Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
E

Estienne (famille), (suite)

À l'image de maints typographes de leur époque, les Estienne savent allier technique artisanale et rigueur de l'érudition, en conciliant innovation technique (utilisation des caractères d'imprimerie Garamond), diffusion des langues anciennes (éditions de textes grecs et latins, dictionnaires), réglementation de la langue (orthographe et grammaire françaises) et éditions savantes pourvues de notes, de commentaires et d'un examen des variantes.

Le premier des Estienne, Henri (vers 1465-1520), est lié à Lefèvre d'Étaples et édite surtout des textes scientifiques (médecine, mathématiques) ou bibliques. Son fils Robert (1503-1559) entretient un contact constant avec les lecteurs par ses catalogues et ses avis ou lettres liminaires. Maîtrisant le latin, l'hébreu et le grec, cet ami de Budé publie à la fois, non sans succès commercial, des instruments de travail (dictionnaires ou grammaires), les œuvres d'auteurs classiques (Térence, Plaute, Cicéron) ou d'humanistes contemporains (Lorenzo Valla, Dolet, Érasme), ainsi que des textes religieux. Ce sont d'ailleurs ses éditions latine (1523), puis grecque (1546) du Nouveau Testament et la publication en 1527 de sa Bible - maintes fois rééditée - qui lui attirent les foudres de la Sorbonne et les censures de l'Église. Trois ans après la mort de son protecteur François Ier, il rallie les réformés et s'exile à Genève. Ses frères François (1502-1550) et Charles (1504-1564), puis son fils cadet Robert (1533-1571) continuent à s'occuper de la maison mère parisienne.

De son côté, le fils aîné de Robert, Henri (1531-1598), prend la direction de l'imprimerie genevoise. Féru, comme son père, de travaux linguistiques, il édite un célèbre Thesaurus linguae graecae en 1572, tout en entreprenant, avec une grande verve satirique, de défendre la jeune langue vulgaire. Inquiété par la censure genevoise, il songe à revenir à Paris, mais ce projet échoue malgré les bonnes relations qu'il entretient avec Henri III. Son petit-fils, Antoine, abjure le calvinisme, se rend à Paris et reprend en 1615 le titre d'« imprimeur du roi » que détenaient les premiers Estienne. Il meurt ruiné en 1674.

Les complexes vicissitudes de l'histoire familiale des Estienne montrent toute la place que les imprimeurs occupèrent au XVIe siècle dans l'histoire des naissantes sciences du langage, dans la défense, la diffusion et la réglementation de la langue vulgaire, mais aussi dans les controverses religieuses.

Estrées (Gabrielle d'),

favorite d'Henri IV (Cœuvres, Aisne, ou La Bourdaisière, en Touraine, 1573 - Paris 1599).

Issue d'une famille connue en Picardie depuis 1457, elle est la fille d'Antoine d'Estrées, seigneur de Cœuvres (fils d'une Bourbon-Vendôme), et de Françoise Babou de La Bourdaisière. Elle était aussi ravissante et légère que ses six sœurs - au point qu'elles furent appelées « les Sept Péchés mortels » (une lettre de Mme de Sévigné, datée de 1689, fait référence à ce surnom).

Issue de « la race la plus fertile en femmes galantes qui ait jamais été » (Tallemant des Réaux), Gabrielle inspire à l'âge de 18 ans une passion si vive à Henri IV que celui-ci comble son père d'honneurs. Faite elle-même marquise de Montceaux (1595), puis duchesse de Beaufort (1597), cette maîtresse infidèle donne au roi trois enfants légitimés, dont César (1594-1665), chef de la maison des Bourbon-Vendôme. Son mariage blanc en 1592 avec Nicolas d'Amerval, seigneur de Liancourt, a été annulé en 1594 par l'official d'Amiens grâce à Henri IV, lequel cherche également à obtenir l'annulation de son propre mariage avec Marguerite de Valois. Le roi songe peut-être à l'épouser lorsqu'elle meurt en couches. Louis XV, libertin, et fils de Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712) - descendante de César -, rappelait souvent qu'il était issu de Gabrielle et, par elle, d'un simple notaire - Babou -, le premier des La Bourdaisière connu.

étalon or,

système dans lequel la monnaie est définie uniquement par rapport à l'or qui circule à l'intérieur du pays (frappe libre), forme le gage de la monnaie fiduciaire (convertibilité), et assure le règlement des paiements internationaux.

En France, l'étalon or n'a existé en tant que tel qu'à partir de 1878. Jusqu'à cette date, en effet, le franc, tout comme la livre tournois qui l'avait précédé, était défini à la fois par rapport à l'or et à l'argent. Ce bimétallisme est abandonné à la fin du XIXe siècle, l'argent ayant été déprécié en raison d'une production surabondante dans les mines américaines. La France a alors une monnaie qui, fondée uniquement sur l'or, comme la livre sterling (depuis 1816) et le mark (depuis 1871), est l'une des plus solides du monde. En outre, excepté lors de brefs épisodes où il a fallu imposer le cours forcé (en 1848-1850 ou en 1870-1878), les billets de banque sont intégralement remboursables en un poids d'or correspondant à leur valeur. Les pièces d'or, qui circulent librement à l'intérieur du pays, forment une part importante (un tiers environ) de la masse monétaire. Enfin, l'or étant seul admis entre les pays pour solder leur balance des paiements, le cours des changes ne s'écarte jamais durablement du « pair », c'est-à-dire du rapport entre les poids d'or respectifs contenus dans les monnaies.

L'étalon or est ruiné par la Première Guerre mondiale : dès août 1914, l'État proclame le cours forcé, et interdit aux particuliers la détention d'or ; le cours du franc, artificiellement soutenu par les trésoreries alliées, s'effondre sur le marché des changes après 1919. Le fait que le système ait longtemps assuré la stabilité monétaire explique que l'on ait tenté de le rétablir. En 1928, Raymond Poincaré envisage la frappe de nouvelles pièces d'or, qui ne verront jamais le jour. En 1933, la conférence de Londres évoque la possibilité d'un retour à l'or comme moyen de paiement entre les pays, mais elle se sépare sans avoir pris de décision. Cependant, la France essaie de regrouper autour d'elle cinq pays fidèles à leur ancienne parité : dès 1935, la défection de la Belgique effrite ce « bloc or », qui disparaît l'année suivante lors de la dévaluation du franc. Pourtant, le mythe du retour à l'étalon or persiste : en 1965, encore, les critiques formulées par le général de Gaulle concernant la suprématie du dollar et l'afflux de liquidités internationales qui en résulte en sont la dernière - mais vaine - illustration.