Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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roi (suite)

Pieux, le roi est souvent un roi savant, ou du moins protecteur du savoir. Saint Louis rassemble un grand nombre d'ouvrages dans une bibliothèque ouverte à tous. Charles V, appelé « le Sage » par ses contemporains, réunit autour de lui un cercle de juristes et de théologiens auxquels il commande des traductions d'auteurs anciens ; il fait également rédiger des compilations qui résument ses conceptions du pouvoir monarchique. Sa bibliothèque de neuf cents manuscrits, abritée dans la tour du Louvre, est léguée, comme le trône, au fils aîné et n'est jamais partagée entre les différents descendants (elle sera à l'origine de la Bibliothèque nationale). Outre la piété et la sagesse, le roi doit avoir les mêmes vertus que les autres fidèles, et pratiquer par conséquent les trois vertus théologales - foi, espérance, charité - ainsi que les quatre vertus cardinales - force (courage), justice, prudence, tempérance. Il lui faut également respecter les normes de l'Église en matière de chasteté ; néanmoins, même si Philippe IV et Charles V se conforment à cette prescription, la maîtresse royale devient une figure familière de la cour à la fin du XIVe siècle. En outre, le roi doit être sobre dans la façon aussi bien de s'alimenter que de se vêtir, excepté lors des cérémonies officielles au cours desquelles il lui faut affirmer sa splendeur. Il doit surtout se préserver de ces ambitions terrestres que sont l'orgueil, la soif de dominer et la vaine gloire.

Les prérogatives royales

Pour les juristes, le pouvoir royal se définit non par ses fins mais par les moyens de son action. Tous les rois sont prioritairement justiciers car, sans justice, ni bien commun ni paix ne sont possibles. Sans doute, la justice est-elle encore exercée par des ecclésiastiques ou par certains seigneurs, mais tous les justiciables peuvent faire appel au roi. Beaucoup préfèrent d'ailleurs s'adresser directement à la justice royale, dont les lenteurs sont contrebalancées par l'impartialité. Le roi punit le non-respect de la loi. Celle-ci doit se conformer à la loi de Dieu et respecter les bonnes coutumes. À partir du XIIIe siècle, le roi a le pouvoir de promulguer de nouvelles lois, à condition qu'elles fassent l'objet d'une délibération en Conseil et qu'elles soient conformes à la raison. Du pouvoir judiciaire renaît progressivement le pouvoir législatif : les ordonnances de Saint Louis s'appliquent dans tout le royaume.

Le roi récupère aussi peu à peu le monopole de la guerre, qui est d'abord une simple conséquence du pouvoir judiciaire : il faut lutter contre les brigands ou les rebelles. À l'extérieur, ce monopole se justifie par la nécessité de protéger les frontières et les habitants du royaume. Très présent sur les théâtres d'opérations militaires, le roi médiéval incite ses vassaux à la prouesse en montrant lui-même l'exemple. Philippe II sera dit « Auguste » ; Jean II, « le Bon » (c'est-à-dire « le Brave ») ; Charles VII, « le Très Victorieux ». Cet engagement personnel dans les combats présente toutefois des risques, ainsi qu'en témoigne la capture de Jean II à Poitiers, en 1356. Malgré tout, François Ier charge à la tête de la cavalerie à Pavie (1525), Louis XIII s'expose pendant le siège de La Rochelle (1627-1628) et Louis XIV s'affirme comme un roi de guerre.

Dépenses nombreuses, revenus irréguliers

La guerre exige naturellement des fonds considérables. Le roi se doit donc d'être riche. Ses revenus proviennent des terres qu'il possède en propre, de l'exploitation du sous-sol et du paiement de droits divers. Cet ensemble de ressources constitue son domaine ou ses revenus ordinaires. À partir de la fin du XIIIe siècle, le roi lève l'impôt, à condition de pouvoir le justifier, car une levée sans raison constitue un péché mortel : plutôt que d'avoir à répondre de prélèvements arbitraires lors du Jugement dernier, plusieurs rois, avant de mourir, abolissent l'impôt, au grand dam de leurs successeurs. Car l'impôt doit être consenti. Certains sont coutumiers, tels ceux prélevés pour le mariage de la fille aînée, pour l'adoubement du fils, pour une rançon à acquitter ou pour un départ à la croisade. La guerre demeure la nécessité la plus facile à justifier : ainsi, la guerre de Cent Ans permet le passage à l'impôt annuel permanent.

De cet argent, le roi ne doit garder pour lui que ce qu'il lui faut pour subvenir aux soins de sa famille et aux besoins de l'État, sans thésauriser. Les dépenses sont multiples car il appartient au monarque d'être charitable envers les pauvres et les églises, large envers ses barons. À partir du XIIIe siècle, il doit également financer des administrations plus nombreuses, des guerres, et une diplomatie plus coûteuse. L'impôt étant mal réparti, injuste - les clercs et les nobles en sont exemptés et les élites urbaines n'y sont guère assujetties -, les caisses royales sont fréquemment vides. La fiscalité est, par-delà les siècles, le talon d'Achille de la monarchie française.

L'appareil monarchique

Pour remplir ses multiples tâches, le roi peut compter sur l'aide de sa famille - ceux du « sang de France » -, mais également sur le conseil des grands vassaux, qui lui sont liés par l'hommage, et enfin sur un appareil d'État composé d'officiers spécialisés. Cette spécialisation s'accentue à mesure que la monarchie s'affirme comme absolue. Après sa réorganisation par Louis XIII et Richelieu, le système des Conseils atteint la perfection sous le règne de Louis XIV, la principale de ces instances de gouvernement étant le Conseil des affaires (appelé aussi Conseil d'en haut, ou Conseil d'État), où ne siègent que les ministres d'État.

Même si le roi est à l'origine de toute décision, il a, dès le haut Moyen Âge, un devoir de consultation préalable. Il doit savoir s'entourer de bons conseillers, vassaux ou spécialistes. Les réunions des états ou les assemblées provinciales sont une autre façon de solliciter le Conseil, mais les états généraux ne sont plus réunis entre 1614 et 1789. Nombreuses également sont les remontrances de l'Université, des parlements, de la Chambre des comptes. Quoi qu'il en soit, c'est le roi qui décide en dernier ressort, en s'efforçant toujours de respecter la coutume et de ne pas brusquer ses sujets. Il lui convient d'innover sans se couper des traditions. Ainsi, la réforme de l'administration provinciale décidée par Louis XVI (1778) est-elle d'abord testée dans le Berry.