Aliénor d'Aquitaine, (suite)
Deux mois plus tard, Aliénor, âgée de 30 ans, épouse Henri Plantagenêt, comte d'Anjou et duc de Normandie, de dix ans son cadet. Lorsque ce dernier devient roi d'Angleterre, en 1154, les domaines des Plantagenêts s'étendent de l'Écosse aux Pyrénées. À partir de 1169, son fils Richard gouvernant l'Aquitaine, Aliénor réside le plus souvent à Poitiers, d'autant que ses relations avec Henri II se dégradent. Mêlée à la révolte de ses fils contre leur père, elle est arrêtée et enfermée à Chinon à partir de 1174. Elle n'en sort qu'en 1189, à l'avènement de son fils Richard Cœur de Lion. Elle retrouve alors un rôle de premier plan : régente pendant la troisième croisade, elle assure en 1199 la succession du royaume à son second fils, Jean sans Terre, puis se rend en Castille, en 1200, pour y chercher sa petite-fille Blanche, destinée à l'héritier de Philippe Auguste, le futur Louis VIII. Sur le chemin du retour, la vieille reine se retire définitivement, jusqu'à sa mort, dans l'abbaye de Fontevraud.
À Poitiers, Aliénor d'Aquitaine a tenu une cour brillante, inspirée de son grand-père Guillaume IX le Troubadour. Elle a contribué largement au rayonnement de la littérature courtoise, protégé le troubadour Bernard de Ventadour et favorisé la diffusion de la légende de Tristan. Ses nombreuses filles ont poursuivi ces activités de mécénat, et propagé à leur tour la littérature courtoise en Castille, en Bavière, en Provence et en Sicile.
« Monstre femelle » pour les clercs de son époque, Aliénor a longtemps été considérée par les historiens comme une fauteuse de troubles, comme la cause, par son inconduite, son divorce et son remariage, de trois siècles de conflits avec l'Angleterre. Aujourd'hui, on perçoit cette figure célèbre de façon différente : elle incarne la femme libérée du XIIe siècle, symbole d'un Moyen Âge éclairé et plaisant ; cependant, d'aucuns voudraient la présenter comme l'archétype de la princesse médiévale, plus à plaindre qu'à admirer. Si Aliénor continue de susciter des prises de position aussi tranchées, c'est parce qu'elle reste avant tout une figure féminine centrale de notre histoire.