Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
E

État, (suite)

Ils ont préféré, dans un premier temps, corriger les abus du pouvoir d'État en supprimant l'administration fiscale, en mettant sous tutelle les ministères, en supprimant les relais régionaux du pouvoir central, en introduisant partout le principe électif et en faisant de la toute-puissance de l'État le garant de la liberté et de l'égalité. Mais, peu à peu reconstitué à la fin de la Révolution et commençant à se doter d'un corps de fonctionnaires, l'État a manifesté les mêmes dérives autoritaires qu'auparavant, aggravées par ses tendances interventionnistes. Les principaux débats ont donc porté sur la place de l'exécutif (le couple gouvernement-administration déséquilibrant par trop la balance du pouvoir), sur le poids financier des collectivités et de l'État, et sur le rôle effectif de ce dernier. Dans ce contexte, les questions du suffrage universel (instauré en deux temps : 1848 et 1944) et des types de scrutin ont pu paraître essentielles, quoique le citoyen n'ait pas davantage été associé à l'élaboration des décisions. Aussi socialistes et communistes ont-ils milité en faveur de sa participation active au fonctionnement de l'État. Un même rejet de la nouvelle réalité étatique transparaît dans les divers programmes décentralisateurs ou même anti-étatistes qui jalonnent la vie politique française à partir de 1815, qu'ils émanent des traditionalistes ou bien des régionalistes d'aujourd'hui, sans omettre les fouriéristes, les proudhoniens, Le Play, Taine, les radicaux, Barrès et Maurras, ou encore les anarchistes.

En revanche, on ne peut pas dire que le débat de fond sur la prise en main de la vie du pays par l'État ait influencé véritablement la pratique des hommes politiques. C'est plutôt dans les théories qu'il faut chercher les prises de position catégoriques des libéraux (Constant, Tocqueville, Prévost-Paradol, Baudin, Jouvenel, Rougier, ou Rueff) et des interventionnistes (saint-simoniens, blanquistes, marxistes, socialistes).

Les principales menaces qui ont pesé et pèsent encore sur l'État français sont venues et viennent de l'extérieur : il s'est constitué en partie contre l'empereur et le pape au Moyen Âge, contre l'Église sous la Révolution, puis sous la République radicale. Dans les dernières décennies, ses représentants ont consenti des abandons de souveraineté en politique étrangère comme en politique intérieure, du fait notamment de la construction européenne. Néanmoins, ce ne sont pas les mesures de décentralisation prises depuis un quart de siècle qui peuvent ébranler l'édifice multiséculaire d'un État qui a conservé jusqu'à présent l'essentiel de ses prérogatives intérieures. Toutefois, ces dernières années, sa remise en cause s'est accélérée, notamment à travers une accélération de la décentralisation et les interrogations concernant le « modèle social français ».

état civil.

Tenu par le clergé catholique sous l'Ancien Régime, l'état civil est laïcisé en 1792, en vertu d'une loi qui demeure à la base du système actuel.

En 1539, par l'ordonnance de Villers-Cotterêts, François Ier oblige les curés à tenir les registres paroissiaux des baptêmes et des sépultures ; en 1579, l'ordonnance de Blois étend l'obligation aux mariages. Les ordonnances de 1667 et 1736 complètent ces mesures, qui tardent cependant à devenir effectives. En 1787, pour résoudre le problème posé par le cas des protestants, le roi autorise les officiers de justice à tenir des registres pour les non-catholiques, amorçant ainsi une sécularisation de l'état civil.

Sous la Révolution, la Constitution de 1791 prévoit que les naissances, mariages et décès de « tous les habitants, sans distinction » devront être enregistrés par des officiers publics. Et, le 20 septembre 1792, la Législative vote la loi qui laïcise l'état civil, en confiant l'établissement aux officiers publics des municipalités. À part des modifications sur la désignation des « officiers publics », cette loi fondamentale, considérée par l'historien Aulard comme la « première étape de la séparation de l'Église et de l'État », n'est pas remise en cause par les régimes qui suivent la Révolution. Ses principes sont repris par le Code civil de 1804, qui entérine la loi interdisant aux prêtres de bénir un mariage qui n'aurait pas été contracté civilement. Et, malgré quelques velléités, la Restauration ne revient pas sur le principe de laïcisation de la loi de 1792.

État-providence,

conception de l'État selon laquelle ce dernier est responsable du bien-être collectif. L'expression « État-providence » a été forgée par Émile Ollivier en 1860, alors que la révolution industrielle a d'importantes conséquences sociales - enrichissement pour les uns, paupérisation pour les autres –, et met en cause les anciens équilibres d'une société agraire.

La lente mise en place de solidarités nouvelles.

• Pour maintenir ces équilibres et éviter les mouvements révolutionnaires, un nouveau pacte social doit être inventé : la société garantit l'individu contre les risques et l'insécurité, ce qui suppose une confiance dans un État capable d'assurer bonheur et sécurité et de conduire les individus sur le chemin du progrès social. Justice et solidarité doivent remédier aux inégalités et modifier les rapports de classes, notamment par la mise en place d'un système de prélèvements et de redistribution. L'article 21 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793 stipule déjà que « la société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler ». Les mentalités libérales du XIXe siècle sont toutefois réticentes à l'intervention de l'État. En effet, alors que Bismarck impose une législation sociale en Allemagne, la France renâcle : la loi sur les accidents du travail n'est votée qu'en 1898 ; le système des retraites, daté de 1910, repose sur un principe de capitalisation individuelle et non de répartition, ainsi que le réclamaient Léon Jouhaux et la CGT. Les pensions, faibles, profitent à peu d'ouvriers, qui décèdent le plus souvent avant l'âge de la retraite. La crise économique des années trente relance la construction de l'État-providence, malgré l'opposition des libéraux, tel l'économiste Jacques Rueff, qui estime que l'assurance est un facteur d'aggravation du chômage, et qu'il conviendrait d'abaisser les salaires. En 1930 est adoptée la loi sur les assurances sociales, lesquelles couvrent les risques de maladie, maternité, vieillesse, invalidité, décès pour les seuls ouvriers ; en 1932 sont créées les allocations familiales ; en 1935, dix millions de salariés sont concernés.