ou de Constantinople), État fondé en 1204 par les croisés, dans l'Empire byzantin. L'histoire de l'Empire latin d'Orient ne peut être séparée de celle de la quatrième croisade.
Rassemblés à Venise en 1202 pour traverser la Méditerranée, les croisés, à court d'argent, sont contraints de payer leur passage en nature, en s'emparant de la ville chrétienne de Zara, sur l'Adriatique, pour le compte des Vénitiens. Détournée une première fois, la croisade l'est de nouveau, à la suite des propositions de l'empereur byzantin détrôné Isaac II Ange : reconquérir Constantinople moyennant une forte somme d'argent, une aide militaire et l'union des Églises orthodoxe et catholique. Les croisés s'emparent donc de la ville, au nom de son empereur, en 1203, mais les relations entre Latins et Byzantins s'enveniment rapidement. Le 15 avril 1204, après trois jours d'effroyables pillages, les Latins reprennent Constantinople pour leur propre compte, sous l'œil bienveillant des Vénitiens, qui y voient une aubaine pour leur commerce. Un mois plus tard, le comte de Flandre Baudouin Ier est couronné empereur dans la basilique Sainte-Sophie.
La conquête de la Grèce par les croisés, durant l'hiver 1204-1205, donne naissance à plusieurs États, vassaux théoriques de l'Empire latin : le royaume de Thessalonique est attribué au marquis italien Boniface de Montferrat ; le duché d'Athènes, au seigneur franc-comtois Otton de la Roche ; la principauté de Morée, conquise par Guillaume de Champlitte, revient à la famille de Villehardouin, qui y établit le plus stable des États francs.
Malgré cela, les Francs ne sont que partiellement maîtres de la Grèce, et une bonne partie de l'Empire byzantin leur échappe. En 1205, le désastre d'Andrinople face aux Bulgares, où périt Baudouin Ier, arrête la conquête franque, alors que subsistent de solides implantations byzantines : l'Empire de Nicée, en Asie Mineure, et le despotat d'Épire, dans l'ouest de la Grèce.
Henri de Hainaut, empereur après son frère Baudouin, parvient à repousser les Bulgares à Philippopolis en 1208, mais, peu à peu, l'Empire latin se réduit considérablement. Le beau-frère d'Henri de Hainaut, Pierre de Courtenay, puis son fils Robert, doivent encore céder du terrain : Thessalonique est prise en 1222 par le despote d'Épire Théodore, et, en 1225, il ne reste de l'Empire latin que Constantinople et ses environs. De 1228 à 1261, Baudouin II de Courtenay résiste courageusement, mais Constantinople est reprise, en 1261, par l'empereur byzantin Michel VIII Paléologue.
Tandis que la famille de Courtenay rejoint l'Occident tout en ayant pendant quelques années des prétentions sur l'Empire d'Orient, la présence franque en Grèce demeure jusqu'en 1311 grâce au duché d'Athènes et, surtout, à la brillante principauté de Morée des Villehardouin, liés aux Angevins de Naples. La principauté de Morée n'est prise par les Byzantins qu'au XVe siècle, avant d'être conquise par les Turcs en 1463.
L'affrontement direct entre Latins et Byzantins, ultime aboutissement d'une incompréhension totale et réciproque, a débouché, fortuitement, à la création d'un éphémère Empire latin. Alors que l'implantation franque réussit durablement en Grèce, l'Empire latin d'Orient, né dans les massacres de Constantinople en 1204, ne peut échapper à cette défiance fratricide.