Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Charles III le Simple, (suite)

Le long règne de Charles le Simple illustre la dissociation de l'autorité royale et de l'exercice du pouvoir qui s'accomplit durablement au Xe siècle. Bien que son héritier se soit réfugié en Angleterre, le sort des Carolingiens et, avec eux, celui de l'idée d'empire sont scellés.

Charles IV le Bel,

roi de France de 1322 à 1328 (Vincennes 1294 - id. 1328).

Troisième fils de Philippe IV le Bel et de Jeanne Ire de Navarre, Charles est fait comte de la Marche en 1314, peu avant la mort de son père. La même année, sa femme Blanche de Bourgogne est convaincue d'adultère, dans le scandale des brus du roi. En 1322, ce mariage est annulé, et Charles épouse Marie de Luxembourg, qui décède peu après, puis, en 1325, Jeanne d'Évreux. Si les mariages des fils de Philippe IV le Bel prennent tant d'importance, c'est parce qu'aucun d'eux n'engendre d'héritier mâle. En effet, Louis X, le fils aîné, succède normalement à son père, mais il meurt, en 1316, en laissant son épouse Clémence de Hongrie enceinte d'un enfant qui ne vit pas. Deuxième fils de Philippe IV et régent, Philippe V, succède à Louis X, mais meurt sans héritier mâle en 1322 : et son frère Charles monte alors sur le trône.

Prolongeant l'œuvre de Philippe V, Charles IV est confronté aux problèmes d'assainissement des finances qu'aggrave la reprise de la guerre avec l'Angleterre. La quasi-totalité de son règne est, en effet, dominée par la question de l'hommage que doit rendre le roi d'Angleterre au roi de France pour l'Aquitaine et le Ponthieu, selon les termes du traité de paix de 1254. Les rapports d'Édouard II et de Philippe IV le Bel ont été cordiaux, au point que la fille du roi de France, Isabelle, a épousé le roi d'Angleterre ; mais les relations sont plus tendues avec ses fils. Édouard II ne prête pas hommage à Louis X, retarde l'hommage à Philippe V, et fait des difficultés à l'avènement de Charles IV. La situation s'envenime, en 1323, lorsqu'un officier royal surveillant la construction d'une bastide à Saint-Sardos, en Aquitaine, est tué par un officier aquitain. Cet incident déclenche la « guerre de Saint-Sardos », au cours de laquelle Charles IV confisque la Guyenne et le Ponthieu. Dépêchée auprès de son frère, Isabelle de France négocie pour son mari Édouard II : les fiefs sont remis à son fils Édouard, qui prête hommage. Mais le roi de France, profitant de l'affaiblissement de la royauté anglaise après l'abdication d'Édouard II, lui impose, en 1327, un traité qui réduit considérablement ses fiefs aquitains.

Le règne de Charles IV - dernier représentant de la lignée des Capétiens directs, qui se sont succédé de père en fils depuis Hugues Capet, puisqu'il disparaît sans héritier mâle - annonce, par son conflit ouvert avec l'Angleterre la guerre de Cent Ans, conflit territorial et dynastique.

Charles V le Sage,

roi de France de 1364 à 1380 (Vincennes 1338 - Beauté, aujourd'hui Nogent-sur-Marne, 1380), fils aîné de Jean II le Bon et de Bonne de Luxembourg

L'apprentissage politique

• . Charles, qui reçoit le Dauphiné en apanage, est le premier fils aîné de roi à porter le titre de dauphin. Depuis 1337, le royaume est en guerre avec l'Angleterre, et, en 1356, lors de la bataille de Poitiers, Jean le Bon est vaincu et capturé. En tant que lieutenant du roi, Charles doit rassembler l'argent nécessaire au paiement de la rançon. En 1356 et 1357, dans un contexte de défaillance du pouvoir royal et de crise économique et sociale, il doit obtenir le consentement des états généraux à la levée d'un impôt, et faire face à leurs prétentions politiques. En 1358, il est en outre confronté aux intrigues de Charles le Mauvais - roi de Navarre et comte d'Évreux, allié des Anglais -, à la rébellion parisienne menée par Étienne Marcel, et à la jacquerie des paysans d'Île-de-France. Prenant alors le titre de régent, Charles acquiert une plus grande légitimité et parvient, à force de manœuvres, à maîtriser la situation. En 1360, il réussit à s'imposer comme le principal négociateur de la paix avec l'Angleterre : le traité de Brétigny accorde aux Anglais près de la moitié du royaume, mais permet la libération de Jean le Bon moyennant une rançon raisonnable. Ces années difficiles ont aguerri le dauphin, et sont à l'origine de ses futurs choix politiques.

La restauration de la puissance royale

• . Charles, qui devient roi à la mort de son père, le 18 avril 1364, est sacré à Reims, le 17 mai. Il s'entoure de légistes issus de l'Église, de la petite noblesse ou de la haute bourgeoisie d'affaires, tels Guillaume de Melun, Bureau de La Rivière ou Nicole Oresme. Mais il sait aussi s'appuyer sur ses frères, qui, à la tête de leurs apanages en Bourgogne, en Berry et en Anjou, assurent de solides relais régionaux au pouvoir royal.

En premier lieu, Charles V entreprend d'assainir les finances. La stabilité monétaire et la fiscalité indirecte, instituées par l'ordonnance de Compiègne (1360), sont maintenues, et l'impôt direct (fouage), concédé par les états en 1363, fait l'objet de levées régulières. Ensuite, Charles V s'attache à pacifier le royaume. En 1364, la victoire de Bertrand du Guesclin sur Charles de Navarre, à Cocherel, contraint ce dernier à se retirer sur ses terres. En 1367, une ordonnance de mise en défense du royaume entraîne la réfection de très nombreuses enceintes urbaines et castrales, et la généralisation d'une défense locale. Le roi s'efforce, par ailleurs, de débarrasser le royaume des compagnies de routiers en les envoyant combattre en Castille (1366-1367). En outre, il se donne les moyens de contrôler sa capitale : il agrandit le Louvre, fait construire la Bastille, et dote la rive droite d'une nouvelle enceinte. Enfin, il essaie de rompre l'isolement diplomatique du royaume. Il bénéficie de la bienveillance de son oncle, l'empereur Charles IV de Luxembourg, et du soutien de la papauté avignonnaise. Il obtient l'alliance castillane d'Henri de Trastamare et la neutralité de la Bretagne.

L'ensemble de sa politique est mis au service de la reconquête du royaume. Les efforts financiers permettent la constitution d'une petite armée permanente, rationnellement organisée en compagnies d'armes en 1373 et 1374. La guerre, qui reprend dès 1368, est conduite par Bertrand du Guesclin, nommé connétable en 1370. Évitant les batailles rangées, ce dernier mène une guerre de harcèlement couronnée de succès : à la mort du roi, en 1380, les Anglais ne contrôlent plus qu'une partie de la Guyenne, Calais et Cherbourg.