Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Succession de Bretagne (guerre de la), (suite)

Les partisans des deux prétendants sont nettement différenciés. Jean de Montfort s'appuie sur la Bretagne « bretonnante », la petite noblesse, les couches populaires et le roi d'Angleterre. Charles de Blois est bien implanté dans le pays « gallo » (dialecte français) et bénéficie de l'appui des hautes couches de la société et du roi de France. La guerre tourne d'abord à l'avantage de Charles, qui s'empare de Nantes et fait Jean prisonnier. Retranchés dans Hennebont, les montfortistes tiennent toutefois bon, menés par l'épouse de leur chef, Jeanne de Flandre, « au courage d'homme et au cœur de lion » (Froissart). L'aide de la flotte anglaise rétablit la balance. Le conflit s'enlise alors jusqu'à la trêve conclue à Malestroit, le 19 janvier 1343.

La guerre reprend officiellement en 1345, bien que les partis soient momentanément affaiblis, d'une part, par la mort de Jean de Montfort en 1345, la folie de Jeanne de Flandre et la minorité de leur fils Jean, et, d'autre part, par la captivité de Charles de Blois à Londres de 1347 à 1356 et l'impuissance de Jeanne de Penthièvre, régente du duché. Les opérations sont confuses. S'y affrontent de grands capitaines tels Robert Knolles, Thomas Dagworth, Jean de Beaumanoir ou Bertrand du Guesclin, qui s'illustrent dans des actions héroïques, comme dans le combat des Trente, près de Josselin, le 25 mars 1351, ou dans la défense de Rennes face au siège du duc de Lancastre, du 3 octobre 1356 au 5 juillet 1357. En 1362, le débarquement du fils de Jean de Montfort modifie la situation. La guerre reprend avec intensité. Elle s'achève brutalement par la mort de Charles de Blois à la bataille d'Auray (29 septembre 1364). Le premier traité de Guérande (12 avril 1365) reconnaît Jean IV comme seul duc de Bretagne.

Succession d'Espagne (guerre de la),

dernière guerre du règne de Louis XIV, qui oppose la France et l'Espagne à une coalition de puissances européennes, de 1701 à 1714.

L'héritage espagnol.

• À la fin du XVIIe siècle, Charles II d'Espagne, qui appartient à la ligne espagnole des Habsbourg, règne sur d'immenses territoires : l'Espagne proprement dite et les colonies américaines, les Pays-Bas, le Milanais, Naples, la Sardaigne et la Sicile. Depuis longtemps, l'Europe attend la mort de ce roi à la santé fragile, qui n'a pas d'héritier direct. Ses successeurs éventuels sont les enfants et petits-enfants de Louis XIV et ceux de l'empereur germanique Léopold Ier, tous deux fils et époux d'infantes d'Espagne. La perspective d'un retour à Madrid des Habsbourg de la maison d'Autriche effraie l'Angleterre et les Provinces-Unies, qui l'acceptent néanmoins si les possessions espagnoles en Italie et aux Pays-Bas sont partagées. Mais un parti national convainc Charles II de refuser toute division de l'héritage : le roi meurt le 1er novembre 1700, et son testament désigne comme son héritier Philippe de France, duc d'Anjou et second petit-fils de Louis XIV, à la condition qu'il renonce à ses droits sur la couronne de France. Non sans hésitation, Louis XIV accepte, et le duc d'Anjou accède au trône d'Espagne sous le nom de Philippe V. Après un antagonisme biséculaire entre la monarchie française et les Habsbourg d'Espagne, l'avènement d'un Bourbon à Madrid marque un tournant dans les relations internationales ; il ouvre également les colonies espagnoles d'Amérique au commerce français. Mais, alors que la paix en Europe ne remonte qu'à 1697 (traité de Ryswick, mettant fin à la guerre de la Ligue d'Augsbourg), l'acceptation par Louis XIV du testament de Charles II revient à choisir la guerre contre les Habsbourg d'Autriche : en effet, l'empereur Léopold soutient les droits de son fils cadet, l'archiduc Charles. Le conflit s'ouvre dans le Milanais, au printemps 1701.

Les forces en présence et l'extension du conflit.

• D'abord attentistes, l'Angleterre et les Provinces-Unies sont choquées par l'occupation préventive des Pays-Bas par les troupes françaises et par la subordination de Philippe V d'Espagne à son grand-père Louis XIV (l'asiento, fourniture d'esclaves noirs aux colonies espagnoles, est ainsi confié à des Français). Le 15 mai 1702, ces puissances maritimes se rangent du côté impérial, où l'empereur - Léopold Ier, auquel succède, à sa mort en 1705, son fils Joseph Ier - a rallié le Brandebourg et la majorité des princes allemands. La France s'appuie sur une Espagne militairement affaiblie, sur les Électeurs de Bavière et de Cologne, sur la neutralité bienveillante du Portugal, et sur une fragile entente avec la Savoie : c'est bien plus d'alliés qu'elle n'en avait lors des guerres précédentes. Mais, à l'exception de Villars et de Vendôme, les chefs de ses armées sont médiocres, alors que les coalisés ont deux généraux brillants : un Autrichien, le prince Eugène, et un Anglais, Marlborough.

Les coalisés infligent une sévère défaite aux Franco-Bavarois à Blenheim (13 août 1704). La défection de la Savoie (Victor-Amédée II change de camp, en novembre 1703) déséquilibre l'échiquier italien alors qu'au même moment le Portugal s'ouvre aux troupes anglaises : la guerre s'étend à la péninsule Ibérique. Gibraltar est pris par les Anglais en 1704 ; la Catalogne se donne au prétendant Habsbourg (qui y règne sous le nom de Charles III) ; Philippe V est chassé de Madrid en 1706. La même année, Marlborough, vainqueur à Ramillies, conquiert les Pays-Bas, et le prince Eugène, vainqueur à Turin, refoule peu à peu d'Italie les Franco-Espagnols. Un moment rétablie en 1707, la situation tourne à nouveau au détriment de la France : la défaite d'Oudenaarde (Audenarde), le 11 juillet 1708, entraîne la chute de Lille, le 22 octobre. Dans un pays menacé d'invasion, accablé par un terrible hiver, épuisé d'impôts, Louis XIV songe à négocier une paix de compromis : il y renonce devant l'exigence des coalisés, qui veulent lui faire combattre Philippe V.

La bataille de Malplaquet (11 septembre 1709), demi-défaite pour la France, sauve cependant celle-ci de l'invasion. Le redressement se poursuit par un nouvel appel à l'impôt (le dixième, plus égalitaire), par la défense opiniâtre de la frontière nord par Villars, par la victoire de Vendôme en Espagne, à Villaviciosa (10 décembre 1710). Les corsaires malouins et dunkerquois mènent la vie dure au commerce anglais (plus de 3 000 navires capturés) et lancent des raids jusqu'en Amérique (prise de Rio de Janeiro par Duguay-Trouin, en septembre 1711). Le succès de Villars à Denain (24 juillet 1712) permet de repousser le prince Eugène sur le front du Nord. Surtout, la mort de Joseph Ier en 1711 fait accéder à la couronne impériale son frère Charles (l'empereur Charles VI, par ailleurs toujours prétendant au trône d'Espagne). L'Angleterre - où les tories, partisans de la paix, ont succédé aux whigs - retrouve donc ses craintes d'une hégémonie autrichienne : elle retire ses troupes.