Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

chemin de fer. (suite)

Le chemin de fer est parvenu à préserver une image de modernité sans effacer ce qui en a fait une source de méditation nostalgique. Après la guerre, le renouveau du thème ferroviaire dans une littérature de haute tenue est, de ce point de vue, caractéristique. Il est illustré par l'œuvre de Michel Butor, qui, dans la Modification, renoue avec une très ancienne tradition de réflexion amoureuse, portée par le rythme du train, ou, plus récemment, par celle de Jacques Réda, selon lequel « le train reste à présent ce qu'il fut d'emblée, c'est-à-dire religieux et collectif : mythologique ».

Chemises vertes (les),

nom donné, en raison de leur uniforme, aux groupes paramilitaires des Jeunesses paysannes structurés en juin 1935 par Henry Dorgères (Henri d'Halluin).

Les Chemises vertes sont également dotées d'un hymne et d'un journal, Haut les fourches. Leur devise - « Croire, obéir, servir » -, directement inspirée de Mussolini, fait de ces légions de jeunes agriculteurs exaltés par un tribun charismatique pour « aller nettoyer Paris, bras nus et mains pures » le prototype d'un mouvement qui pose le problème du fascisme agrarien français.

Henry Dorgères, ancien journaliste au Progrès agricole de l'Ouest, a d'abord fondé, en 1934, un « Front paysan », pour rassembler les agriculteurs endettés et mécontents des hausses fiscales. Le Front paysan défend également les gros propriétaires, et se révèle rapidement victime de ses dissensions internes. Les Chemises vertes, qui comptent quelque 40 000 membres entre 1936 et 1938, semblent donc opérer la synthèse entre les intérêts des agrariens et ceux de la petite paysannerie, grâce à la rhétorique démagogique du « dorgérisme ». Que l'on insiste sur son discours antiparlementaire, sur ses liens avec les notables, auxquels il fournit des troupes aguerries contre les agitateurs ruraux, ou sur son caractère violemment anticapitaliste et anticitadin, ce mouvement représente, entre « légitimisme exacerbé et fascisme » (selon l'alternative posée par l'historien Pascal Ory), l'exemple d'une efficace mobilisation conservatrice et anti-étatique dans des campagnes affectées par la crise socio-économique des années trente.

Chénier (Marie-Joseph [de]),

dramaturge et homme politique (Constantinople 1764 - Paris 1811).

Ce fils d'un négociant en draps installé en Orient et d'une mère grecque organisant à Paris des soirées philhellènes abandonne la carrière militaire dès 1783, et décide de se consacrer à la vie littéraire, à l'instar d'André, son frère aîné. Charles IX ou l'École des rois, pièce jouée en novembre 1789, enthousiasme plus par sa charge pamphlétaire contre le clergé et le trône que par son originalité littéraire, et lui apporte le succès. Les ambitions du dramaturge et de l'homme politique ne seront plus dissociées. Secrétaire du Club des jacobins en 1792, puis député montagnard de Seine-et-Oise, membre du Comité d'instruction publique, il ponctue la Révolution de motifs littéraires. Ses tragédies Henri VIII, Jean Calas, Caius Gracchus sont jouées au Théâtre de la Nation en 1792, et Fénelon est représenté en 1793. Ses chants fournissent des repères sensibles et unificateurs : Hymne à la Raison, Hymne pour la fête de l'Être suprême, Chant du départ, Hymne pour la reprise de Toulon, Chant des victoires, Chant du retour. La république des lettres incarne son ambition universaliste : le 24 août 1792, une pétition rédigée avec plusieurs citoyens parisiens propose d'adopter « les citoyens du monde qui, par leurs écrits, ont préparé les voies de la liberté ». Marie-Joseph de Chénier salue le 9 Thermidor, et poursuit une carrière républicaine sans interruption, au Comité de sûreté générale en l'an III, au Corps législatif, puis au Conseil des Cinq-Cents, enfin au Tribunat. Il combat la montée du pouvoir personnel de Napoléon, et connaît la disgrâce en 1804.

chevalerie.

La chevalerie, née au XIe siècle, est d'abord un groupe socio-professionnel : celui des guerriers d'élite au service des princes et des seigneurs qui les recrutent et les dirigent. Au cours du XIIe siècle, elle « s'aristocratise » et se pare d'une éthique mêlant des traits militaires, sociaux, moraux et religieux.

La littérature s'empare du thème et consacre le chevalier comme le héros principal des épopées et des romans. La chevalerie y est idéalisée et acquiert alors une dimension mythique, tandis que son rôle militaire réel décline. Aux XIIIe et XIVe siècles, elle se ferme en une caste ; les tournois, les rites et les fastes accentuent son caractère aristocratique et élitiste, qui perdure, bien au-delà du Moyen Âge, dans le cadre des ordres laïcs de chevalerie.

Les origines de la chevalerie

Elles sont d'ordre professionnel. Avant l'an mil, les termes latins milites et militia (traduits plus tard par « chevalier » et « chevalerie ») désignent essentiellement les soldats et le service public armé. Au cours du XIe siècle, on tend à réserver ces dénominations à une catégorie particulière de guerriers : ceux qui, munis d'armes défensives et offensives, combattent à cheval lors des guerres dites « féodales », puis participent aux tournois. L'armement défensif comprend l'écu (ou targe, ou bouclier) en bois recouvert de cuir et, surtout, le haubert (ou brogne), tunique de mailles de fer couvrant le corps depuis les épaules jusqu'aux genoux, sur lequel vient se lacer la coiffe de mailles, couvrant la tête et le cou, puis le heaume, casque oblong, qui se ferme à la fin du XIIe ou au XIIIe siècle. Les armes offensives sont l'épée et, surtout, la lance, de plus en plus longue et lourde, arme de prédilection des chevaliers. Certes, il existait une cavalerie bien avant le XIe siècle, mais elle s'avérait peu efficace. En l'absence d'une technique guerrière propre, elle n'était, en effet, guère plus qu'une infanterie montée, voire transportée à cheval sur le champ de bataille pour y combattre à pied. Ces soldats montés utilisaient la lance de la même manière que les piétons : ils la jetaient comme un javelot, ou la maniaient comme une pique. Cependant, vers le milieu du XIe siècle apparaît, née peut-être en Normandie, une méthode de combat qui va transformer la cavalerie en chevalerie. Il s'agit d'un nouvel usage de la lance, désormais calée sous le bras en position horizontale fixe dès le début de la charge collective et compacte, destinée à disloquer les lignes adverses. La main du chevalier ne sert plus à frapper mais seulement à diriger la pointe vers l'adversaire à abattre. La puissance du coup ne dépend plus de la force du bras, mais de la vitesse et de la cohésion du « projectile » que constitue l'ensemble formé par la lance, le cheval et le chevalier. Cette nouvelle escrime du combat à cheval se généralise au XIIe siècle, et caractérise définitivement la chevalerie. Elle exige un entraînement assidu des hommes et des chevaux, et une consolidation des armes défensives ; la cotte de mailles est remplacée par la cuirasse articulée, formée de parties métalliques rigides et épaisses (XIVe siècle). Le coût de plus en plus onéreux de l'équipement limite le nombre des chevaliers, dont le caractère élitiste se renforce non plus sur le seul plan professionnel mais aussi sur le plan social.