montagnards,
groupe politique constitué pendant la Révolution. La division historiographique de la Convention en trois « tranches » (girondine, montagnarde, thermidorienne) a pour effet d'obscurcir l'étude du groupe montagnard.
Par ailleurs, la notion de « parti politique », rejetée par les historiens de la Révolution, et l'idée que les groupes sont des « réalités mouvantes » ne permettent pas de rendre compte des enjeux politiques. Pourquoi ne pas souscrire à la classique analyse de Max Weber (les partis politiques sont « les enfants du suffrage universel »), et pourquoi ne pas étudier le groupe des conventionnels montagnards comme l'esquisse d'un parti politique ?
Combien peut-on dénombrer de montagnards à la Convention, au moment crucial de l'éviction des girondins (2 juin 1793) ? Retenons les propositions les plus fiables : Alison Patrick donne une fourchette de 215 à 302 députés, et Françoise Brunel, une liste de 267 noms en juin 1793, soit 35 % des conventionnels. Au-delà de ces divergences mineures, ces recensions mettent en valeur la puissance du groupe, longtemps sous-estimée, face à une Gironde qui ne compte que 18 % à 23 % des députés.
Un groupe hétérogène.
• Qui représentent ces montagnards ? L'approche géographique fait apparaître, de façon impressionniste, une France montagnarde distincte d'une France girondine : ses bastions sont, certes, Paris (avec les fortes personnalités du groupe - Marat, Robespierre, Danton, Desmoulins, Billaud-Varenne, Collot d'Herbois, etc.), mais aussi le Nord et l'Est (menacés par l'invasion au moment des élections de septembre 1792), et surtout les pays marqués par d'âpres luttes paysannes (Auvergne, Périgord, Nivernais, Bourgogne). Au total, 25 départements fournissent 54 % des montagnards. Toutefois, cette carte n'est qu'un élément d'interprétation, puisque les élections eurent lieu à deux degrés. L'approche sociologique n'est guère plus déterminante, car la composition sociale des groupes girondin et montagnard, sans être identique, est proche. Ces députés relèvent des catégories communes de la représentation politique qui se met en place avec la Révolution : juristes et « intellectuels » sont largement dominants.
C'est donc bien du côté du politique (entendons des projets, des actions, des stratégies d'alliance) qu'il faut chercher les clés d'une analyse. Ici éclate l'hétérogénéité de la Montagne, idéologiquement moins unie que la Gironde ; la pluralité du « parti », illustrée lors de la crise des « factions » (mars-avril 1794), mais surtout après le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), époque à laquelle, contrairement à une légende tenace, certains montagnards continuent de détenir le pouvoir. Schématiquement, deux tendances se dégagent. La première, celle des « montagnards minimalistes » (ce qui ne signifie pas qu'ils n'aient pas été « terroristes » en l'an II), se montre peu sensible à la question sociale, mais est partisane de la « théorie des circonstances », de la primauté du droit positif, et, souvent, de la guerre de conquête (Carnot, Dubois de Crancé, etc.). L'autre mouvance (déchirée, au demeurant, par Thermidor), les « montagnards maximalistes », n'agit qu'en fonction d'un « devoir être », est soucieuse de la question sociale, et pense régler le problème de l'articulation des « droits-libertés » et des « droits-créances » par le biais d'« institutions civiles », en créant un espace public où règnent la « réciprocité des secours », l'égalité et la fraternité (on peut y inclure Robespierre et Saint-Just, mais aussi Billaud-Varenne, Collot d'Herbois, etc.).
Le « moment thermidorien » illustre ce clivage. Les « minimalistes », majoritairement « réacteurs » (105 députés), conçoivent le gouvernement révolutionnaire comme un « appareil d'État », dont la « centralité législative » n'est plus exactement le pivot. Les autres, la centaine de « derniers montagnards », que symbolisent les « martyrs de prairial » (an III), tentent toujours de marier démocratie et « bonheur commun ». Opposés à la formation d'une classe politique, ils se veulent législateurs-philosophes. Représentant la véritable « synthèse républicaine », ils ont inspiré les républicains démocrates du XIXe siècle.
Montaigne (Michel Eyquem de),
écrivain et philosophe (Château de Montaigne, Dordogne, 1533 - Bordeaux 1592).
Issu d'une famille de négociants bordelais, arrière-petit-fils d'un armateur qui a fait l'acquisition du château de Montaigne et a jeté les bases de la fortune familiale, l'auteur des Essais appartient à une noblesse d'origine récente. Son père, Pierre Eyquem, a participé aux campagnes d'Italie aux côtés de François Ier, avant d'être élu maire de Bordeaux. L'ascension sociale de la famille s'accompagne d'un élargissement de ses horizons culturels : attirant érudits et professeurs, Pierre Eyquem transforme le vieux château de Montaigne en un lieu de formation humaniste et de sociabilité raffinée. Il entend bien donner à son fils une éducation en rapport avec le nouveau statut social et culturel des Eyquem, devenus premiers citoyens de Bordeaux.
Formation et retraite précoce.
• Dès ses premières années, le jeune Michel est soumis à des expériences peu banales. Arraché à ses parents et confié à de pauvres bûcherons jusqu'à l'âge de 4 ans, il revient au domicile paternel pour y suivre les leçons d'un savant allemand qui lui enseigne le latin comme une langue vivante ; défense expresse est faite à tous les habitants du château de s'exprimer autrement qu'en latin. Son parcours scolaire et universitaire reste assez mal connu. Envoyé au collège de Guyenne, à Bordeaux, à partir de 1539, il suit vraisemblablement des cours de philosophie à la faculté des arts, avant d'étudier le droit à Toulouse, sous la direction de l'humaniste Turnèbe. En 1554, il est nommé conseiller à la cour des aides de Périgueux. Après la suppression de cette cour en 1557, il entre comme conseiller au parlement de Bordeaux, où il fait la connaissance d'Étienne de La Boétie (1530-1563). Le décès précoce de ce dernier le prive d'une « singulière et fraternelle amitié » et le marque douloureusement. À la mort de l'ami privilégié succède celle du père, cinq ans plus tard : ce double deuil a sans doute contribué à la décision d'abandonner toute charge publique et de faire œuvre personnelle.