Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

Suger,

abbé de Saint-Denis et homme politique (Saint-Denis 1081 -  id. 1151).

L'oblation de Suger à l'abbaye de Saint-Denis par son père (1091) décide de la vocation du jeune homme, né dans une famille paysanne originaire de la région de Chennevières, aux environs de Paris. Moine à Saint-Denis (1101), il parfait son éducation auprès des maîtres des écoles parisiennes. Il devient progressivement le familier puis le conseiller du roi Louis VI, auquel il s'était lié d'amitié à Saint-Denis, et participe étroitement au gouvernement à partir de 1120. Élu dans le même temps abbé de Saint-Denis (1122), il se voit alors confier les missions les plus délicates (participation au premier concile du Latran, en 1123). Il est également chargé du redressement moral et matériel de l'abbaye de Saint-Denis, dont il entreprend la reconstruction de l'église après 1130. Les innovations architecturales et la recherche affichée d'un décor ostentatoire sont aussi l'expression de la doctrine théologique de Suger, empruntée à la spiritualité de l'école de Saint-Victor de Paris, selon laquelle le visible est une manifestation de l'invisible.

À la mort de Louis VI (1137), l'abbé revient au premier plan de la scène politique en assumant le rôle de tuteur et de conseiller du futur Louis VII. Dix ans plus tard, il est désigné comme régent du royaume, pendant la deuxième croisade (1147-1149). Son intense activité littéraire inaugure l'historiographie royale (Vie de Louis VI le Gros, achevée vers 1144) mais aussi celle des arts de gouverner (lettres, chartes, Livre des choses faites pendant son administration).

suisses,

nom donné à des soldats mercenaires originaires de Suisse recrutés dans l'armée française sous l'Ancien Régime et sous la Restauration.

À l'époque moderne (XVIe-XVIIIe siècle), le recours à des soldats étrangers est commun à tous les États. Les cantons suisses, alors pauvres, « exportent » ainsi leur surplus d'hommes. Depuis le règne de Louis XI, des compagnies suisses servent en France. Cependant, après la victoire qu'il remporte à Marignan sur les Suisses payés par la Sainte Ligue, François Ier conclut avec les cantons confédérés la paix perpétuelle de Zurich (29 novembre 1516) : les Suisses sont désormais les alliés du roi de France, qui passe avec eux des conventions (capitulations) pour la levée de soldats. Sous le règne de Louis XIV, ces contingents reçoivent leur organisation définitive : les cent-suisses de la Maison du roi, le régiment des gardes-suisses, une douzaine de régiments de ligne, auxquels s'ajoutent quelques compagnies franches, soit au total environ 14 000 hommes en 1787, l'ensemble étant commandé par le « lieutenant général des suisses ». Ces troupes, essentiellement d'infanterie, fidèles et courageuses, ne peuvent cependant être utilisées outre-mer ni dans une guerre offensive contre le Saint-Siège, le Brandebourg ou les Habsbourg.

Liés à la personne du roi (« Le roi est notre seul allié, et nullement ses sujets », répondent les cantons helvétiques aux ligueurs, en 1583), les gardes-suisses défendent la Bastille le 14 juillet 1789 et quatre cents d'entre eux périssent dans l'ultime défense des Tuileries, le 10 août 1792. Licenciées dans l'été 1792, les unités suisses sont reformées sous la Restauration, de 1814 à 1830 ; environ 40 % des suisses à la solde d'un gouvernement étranger servent alors en France.

Sully (Maximilien de Béthune, baron de Rosny, duc de),

homme politique (Rosny-sur-Seine, près de Mantes, 1560 - Villebon, près de Chartres, 1641).

Sully est né dans une famille noble originaire de l'Artois, qui connaît une crise financière au milieu du XVIe siècle et qui fait le choix de la Réforme. Il est présent à Paris lors du massacre de la Saint-Barthélemy et, sur la fin de l'année 1575, devient le chef de la maison de Rosny.

Du métier des armes à la politique.

• Dès 1576, Sully s'engage dans la fidélité d'Henri de Navarre, auquel il a été présenté en 1572, et participe à ses côtés aux luttes civiles. Il est fait gentilhomme de la Chambre du roi de Navarre, puis chambellan et conseiller d'État. Il prend part à l'expédition du duc d'Anjou en Flandre (1582-1583), épouse Anne de Courtenay et rejoint définitivement le Béarnais. Il est présent aux grandes batailles des guerres de la Ligue, mais exerce aussi une activité négociatrice (ralliement de Villars-Brancas, gouverneur de Rouen, et du duc de Guise). Veuf, il se remarie en 1592 avec Rachel de Cochefilet.

Dès 1596, il entre au Conseil des finances, étape décisive puisqu'il s'illustre en permettant le financement du siège d'Amiens grâce à l'invention d'« expédients » (créations d'offices, emprunt sur les plus aisés...). Il reçoit la charge de surintendant des Finances, et la paix accélère son ascension dans l'État royal grâce à une stratégie de cumul des charges administratives : il est fait grand maître de l'Artillerie et surintendant des Fortifications en 1599, capitaine du château de la Bastille et surintendant des Bâtiments en 1602, gouverneur du Poitou en 1603, tandis que la baronnie de Rosny est érigée en marquisat, puis la baronnie de Sully en duché-pairie. Peu à peu, son autorité s'impose et, après la disgrâce du chancelier Bellièvre, à partir de 1604-1605, sa prééminence au Conseil du roi est effective.

Un administrateur fortuné.

• L'action de Sully, relayée par plusieurs collaborateurs tels les frères Arnauld et orientée vers une centralisation administrative, est pensée dans le cadre d'un renforcement absolutiste du pouvoir royal (envoi de commissaires et de délégués permanents en province, constitution de chambres de justice, surveillance étroite de l'activité de la Chambre des comptes). Elle se traduit d'abord par une stabilisation financière : amortissement de la dette par rachat des rentes et des aliénations du domaine royal, réalisation de l'équilibre du Budget et, à partir de 1605, constitution d'une réserve. Pour l'historien Bernard Barbiche, Sully est l'artisan d'une transition de la monarchie de justice à l'État de finances, ce dont témoigne sa primauté sur le chancelier ; son action aboutit à une diminution du montant des tailles dès 1600, tandis que la gestion des gabelles, aides et traites est l'objet d'une restructuration qui permet un doublement de leur produit ; la paulette, ou « droit annuel », institutionnalisant la vénalité et l'hérédité des offices en 1604, est destinée à fournir un revenu supplémentaire à la monarchie.