Juifs (suite)
Selon des modalités variées, les Juifs participent à la Résistance. De nombreux Juifs français s'engagent très tôt dans les différents mouvements, où ils occupent des positions importantes. Des groupes de communistes juifs, recrutés dans les milieux immigrés et rattachés à la Main-d'œuvre immigrée (MOI, ceux du groupe de l'« Affiche rouge »), sont particulièrement efficaces dans la résistance armée à Paris, Lyon, Grenoble et Toulouse. Ils sont à l'origine d'une presse clandestine très riche. Des groupes de jeunes sionistes se vouent au sauvetage des Juifs. À la Libération, on estime que 25 % de la population juive de France a été déportée et exterminée.
Les Juifs de France aujourd'hui
Au lendemain de la guerre, une fois abrogées les lois discriminatoires du gouvernement de Vichy par la loi du 9 août 1944 rétablissant la légalité républicaine, les Juifs de France cherchent d'abord à « fermer la parenthèse ». Ils disposent d'une nouvelle organisation créée dans la clandestinité, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), et fondent, en 1949, le Fonds social juif unifié (FSJU) pour centraliser collecte et répartition des fonds. Dans les débats intracommunautaires, le sionisme est désormais légitimé et l'État d'Israël devient une donnée référentielle de l'identité de nombreux Juifs de France. Dans ce contexte, les prises de position du général de Gaulle au moment de la guerre des Six Jours (juin 1967), qui fait porter sur Israël la responsabilité principale dans le déclenchement du conflit, ont provoqué une crise, limitée néanmoins à une courte durée.
De 1955 à 1965, la France est, après Israël, le premier pays d'immigration juive : 235 000 Juifs d'Afrique du Nord s'y installent, bouleversant la physionomie de la communauté. Les Juifs venus d'Algérie arrivent en tant que Français, ce qui facilite leur intégration. Pour eux, comme pour les Juifs immigrés du Maroc ou de Tunisie, le processus de francisation a été largement amorcé en Afrique du Nord. Ils créent leurs propres organisations, puis pénètrent les instances communautaires et, en 1981, c'est un séfarade, René Samuel Sirat, qui devient le grand rabbin de France. Au début des années quatre-vingt, on compte 535 000 Juifs sur le territoire national, soit 1,1 % de la population française, un peu moins d'un million en 2003. Plus de 50 % d'entre eux habitent la région parisienne ; on note aussi une forte concentration de Juifs dans la région Midi-Provence, ainsi qu'en Alsace (notamment à Strasbourg). L'augmentation des mariages mixtes depuis le milieu des années soixante, le tarissement des sources d'émigration ainsi qu'une baisse de la natalité contribuent à une stabilisation numérique. Cadres moyens et employés constituent, avec les artisans et les petits commerçants, la base sociale de la judaïcité de France. Tandis que la classe ouvrière juive est très peu nombreuse, la bourgeoisie intellectuelle est au contraire très représentée dans une population dont le niveau d'instruction est supérieur à celui de la population globale.
La moitié des Juifs de France ne participe à aucune vie communautaire organisée mais, depuis les années quatre-vingt, un renouveau de l'éducation religieuse est sensible, ainsi qu'un accroissement du nombre des écoles juives. Outre le lien religieux, les Juifs interrogés sur les composantes de leur identité évoquent la persistance de l'antisémitisme ou se réfèrent à des traditions culturelles et historiques, dans lesquelles l'État d'Israël et la mémoire de la Shoah tiennent une place centrale.
En définitive, le modèle d'intégration « à la française » a bien fonctionné et les générations qui se sont succédé ont nivelé les différences. Mais le réveil des identités régionales et particularistes dans la société française n'est pas sans effet sur l'évolution des perceptions identitaires collectives au sein de la judaïcité de France.