tirailleurs sénégalais, (suite)
Les colonies françaises fournissent pendant le premier conflit mondial environ 600 000 combattants et travailleurs mobilisés en métropole, parmi lesquels 134 000 tirailleurs sénégalais. Ceux-ci subissent le même pourcentage de pertes que les forces françaises au front : 29 000 ne retournent pas en Afrique, morts au combat ou victimes du froid, des maladies, du déracinement. Le recours à cette « force noire », préconisé par le colonel Mangin, montre que « la plus grande France » constitue une ferme « deuxième ligne de défense », même si ce n'est qu'avec 4 % des effectifs combattants. En outre, la présence de ces hommes suscite un conflit de représentations, dans une guerre perçue par les belligérants comme une « lutte pour la civilisation » : les Allemands considèrent que le recrutement de soldats africains est une preuve de barbarie, tandis que la propagande française tend à présenter les ressortissants des colonies comme de « nouveaux civilisés », grâce à la République qui se bat « pour le droit ». Les Français découvrent, entre paternalisme et racisme, l'exotisme de ces hommes vus à la fois comme de grands enfants et des soldats courageux. Quant aux combattants africains, ils prennent conscience de leurs différences et sauront les affirmer par la suite : le coût humain, la cruauté d'un déracinement pour une cause si éloignée, ne pouvaient que fonder la protestation anticoloniale. « Écoutez-nous, morts étendus dans l'eau au profond des plaines du Nord et de l'Est.../Recevez le salut de vos camarades noirs, tirailleurs sénégalais/Morts pour la République ! » (Léopold Sédar Senghor, 1938).