Poitiers (bataille de) [732], (suite)
La principale conséquence de l'expédition musulmane est de fournir à Charles une légitimité pour intervenir au sud de la Loire : plusieurs campagnes en Septimanie et en Aquitaine, ainsi que la conquête de la Provence entre 733 et 739, marquent le rétablissement du pouvoir franc dans le Midi. Pour autant, la bataille de Poitiers n'apparaît pas comme la cause principale de l'arrêt de la progression musulmane en Europe : celle-ci se heurtait déjà à la résistance des réduits chrétiens d'Espagne septentrionale, et les nombreuses expéditions musulmanes en Aquitaine ou dans la vallée du Rhône doivent être considérées comme des opérations de razzia et non de conquête. Cependant, la bataille connaît un important retentissement en Europe, en particulier hors du royaume franc. Beaucoup l'analysent comme le triomphe de la Chrétienté sur l'Islam, ainsi que l'attestent un poème chrétien anonyme rédigé à Cordoue vers 754, ou les écrits de Bède le Vénérable, moine anglo-saxon de Northumbrie. La victoire est, par la suite, célébrée par les clercs de la cour carolingienne, qui y voient un signe divin en faveur de Charles et de ses descendants : les chroniqueurs du IX e siècle donnent alors à ce dernier le surnom de Martel, inspiré de celui de Judas Macchabée, élu de Dieu et héros guerrier de l'Ancien Testament qui, avec ses frères, délivra Israël de la tutelle séleucide. Au XIXe siècle encore, l'historiographie et l'enseignement républicains reprennent et diffusent largement la conception qui fait de la bataille de Poitiers un des moments fondateurs de la nation.