Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Poitiers (bataille de) [732], (suite)

La principale conséquence de l'expédition musulmane est de fournir à Charles une légitimité pour intervenir au sud de la Loire : plusieurs campagnes en Septimanie et en Aquitaine, ainsi que la conquête de la Provence entre 733 et 739, marquent le rétablissement du pouvoir franc dans le Midi. Pour autant, la bataille de Poitiers n'apparaît pas comme la cause principale de l'arrêt de la progression musulmane en Europe : celle-ci se heurtait déjà à la résistance des réduits chrétiens d'Espagne septentrionale, et les nombreuses expéditions musulmanes en Aquitaine ou dans la vallée du Rhône doivent être considérées comme des opérations de razzia et non de conquête. Cependant, la bataille connaît un important retentissement en Europe, en particulier hors du royaume franc. Beaucoup l'analysent comme le triomphe de la Chrétienté sur l'Islam, ainsi que l'attestent un poème chrétien anonyme rédigé à Cordoue vers 754, ou les écrits de Bède le Vénérable, moine anglo-saxon de Northumbrie. La victoire est, par la suite, célébrée par les clercs de la cour carolingienne, qui y voient un signe divin en faveur de Charles et de ses descendants : les chroniqueurs du IX e siècle donnent alors à ce dernier le surnom de Martel, inspiré de celui de Judas Macchabée, élu de Dieu et héros guerrier de l'Ancien Testament qui, avec ses frères, délivra Israël de la tutelle séleucide. Au XIXe siècle encore, l'historiographie et l'enseignement républicains reprennent et diffusent largement la conception qui fait de la bataille de Poitiers un des moments fondateurs de la nation.

Poitiers (bataille de) [1356],

bataille de la guerre de Cent Ans au cours de laquelle le roi de France Jean II le Bon est défait par l'armée anglaise conduite par le Prince Noir, fils du roi Édouard III d'Angleterre.

À la suite d'une grande chevauchée en Languedoc qui, à l'automne 1355, l'a mené jusqu'à Carcassonne, le Prince Noir remonte vers Poitiers, où il rencontre l'armée royale, le 19 septembre 1356. Comme à Crécy, en 1346, la chevalerie française - qui compose la totalité de l'armée - est écrasée par l'archerie anglaise et subit de lourdes pertes (40 % des chevaliers français auraient été tués). Mais, surtout, le roi Jean est fait prisonnier, et conduit à Bordeaux, puis à Londres. Cette défaite a des conséquences considérables. Tout d'abord, elle suscite dans le royaume un profond discrédit de la noblesse, qui se manifeste violemment en 1358 lors du soulèvement paysan en Picardie et en Île-de-France (la Jacquerie). Ensuite, elle entraîne, en l'absence du roi, une grave crise politique qui voit le dauphin Charles (futur Charles V) à la fois menacé par la volonté des états généraux de contrôler l'impôt et l'administration royale, par les intrigues de Charles le Mauvais, roi de Navarre, et par la tentative d'émancipation du prévôt des marchands de Paris, Étienne Marcel. Enfin, la défaite de Poitiers a conduit au traité de Brétigny-Calais (1360), qui abandonne au roi d'Angleterre la souveraineté sur une grande Aquitaine et prévoit le versement d'une énorme rançon (3 millions d'écus) pour la libération du roi Jean. En outre, la défaite a d'importantes conséquences militaires : devenu roi, Charles V renonce à l'armée féodale et à la bataille rangée, au profit d'une guerre de sièges et d'escarmouches menée par une petite armée permanente composée de compagnies d'armes. Au reste, le souvenir de Poitiers et de la capture du roi Jean a suffi à éloigner pour longtemps les rois de France des champs de bataille.

police.

Au sens actuel du terme, la police française naît en 1667, avec la création d'une lieutenance de police à Paris. Avant cette date, le maintien de l'ordre est assuré par d'autres moyens. Puis, dans les trois siècles qui suivent, la police acquiert progressivement la pluralité de fonctions qui la caractérise à la fin du XXe siècle.

Du Moyen Âge au xviii• e siècle.

Au Moyen Âge, la fonction de police ne se distingue pas de celle de la justice. Chaque seigneur désigne un prévôt compétent dans les deux domaines. À Paris, le prévôt du roi siège au Châtelet. Il doit compter avec de puissantes juridictions concurrentes, en particulier celle de la municipalité et celle de l'évêque.

L'essor de la police est directement lié à celui de l'État royal et à son emprise sur la capitale du royaume. Au XIVe siècle, les fonctions de police des commissaires du Châtelet se précisent, chacun d'entre eux se voyant assigner la surveillance d'un des douze quartiers de la ville. Sur le terrain, ils sont assistés par des huissiers, des sergents et des archers, dont la mauvaise réputation est proverbiale. Outre l'ordre public, ces faibles forces doivent faire respecter les règlements urbains, notamment en matière d'hygiène, de ravitaillement, de transport, etc. Le mot « police » désigne donc l'ensemble des activités de surveillance et d'organisation de la société urbaine.

Les villes médiévales ne sont pourtant pas des jungles livrées à une violence sans frein. Le redoutable droit de vengeance limite plus sûrement la criminalité que la peur du sergent. Les citadins participent d'ailleurs volontiers à des actions de police. Certains appartiennent au guet bourgeois, créé en 1254, remplacé par une taxe en 1559. D'autres aident spontanément à arrêter des criminels et fournissent des escortes armées pour les mener en prison. Il arrive aussi que la foule punisse sur place un criminel supposé, ou au contraire qu'elle délivre un captif, voire qu'elle lapide un bourreau maladroit.

Quant aux campagnes, où vivent près de neuf Français sur dix, elles ne possèdent aucune police organisée. L'autodéfense y est de règle. Les juges seigneuriaux et leurs auxiliaires y sont les seuls réels représentants de l'ordre. Les bandes de brigands et de soldats déserteurs règnent sur les routes et dans les forêts. Ils causent tant de ravages que François Ier décide de renforcer les pouvoirs des prévôts des maréchaux. Au siècle précédent, ceux-ci avaient pour charge la police des armées, la poursuite et la punition des déserteurs. En 1520, le roi en crée 30, assistés de 30 lieutenants, 30 greffiers et 300 archers, répartis dans les diverses provinces ; leur nouvelle mission est d'assurer la sécurité du « plat pays » (par opposition aux villes). Une justice souveraine, sans appel, leur est accordée par la suite sur les gens de guerre, les vagabonds, mais aussi sur les faux monnayeurs, les coupables de sacrilège avec effraction et tous les auteurs d'agressions à main armée sur les grands chemins, même s'ils ont un domicile fixe. Police montée et armée des chemins, la maréchaussée est l'ancêtre de la gendarmerie. Au XVIIIe siècle, elle quadrille le territoire et possède une réputation d'efficacité dans toute l'Europe.