Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

Afrique-Occidentale française (A-OF), (suite)

La Première Guerre mondiale et l'entre-deux-guerres.

• La pacification ne s'achève véritablement qu'en septembre 1898, avec la capture du chef mandingue Samory Touré. Menée par des soldats africains - les tirailleurs « sénégalais » - encadrés par des Blancs, elle est relativement peu meurtrière, malgré la pratique de part et d'autre de la politique de la terre brûlée : celle-ci entraîne cependant des dommages économiques considérables et la dévastation de régions entières. Des opérations ponctuelles se poursuivront, notamment en Mauritanie, jusqu'en 1934.

La Première Guerre mondiale est marquée par une importante participation des Africains, qui fournissent 164 000 combattants dont 33 000 seront tués. Le député du Sénégal Blaise Diagne (1874-1934), nommé par Clemenceau commissaire général aux troupes noires en 1917, encourage les engagements et stimule l'ardeur des populations. Mais les abus de la conscription provoquent des mouvements insurrectionnels tels ceux qui se produisent au Soudan dans le cercle de Dédougou (aujourd'hui Burkina Faso) à la fin de l'année 1915 : les représailles, en septembre 1916, font plusieurs centaines de victimes. Au Niger, au printemps de la même année, éclate la seconde révolte de Firhoun, chef traditionnel des Touaregs Oulmiddens, dont la répression inspirera à l'écrivain nigérien Fily Dabo Cissoko un recueil de poèmes, la Savane rouge.

En 1930, l'A-OF a une superficie de 4,46 millions de kilomètres carrés et regroupe 15 millions d'habitants. Les huit colonies (Sénégal, Guinée, Côte-d'Ivoire, Dahomey, Haute-Volta, Soudan, Niger, Mauritanie) sont divisées en 118 cercles et 48 000 villages. Les anciens États indigènes sous protectorat ont été supprimés par un décret de 1904, et leurs territoires, purement et simplement annexés. Les chefs traditionnels, intégrés dans les rouages administratifs, sont réduits à un rôle d'auxiliaires (chefs de canton, chefs supérieurs), et ils sont mal rémunérés. Les commandants de cercle, administrateurs coloniaux, sont les véritables « rois de la brousse ». Si l'on excepte quelques milliers d'Africains citoyens français - les « originaires » des quatre communes du Sénégal qui élisent un député ou bien quelques militaires ou fonctionnaires ayant pu accéder à la citoyenneté -, les indigènes ont le statut de « sujet français », un statut qui leur reconnaît peu de droits et leur impose surtout des devoirs. Ils sont assujettis à un régime judiciaire et fiscal particulier, défini par le Code de l'indigénat.

Enseignement et santé.

• Dans la première moitié du XXe siècle, un important effort est réalisé dans le domaine scolaire, mais qui bénéficie surtout aux territoires côtiers, où se forme progressivement une élite francophone : ainsi, l'école normale de Dakar devient-elle une pépinière de cadres et de futurs dirigeants. Le Dahomey, pourvu de nombreuses écoles publiques et privées, surnommé « le Quartier latin de l'Afrique », fournit des fonctionnaires africains pour toute l'A-OF. En revanche, la Mauritanie et les colonies de l'intérieur (Soudan, Haute-Volta, Niger) restent plutôt déshéritées sur tous les plans.

Des progrès notables sont également accomplis dans le domaine médical. Les services de l'Assistance médicale indigène (AMI), instituée en 1905, ouvrent des hôpitaux et des dispensaires de brousse, tandis que l'école de médecine de Dakar (1918) forme des médecins africains. Les instituts Pasteur organisent des campagnes de vaccination. Celui de Dakar, fondé en 1908, se spécialise dans la lutte contre la fièvre jaune. C'est là qu'en 1935 le Dr Peltier met au point la méthode de vaccination par scarification. Un institut de la lèpre est ouvert à Bamako en 1924.

Équipement et mise en valeur.

• Pendant toute la période coloniale, l'arachide reste le premier poste à l'exportation (60 % du total en 1930), devançant de loin l'huile de palme (Dahomey), le coton (en provenance de la zone sahélienne) et les bois précieux de Côte-d'Ivoire. En 1938, la production de cacao couvre 90 % des besoins de la métropole. La vie économique de la Fédération est largement dominée par de grandes sociétés, dont les principales sont la Compagnie française de l'Afrique-Occidentale (CFAO), la Société commerciale de l'Ouest africain (SCOA, qui changera plusieurs fois de raison sociale tout en gardant le même sigle) et, enfin, le trust Unilever, spécialisé dans la commercialisation des oléagineux. Les anciennes maisons bordelaises (Maurel et Prom, Peyrissac) conservent un rang non négligeable, du moins au Sénégal. Dans le réseau bancaire, la Banque de l'Afrique-Occidentale (BAO) s'est imposée à la première place.

La constitution de ce groupement de colonies - impliquant la solidarité financière entre les territoires - permet de lancer des emprunts et de financer des programmes de grands travaux que les seuls budgets locaux n'auraient pu assumer. Une infrastructure ferroviaire et routière est ainsi mise en place à partir de la fin du XIXe siècle : la voie ferrée Dakar-Niger (1 288 km), reliant le Sénégal à Bamako et Koulikoro, est achevée en 1923 par l'ouverture du tronçon Thiès-Kayes et devient le principal axe commercial de l'A-OF ; en Guinée, la ligne Conakry-Kankan, qui assure le débouché des productions du Fouta-Djalon, est inaugurée en 1914 ; l'Abidjan-Niger, « le chemin de fer de l'arachide », construit à partir de 1908 afin de désenclaver la Haute-Volta, atteint Bobo-Dioulasso en 1947, mais n'arrivera à Ouagadougou qu'en 1954. Pendant l'entre-deux-guerres, l'apparition des camions de brousse est à l'origine de l'aménagement d'un important réseau routier (100 000 km en 1940, dont 32 000 de voies permanentes). L'infrastructure portuaire reste en revanche très insuffisante : Dakar est le seul port correctement équipé, les autres villes côtières n'étant pourvues que de wharfs et de rades foraines. Un ambitieux programme d'irrigation du delta intérieur du Niger est conçu par l'ingénieur Bélime sous l'égide de l'Office du Niger (fondé en 1932), avec pour objectif la mise en culture de près de 2 millions d'hectares et l'installation de 1 million de paysans voltaïques. Mais, en dépit de la belle réalisation du barrage de Sansanding (Soudan français, aujourd'hui Mali), ce projet grandiose ne connaît qu'un modeste début d'application.