Cabanis (Pierre Jean Georges),
médecin et philosophe (Brive 1757 - Rueil 1808).
Ce fils de bourgeois des Lumières qui fréquente le salon de Mme Hélvétius et du baron d'Holbach choisit de se consacrer à la médecine plutôt que de suivre un parcours littéraire. Il ne cesse cependant d'associer les préoccupations scientifiques et philosophiques en réfléchissant sur les fonctions sociales du savoir médical et sur ses fondements épistémologiques. Partisan de la Révolution, il est élu en 1795 à l'Institut mais ne s'engage dans une véritable carrière politique qu'à partir de 1798, date de son entrée au Conseil des Cinq-Cents. Il commence alors à rédiger son œuvre majeure, les Rapports du physique et du moral de l'homme (1802), dont il présente des extraits à ses collègues idéologues à l'Institut. Cabanis milite pour la fondation d'une science de l'homme, établissant ainsi un pont entre le matérialisme du XVIIIe siècle et la quête moderne de données positives visant à la compréhension de l'existence humaine, caractéristique du XIXe siècle. Il rejette ainsi tout point de vue spiritualiste, toute modélisation a priori. Persuadé, avec ses amis du groupe des Idéologues, que Bonaparte est la meilleure garantie pour la République, il soutient le coup d'État du 18 brumaire. Il devient sénateur et membre de la Légion d'honneur tout en se désolidarisant de l'autoritarisme du nouveau régime. Cependant, son anthropologie sert de référence à l'élaboration du Code civil. Lorsqu'il meurt, en 1808, l'Empire lui fait l'honneur du Panthéon et d'un titre de comte.
Cabarrus (Jeanne Marie Ignacia Thérésa),
épouse en deuxièmes noces de Jean Tallien, connue sous le nom de Mme Tallien, figure thermidorienne (Carabanchel Alto, près de Madrid, 1773 - Chimay 1835).
Fille du financier et ministre espagnol François de Cabarrus, elle regagne l'Espagne après avoir divorcé du marquis de Fontenay en 1793 ; elle est arrêtée à Bordeaux comme suspecte, puis libérée par Tallien, dont elle devient la maîtresse et l'épouse (décembre 1794). Idole des « incroyables » et des « merveilleuses », la Tallien incarne, sous la Convention thermidorienne et le Directoire, la rupture engagée après la chute de Robespierre. Célèbre pour ses tenues diaphanes « richement déshabillées » (Talleyrand), Mme Tallien donne le ton de la mode. Elle incarne ainsi un archétype féminin, femme corruptrice et légère, ou beauté généreuse. Dans son milieu, elle est « la Notre-Dame de Thermidor », qui incite les politiques à adopter des mesures de clémence, l'inverse des « tricoteuses », censées se délecter du spectacle de la guillotine, mais, pour les sans-culottes, elle est, selon un pamphlet anonyme de 1802, « la plus grande putain de Paris ». C'est en effet une époque où, écrit Babeuf, par « une rétrogradation déplorable qui tue votre Révolution », les députés « décident du destin des humains, couchés mollement sur l'édredon et les roses à côté de princesses ». À la Convention, on dénonce l'influence politique des salons thermidoriens, les attaques contre le Club des jacobins « combinées dans les boudoirs de Mme Cabarrus » (Duhem). Sa carrière « publique » prend fin après le coup d'État du 18 brumaire. En 1802, elle divorce de Tallien et, en 1805, épouse le comte de Caraman, qui deviendra prince de Chimay.
Cabet (Étienne),
penseur socialiste (Dijon 1788 - Saint Louis, États-Unis, 1856).
Fils d'un maître tonnelier, avocat, Étienne Cabet est gagné aux idéaux républicains dès les Cent-Jours. Après avoir été carbonaro sous la Restauration, magistrat vite destitué, puis député sous Louis-Philippe, il met sa plume au service de ses idées à partir de 1832 et fonde le Populaire, journal républicain en 1833. Contraint de s'exiler quelque temps à Londres en 1835, il y théorise un communisme démocratique et pacifique, qu'il expose, de retour en France, dans un roman - Voyage en Icarie (1840) -, propage par un journal, le Populaire de 1841, et confirme dans des Mémoires au titre révélateur : Mon credo communiste (1845).
Dans la Fraternité icarienne, la propriété privée est abolie, les biens sont mis en commun, et tout s'ordonne autour de l'éducation et du travail ; chacun est rémunéré en nature selon ses besoins. Le peuple, souverain dans tous les domaines, s'exprime par référendum. Pour parvenir progressivement à cette société idéale et gagner en influence dans l'opinion publique, Cabet propose des réformes immédiates, telles que l'institution d'un impôt progressif, d'un salaire minimum et du droit au travail. Mais, en dépit de ses activités militantes en France, en particulier au début de la révolution de 1848, il veut surtout réaliser son utopie dans un cadre réduit ; il crée donc des communautés au Texas et en Illinois, qui échouent à cause de leur isolement, de l'autoritarisme de Cabet lui-même, et de l'absence de pensée concrète de la vie communautaire.
Cabinet noir,
officine secrète chargée, sous le premier Empire, de décacheter les correspondances privées.
Sous l'Ancien Régime, le surintendant général des Postes étant aussi secrétaire d'État aux Affaires étrangères, l'ouverture de lettres est une pratique gouvernementale fréquente, dont on se plaint dans les cahiers de doléances de 1789. Après la Révolution, qui protège par décret le secret des lettres, le viol du courrier est perfectionné et systématisé en 1808, sur ordre de Napoléon Ier, pour surveiller ses proches et l'opinion publique, et dans le cadre de la police politique et de l'espionnage. Dirigé par le dévoué comte de Lavalette, directeur général des Postes, le Cabinet noir communique par une porte dérobée avec l'Hôtel des postes à Paris. Doté d'un gros budget, il emploie des agents bien formés, qui recopient si nécessaire, avant de les remettre en circulation, les lettres ouvertes, déchiffrent, révèlent l'encre sympathique, et reproduisent les cachets scellant le courrier. Jusqu'en 1815, les fruits de ces travaux sont remis chaque jour à Napoléon, qui les détruit après en avoir pris connaissance.
cabochienne (révolte),
soulèvement parisien contre l'administration et la fiscalité royales, qui se déroule entre avril et août 1413 et qui tient son nom d'un de ses principaux meneurs, le boucher Simon Caboche.