Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Louis XIV (suite)

Cette politique menée au nom de Louis XIV engageait l'appareil gouvernemental : elle ne permet guère de deviner la personnalité réelle du roi, sinon son souci d'être strictement obéi, sa méfiance à l'égard du désordre, son refus du dialogue avec les autorités traditionnelles et son désir d'apparaître, à travers la guerre, comme un conquérant, un héros à l'antique.

Vie de cour et vie artistique.

• C'est là que Louis XIV se révèle peut-être le mieux. L'idée de développer autour de la personne et de la vie du roi une vie de cour aux règles strictes, qui, comme l'a bien remarqué Saint-Simon, consistaient à donner de l'importance à des riens, a des origines très anciennes. Les Valois, surtout Henri III, avaient eu le désir d'établir une étiquette forte pour marquer la distance entre le monarque et ses courtisans. La présence en France de reines qui étaient des infantes espagnoles favorisa cette évolution qu'avaient retardée les guerres, civiles et étrangères, ainsi que les personnalités d'Henri IV et de Louis XIII. Louis XIV, au contraire, accorda toute son attention à cette vie sociale singulière qui allait finalement s'organiser selon un mécanisme immuable à Versailles, et qui allait permettre à l'univers entier de savoir à chaque instant ce que faisait le roi de France.

La vie de cour supposait une assiduité auprès du roi, surtout si le courtisan était titulaire d'une des innombrables charges de sa Maison qui donnaient à un grand seigneur des fonctions de domestique - en réalité il s'agissait surtout de superviser le travail des serviteurs royaux. Mais cette société, pour Louis XIV, devait être le lieu de toutes les délices ; s'il y avait un rituel, ce devait être celui de tous les plaisirs, ceux de la musique comme ceux du jeu, ceux du théâtre comme ceux de la chasse, ceux de la danse comme ceux de la table. Selon les périodes de sa vie, Louis XIV réussit plus ou moins bien à animer sa cour. Sa jeunesse laissa un souvenir de faste et de réjouissances, d'autant que le roi, peu fidèle, donnait alors l'exemple d'une vie amoureuse agitée, sinon libertine. Après de nombreuses maîtresses, plus ou moins connues, vint le tour de l'impérieuse, élégante et spirituelle marquise de Montespan, qui caractérisa bien cette jeunesse de la cour. Autour du monarque vivaient ses proches : Anne d'Autriche, que Louis XIV écarta des affaires, et qui mourut bientôt ; Marie-Thérèse, qui vécut dans l'ombre de son auguste mari ; le seul enfant du couple royal qui survécut, le dauphin - Monseigneur - et, plus tard, ses fils ; le frère du roi, Monsieur, et ses deux épouses successives. Toute la vie de cour était rythmée par la journée du roi : son lever, avec une hiérarchie stricte des « entrées » qui marquait le degré d'intimité avec le monarque ; la messe et son cortège de distinctions ; le souper ; le coucher enfin.

Comme la vie de cour était un moyen de se faire connaître du roi, elle était propice à une discrète mise au pas de la noblesse qui attendait de lui des faveurs. En restant loin du prince, à Paris ou en province, des lignages se fermaient la porte de la faveur royale, et se condamnaient parfois au déclin.

La même attitude s'imposa dans le domaine des arts, où Louis XIV, élève de Mazarin, n'oublia pas les leçons de l'Italien. L'art pouvait servir l'image du roi, qui, en retour, devait protéger et encourager les artistes. Le roi devait aussi être seul à l'origine des grandes créations. Enfin, il eut la même attitude à l'égard des institutions que nous appellerions « culturelles » : une protection éclatante, un désir d'illustration, une surveillance discrète. Louis XIV accepta d'être le protecteur de l'Académie française et il donna son avis sur le choix des futurs académiciens. De nouvelles académies furent instituées : l'Académie royale des inscriptions et médailles en 1663, l'Académie des sciences en 1666. Louis XIV était lui-même amateur de musique : dans sa jeunesse, il participa avec plaisir à des spectacles de ballet et favorisa la naissance de l'opéra français (la tragédie lyrique). Il surveilla aussi de près toutes les réalisations architecturales de son règne, et constitua de belles collections, surtout de tableaux. Il soutint Molière contre les dévots et attira près de lui Racine et Boileau.

La maturité

Même si la célébration officielle du roi et de sa gloire peut paraître outrée aujourd'hui, donc trompeuse, ne faut-il pas, néanmoins, deviner que la majorité des Français était sensible à une politique qui garantissait l'ordre à l'intérieur et donnait un grand prestige à la monarchie française ? Après la paix de Nimègue, l'élan acquis poussa Louis XIV à prendre des initiatives qui prolongeaient, en les durcissant, les orientations du début du règne, mais qui se révélèrent plus dangereuses.

La persécution des protestants et des jansénistes.

• À l'intérieur, ce fut la volonté de rétablir l'unité religieuse. Louis XIII et Richelieu avaient maintenu la tolérance accordée par l'édit de Nantes aux protestants, tout en leur ôtant leur puissance politique et militaire. Le temps de Louis XIV fut au contraire un temps de persécutions. Il paraissait possible d'obtenir la conversion des réformés, au besoin par la menace ou par le fait d'installer chez eux des soldats qui multiplieraient les exactions. Ces dragonnades se révélèrent efficaces, les conversions se multiplièrent ; Louis XIV se laissa convaincre qu'il fallait aller plus loin et considérer qu'il n'y avait plus guère de protestants en France et que l'édit de Nantes ne servait plus à rien. Ce dernier fut donc révoqué en octobre 1685. Cette décision fut célébrée par les catholiques fervents comme le triomphe de la vraie religion. En réalité, de nombreux protestants choisirent de quitter la France. Quelques voix, ainsi celle de Vauban, s'élevèrent pour déplorer ces départs qui affaiblissaient le pays au profit de ses voisins. Les réformés qui demeurèrent en France dissimulèrent leurs convictions religieuses. Plus tard, au début du XVIIIe siècle, les Cévennes connurent un soulèvement protestant, et les camisards réussirent même à battre des régiments du roi en 1704. La révocation indigna aussi les princes protestants en Europe, qui souvent, depuis le XVIe siècle, avaient été des alliés de la France. Elle alimenta les attaques contre la politique tyrannique du roi de France, qui fut présenté comme dangereux pour tous les protestants d'Europe.