Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Juifs (suite)

Selon des modalités variées, les Juifs participent à la Résistance. De nombreux Juifs français s'engagent très tôt dans les différents mouvements, où ils occupent des positions importantes. Des groupes de communistes juifs, recrutés dans les milieux immigrés et rattachés à la Main-d'œuvre immigrée (MOI, ceux du groupe de l'« Affiche rouge »), sont particulièrement efficaces dans la résistance armée à Paris, Lyon, Grenoble et Toulouse. Ils sont à l'origine d'une presse clandestine très riche. Des groupes de jeunes sionistes se vouent au sauvetage des Juifs. À la Libération, on estime que 25 % de la population juive de France a été déportée et exterminée.

Les Juifs de France aujourd'hui

Au lendemain de la guerre, une fois abrogées les lois discriminatoires du gouvernement de Vichy par la loi du 9 août 1944 rétablissant la légalité républicaine, les Juifs de France cherchent d'abord à « fermer la parenthèse ». Ils disposent d'une nouvelle organisation créée dans la clandestinité, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), et fondent, en 1949, le Fonds social juif unifié (FSJU) pour centraliser collecte et répartition des fonds. Dans les débats intracommunautaires, le sionisme est désormais légitimé et l'État d'Israël devient une donnée référentielle de l'identité de nombreux Juifs de France. Dans ce contexte, les prises de position du général de Gaulle au moment de la guerre des Six Jours (juin 1967), qui fait porter sur Israël la responsabilité principale dans le déclenchement du conflit, ont provoqué une crise, limitée néanmoins à une courte durée.

De 1955 à 1965, la France est, après Israël, le premier pays d'immigration juive : 235 000 Juifs d'Afrique du Nord s'y installent, bouleversant la physionomie de la communauté. Les Juifs venus d'Algérie arrivent en tant que Français, ce qui facilite leur intégration. Pour eux, comme pour les Juifs immigrés du Maroc ou de Tunisie, le processus de francisation a été largement amorcé en Afrique du Nord. Ils créent leurs propres organisations, puis pénètrent les instances communautaires et, en 1981, c'est un séfarade, René Samuel Sirat, qui devient le grand rabbin de France. Au début des années quatre-vingt, on compte 535 000 Juifs sur le territoire national, soit 1,1 % de la population française, un peu moins d'un million en 2003. Plus de 50 % d'entre eux habitent la région parisienne ; on note aussi une forte concentration de Juifs dans la région Midi-Provence, ainsi qu'en Alsace (notamment à Strasbourg). L'augmentation des mariages mixtes depuis le milieu des années soixante, le tarissement des sources d'émigration ainsi qu'une baisse de la natalité contribuent à une stabilisation numérique. Cadres moyens et employés constituent, avec les artisans et les petits commerçants, la base sociale de la judaïcité de France. Tandis que la classe ouvrière juive est très peu nombreuse, la bourgeoisie intellectuelle est au contraire très représentée dans une population dont le niveau d'instruction est supérieur à celui de la population globale.

La moitié des Juifs de France ne participe à aucune vie communautaire organisée mais, depuis les années quatre-vingt, un renouveau de l'éducation religieuse est sensible, ainsi qu'un accroissement du nombre des écoles juives. Outre le lien religieux, les Juifs interrogés sur les composantes de leur identité évoquent la persistance de l'antisémitisme ou se réfèrent à des traditions culturelles et historiques, dans lesquelles l'État d'Israël et la mémoire de la Shoah tiennent une place centrale.

En définitive, le modèle d'intégration « à la française » a bien fonctionné et les générations qui se sont succédé ont nivelé les différences. Mais le réveil des identités régionales et particularistes dans la société française n'est pas sans effet sur l'évolution des perceptions identitaires collectives au sein de la judaïcité de France.

Juifs (statuts des),

lois antisémites instituées par le gouvernement de Vichy les 3 octobre 1940 et 2 juin 1941.

Elles constituent le pivot d'une législation antisémite autonome adoptée sans intervention de l'occupant allemand. Le premier statut donne une définition raciale du Juif (« Est regardée comme juive toute personne issue de trois grands-parents de race juive ») et lui interdit tous les postes de responsabilité dans la fonction publique, ainsi que les professions liées à l'enseignement, à la presse, à l'édition et au spectacle. Le second, préparé par les services du Commissariat général aux questions juives (créé le 29 mars 1941) et par son premier responsable Xavier Vallat, précise encore la définition du Juif, mêlant cette fois les critères de race et de religion pour traquer ceux qui seraient tentés de se dérober, et étend les mesures d'exclusion. La liste des métiers totalement interdits comprend désormais aussi la publicité, la banque, la finance, les tâches subalternes dans l'administration publique. Des quotas sont instaurés pour les professions libérales, commerciales, industrielles, artisanales, tandis que l'accès des Juifs à l'Université est soumis au numerus clausus. En application de ces deux lois, qui laissent une brèche très étroite pour des dérogations accordées avec la plus grande parcimonie ou des reclassements rarement appliqués, 3 400 fonctionnaires juifs sont exclus de l'administration en quelques semaines. L'arsenal législatif de la politique antijuive de Vichy est complété par une loi instituant en zone sud un recensement des Juifs (2 juin 1941), déjà appliqué en zone occupée en vertu d'une ordonnance allemande du 27 septembre 1940, par la loi d'aryanisation du 22 juillet 1941, qui étend la confiscation des biens juifs à la zone sud, ainsi que par la loi du 11 décembre 1942 instituant un tampon « Juif » sur les cartes d'identité et les cartes individuelles d'alimentation dans l'ensemble du pays.

Applicables dans les deux zones aux juifs français et étrangers, ces lois s'accompagnent de mesures d'internement à l'encontre de milliers de Juifs étrangers (40 000 personnes sont internées en zone sud en février 1941), conformément à la loi du 3 octobre 1940. L'opinion française, gagnée au maréchal Pétain et travaillée par la propagande antisémite et xénophobe qui s'était développée dans les années trente, accueille ces mesures avec indifférence, ou même favorablement, tout en manifestant, pour une partie d'entre elle, sa sympathie à de nombreux Juifs à titre personnel. Mais ce contrôle étroit institué sur une population qui s'est majoritairement soumise aux lois qui lui étaient imposées, ainsi que sa marginalisation politique, sociale et économique, pèseront lourd lorsque, dans le cadre de l'application en France de la « solution finale » par l'occupant allemand, les arrestations puis les déportations de Juifs se multiplieront.