus ses distances par rapport au groupe encyclopédique, par rapport à Diderot lui-même. La rupture est consommée à propos de l'article « Genève » de l'Encyclopédie, rédigé par d'Alembert, qui attaque le refus du théâtre par les pasteurs genevois. Rousseau réplique par une Lettre à d'Alembert sur les spectacles (1758) : le théâtre serait illusion et mensonge, alors que la fête où chacun est à la fois acteur et spectateur scelle une communauté. Il donne coup sur coup un roman, Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761), et deux traités, Émile et Du contrat social (1762). Les trois œuvres se complètent dans une tension entre la politique, la pédagogie et la vie vécue. À l'aliénation des sociétés existantes, Rousseau oppose un même idéal qui s'exprime dans des modèles différents : Émile critique les modes d'éducation en vigueur et propose la formation d'un homme libre ; le Contrat social analyse une cité fondée sur la volonté générale ; Julie ou la Nouvelle Héloïse cherche dans une communauté réduite à quelques belles âmes une solution aux conflits entre le désir et l'ordre. Émile et le Contrat social s'attirant la condamnation des autorités françaises, Rousseau prend la fuite pour éviter l'arrestation. Il se réfugie à Môtiers-Travers, en Suisse, puis dans l'île de Saint-Pierre, sur le lac de Bienne, non sans essayer de répondre aux critiques et de justifier ses livres dans une Lettre à Christophe de Beaumont (archevêque de Paris, qui avait attaqué Émile, et en particulier la fameuse « Profession de foi du vicaire savoyard ») et des Lettres écrites de la montagne (réponse aux Lettres écrites de la campagne de Jean-Robert Tronchin, procureur à Genève, à l'origine de la condamnation des livres de Rousseau). À la suite d'une invitation lancée par Hume, l'illustre fugitif se rend en Angleterre, mais une brouille survient bientôt entre les deux hommes et le rend à sa vie errante.