Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
M

Montmorency (famille de), (suite)

Mais il suffit de deux générations pour que la puissance familiale s'écroule : la ligne directe principale s'éteint en 1632, lorsque Henri de Montmorency, coupable d'avoir conspiré contre Richelieu, est décapité, malgré l'émotion que sa condamnation suscite dans l'Europe entière. D'abord confisqués par le Cardinal, les biens des Montmorency passent aux Bourbons Condé, à la suite du mariage de la sœur d'Henri, Charlotte, avec Louis de Condé.

Archétypes du vieux clan féodal de guerriers ancrés dans un terroir et fidèles à leur suzerain, les Montmorency, après avoir su en un siècle accéder au cercle étroit des plus puissantes familles du royaume, disparurent faute d'avoir compris que l'équilibre instable entre le pouvoir royal et les grands était désormais rompu.

Montmorency (Anne de),

homme de guerre et connétable (Chantilly 1493 - Paris 1567).

Cadet de l'une des plus anciennes familles d'Île-de-France, filleul de la reine Anne de Bretagne (d'où son prénom), Anne de Montmorency est élevé avec le futur roi, François d'Angoulême. Si l'on excepte sa disgrâce de 1541 à 1547, Anne de Montmorency est, durant presque toute sa vie, l'un des grands officiers de la couronne et l'un des principaux ministres sous François Ier et Henri II, servi en cela par sa fidélité mais également par la force du parti qu'il représente à la cour et dans la noblesse. Ce grand baron est aussi et avant tout un soldat - distingué sur le champ de bataille (à Ravenne, dès 1512), et qui décédera à la suite d'une blessure reçue en combattant les huguenots cinquante-cinq ans plus tard.

S'il devient successivement maréchal de France (1522), grand maître de la Maison du roi (1526), puis connétable de France (1538), son parcours dans le siècle est loin d'être univoque. Il est l'inspirateur d'une stratégie militaire prudente et défensive, mais figure au premier rang lors de deux déroutes retentissantes, à Pavie en 1525 puis, surtout, à Saint-Quentin en 1557 - il est fait prisonnier dans les deux cas. Habile diplomate, il sait, après la défaite, négocier des traités réalistes préservant l'essentiel pour le royaume (à Madrid en 1526, puis au Cateau-Cambrésis en 1559), mais il devient aussi, après 1560, un catholique hostile à toute concession aux réformés, sans trop se soucier de l'affaiblissement de la monarchie, et tout en sachant à l'occasion protéger ses parents huguenots, les Châtillon.

Chef et patriarche d'un véritable clan familial, grand féodal conservateur, imprégné de valeurs chevaleresques, Anne reste fidèle à la couronne, mais ne néglige pas ses intérêts privés : il agrandit ainsi ses domaines par des achats, des spoliations et des « dons » forcés. Sévère et austère, peu à l'aise dans les fastes mondains de la cour, il peut aussi être un mécène éclairé, qui rassemble une remarquable collection d'œuvres d'art et de manuscrits dans ses châteaux de Chantilly et d'Écouen.

Ainsi, Anne de Montmorency a, semble-t-il, toujours choisi, ou accepté, de conjuguer, avec pragmatisme, ses convictions avec les nécessités de son temps, et l'idée qu'il se faisait de sa place ou de sa fonction publique avec la défense de ses intérêts propres. Ce qui lui a permis, en quelque cinquante ans, de faire de sa famille l'égale des plus grandes, la rivale des Bourbons et des Guises.

Montmorency (François de),

maréchal de France (1530 - Écouen 1579).

Fils aîné d'Anne de Montmorency et filleul de François Ier, François de Montmorency fut destiné très tôt, tout comme ses quatre frères, à la carrière militaire. À la tête d'une compagnie de cent lances dès 1551, il combat dans le Piémont et sur la frontière est du royaume (siège de Metz). Fait prisonnier à Thérouanne en 1553, il est libéré, après le paiement d'une rançon par le roi en personne, puis nommé gouverneur de Paris et d'Île-de-France, alors que l'influence de son père est à son apogée.

Ce fils obéissant, qui a su renier son union clandestine avec Mlle de Piennes pour épouser une fille naturelle d'Henri II, est fait grand maître de France puis maréchal de France en octobre 1559. Lors des guerres de Religion, il est, à la différence de son père, partisan d'une certaine tolérance et concilie sa fidélité à Catherine de Médicis et son amitié avec les chefs huguenots, notamment les Châtillon, auxquels il est apparenté. Lorsque les camps se divisent irrémédiablement, après la Saint-Barthélemy, cet esprit d'ouverture lui vaut d'être embastillé en mai 1574. Relâché un an plus tard, il meurt en 1579, sans avoir pu jouer de rôle politique important, contrairement à son frère puîné Henri (1534-1614). Comte de Damville, puis duc de Montmorency à la mort de François, celui-ci est nommé gouverneur du Languedoc dès 1563, maréchal de France en 1567, connétable en 1593. Il fait de sa province un bastion personnel et s'allie tour à tour à chacun des camps en présence, avant de servir fidèlement Henri IV, tout en maintenant une certaine indépendance à l'égard de la couronne.

Montmorency (Henri II, duc de),

maréchal de France (Chantilly 1595 - Toulouse 1632).

Fils d'Henri Ier de Montmorency et filleul d'Henri IV, il hérite des titres et charges traditionnelles de sa famille - amiral de France (1612), gouverneur du Languedoc (1613) - et devient duc en 1614. Il a laissé dans l'histoire l'image du parfait homme de cour plutôt modéré, mais qui, du fait de sa puissance et du nom qu'il porte, est conduit à prendre parti dans les troubles qui agitent la France jusqu'au début du ministère Richelieu et, au-delà, lors de la rébellion de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII. Le Cardinal voit d'ailleurs d'un mauvais œil ce fils de la haute noblesse, bon catholique, brillant à la cour et valeureux sur les champs de bataille, qui pourrait constituer pour lui un rival, ou, pour le moins, être le chef naturel de ces grands dont il entend réduire l'influence. Après avoir combattu les protestants de 1621 à 1625, Henri II de Montmorency participe à la campagne d'Italie en 1630, et est fait maréchal la même année. Sans vraiment partager les vues de Gaston d'Orléans et sans comprendre à quel point la conjuration est mal préparée, il se laisse entraîner en 1632 dans la lutte ouverte contre Richelieu. Accusé de lèse-majesté, il se voit déchu de tous ses titres par un édit, le 23 août. À la tête des troupes des conjurés, il est blessé au combat à Castelnaudary, le 1er septembre 1632, puis fait prisonnier. Son procès, à Toulouse, va soulever dans toute l'Europe une émotion considérable : le roi Charles Ier d'Angleterre, le duc de Savoie, la République de Venise et le pape demandent en vain à Louis XIII de le gracier. Mais la royauté a besoin d'un exemple pour affirmer qu'aucun sujet, si haut placé soit-il, ne peut se révolter contre le souverain. Avec lui, c'est le dernier héritier de la branche principale des Montmorency qui meurt, exécuté, le 30 octobre 1632.