Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Algérie (guerre d'). (suite)

Si le FLN a dès le premier jour offert aux citoyens français d'Algérie d'opter pour la nationalité algérienne, il n'en a séduit que quelques dizaines, et n'a jamais prétendu représenter leur majorité. Au contraire, la masse des Français d'Algérie, y compris les juifs algériens, citoyens français depuis 1870 et qui furent rejetés par le régime de Vichy de 1940 à 1943, préféra rester française dans une Algérie française. Cette volonté les a conduits à refuser la tendance croissante des gouvernements et de l'opinion publique métropolitaine à rechercher une solution de compromis négociée avec le FLN. Ce refus, approuvé par les cadres de l'armée d'Algérie et par une partie notable des élites politiques, économiques et culturelles de la France, a entraîné une succession d'épreuves de force (manifestation algéroise du 6 février 1956 contre Guy Mollet, attentat au bazooka contre le général Salan le 16 janvier 1957, révolte du 13 mai 1958 contre Pierre Pflimlin, barricades du 24 janvier 1960 contre le rappel du général Massu, manifestation du 9 décembre 1960 contre la « République algérienne »), aboutissant à des concessions provisoires du pouvoir sous la IVe République, puis à un durcissement de sa volonté d'en finir sous la Ve. Après l'échec du putsch des généraux Challe, Zeller, Jouhaud et Salan (avril 1961) visant à empêcher l'ouverture des négociations d'Évian, ce conflit latent prend la forme d'une guerre civile inégale, opposant l'Organisation armée secrète (OAS) des généraux Salan et Jouhaud à la fois au FLN et au gouvernement légal de la France, soutenu par la très grande majorité de l'opinion métropolitaine. Les violences se poursuivront après la fin de l'Algérie française par des attentats visant le président de la République, jusqu'en 1965.

Ainsi, la guerre d'Algérie peut se définir comme une guerre internationale opposant à la France l'État algérien virtuel que veut constituer le FLN, accompagnée de plusieurs guerres civiles divisant les deux peuples concernés.

Les moyens et la fin

La guerre d'Algérie est, comme toute guerre, un affrontement entre deux camps qui tentent, physiquement, de se détruire ; mais c'est aussi un duel de propagande, chacun cherchant à discréditer l'autre en l'accusant de crimes sans précédent. En réalité, leurs méthodes se ressemblent beaucoup plus qu'ils ne veulent l'avouer. Ainsi, prétendant l'un et l'autre au monopole de la souveraineté légitime sur l'Algérie et ses habitants, ils doivent également protéger les « bons » citoyens et punir les « mauvais ». Toutefois, l'énorme inégalité du rapport des forces impose une certaine dissymétrie, le plus faible cherchant à compenser son infériorité par un surcroît de violence.

Les fondateurs du FLN avaient prévu d'employer « tous les moyens ». Cette formule d'un pragmatisme absolu implique la subordination de la morale à l'efficacité, conformément aux « principes révolutionnaires », mais pas une stratégie préconçue en détail.

La priorité fondamentale est de gagner le soutien du peuple à l'insurrection pour assurer le recrutement, le ravitaillement, les liaisons et les renseignements des groupes armés par l'intermédiaire d'une organisation politico-administrative encadrant la population. Ce but a été atteint par trois moyens principaux : la propagande faisant appel aux sentiments patriotiques, anticolonialistes et musulmans latents ; le terrorisme interne, châtiant impitoyablement les réfractaires et les « traîtres » en les déshonorant pour dissuader leurs proches de les imiter ; enfin, le terrorisme externe, destiné à tuer des Français pour venger les victimes de la répression ou pour en provoquer d'autres, de façon à creuser un fossé infranchissable entre les deux populations.

En même temps, l'ALN mène une guérilla de sabotages et d'embuscades contre l'armée française, sans espérer lui infliger une défaite décisive. Son objectif est de tenir le plus longtemps possible. Le FLN compte vaincre en exerçant une double pression sur les dirigeants français : en décourageant l'opinion publique métropolitaine et en isolant la France dans le monde par une habile propagande.

Cette stratégie simple, après les graves difficultés des premiers mois, remporta des succès spectaculaires du milieu de l'année 1955 au début de 1957, voire au début de 1958. L'ALN réussit à s'établir dans toutes les régions montagneuses et à étendre son influence sur tout le territoire de l'Algérie du Nord. Toutefois, sa puissance militaire et son autorité régressèrent ensuite devant les offensives françaises à l'intérieur des frontières. Divers facteurs expliquent ce déclin. L'énorme disproportion des forces et des richesses poussa de nombreux Algériens à se rallier à la France pour éviter une mort violente ou la misère. Mais aussi, souvent, l'abus de la violence comme système d'exercice du pouvoir du FLN-ALN multiplia le désir de vengeance contre lui.

De leur côté, les « forces de l'ordre » mènent une double action : de guerre contre les « rebelles », de « pacification » de la population fidèle ou ralliée. L'armée emploie des effectifs considérables (plus de 500 000 hommes à partir du printemps de 1956, grâce à l'envoi du contingent en Algérie, puis au recrutement intensif de supplétifs musulmans), dix fois supérieurs en nombre que ceux de l'ALN. La plupart des appelés servent à des opérations défensives de protection des personnes et des biens contre les sabotages et le terrorisme. Une minorité de troupes d'élite (légionnaires, parachutistes, commandos de chasse...) traquent les unités de l'ALN dans leurs bastions montagneux avec l'appui d'hélicoptères et d'avions d'assaut, ou les groupes terroristes dans les villes. La marine, l'aviation mais aussi les barrages électrifiés et minés construits par l'armée aux frontières marocaine et tunisienne empêchent les infiltrations de renforts et d'armes venus de l'extérieur.

L'action proprement militaire se prolonge par la recherche du renseignement auprès des prisonniers et les tentatives d'obtenir des ralliements, la manipulation d'agents clandestins ou la dénonciation de faux traîtres dans les rangs du FLN-ALN. Les « rebelles », considérés comme des criminels de droit commun, sont jugés et punis selon des procédures d'exception (état d'urgence d'avril 1955, pouvoirs spéciaux de mars 1956, etc.), ou en tant que « hors-la-loi », par des moyens illégaux, tacitement couverts par les autorités militaires et civiles (torture, exécutions sommaires), voire organisés et codifiés - c'est le cas de la torture à partir de 1957.